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Haïti-Politique : Que dit l’accord d’El Rancho ?

Par Edner Fils Décime

P-au-P, 18 mars 2014 [AlterPresse] --- Les pouvoirs exécutif et législatif, les partis politiques ont finalement paraphé l’accord politique et institutionnel désormais nommé « accord d’el Rancho », le 14 mars 2014, soit un mois exactement après la première tentative échouée de sa signature.

Fruit du « dialogue politique et interinstitutionnel haïtien » du 24 janvier au 14 mars 2014, ce document de 7 pages (11 visas et considérants, 4 parties), contenant 14 articles, permet le partage du pouvoir, propose des votes de loi dont l’une sur l’aménagement du territoire, adresse le retrait de la Mission de casques bleus de l’ONU et projette des élections pour 2014.

En gros, l’accord est trouvé autour des trois grands thèmes du dialogue, à savoir Gouvernance, Élections, Constitution. Une partie, intitulée « dispositions spéciales », présente les réserves des parties.

Sous la houlette de la conférence épiscopale (catholique romaine) d’Haïti (Ceh), présidée par le Cardinal Chibly Langlois, les signataires considèrent ce document comme « une contribution importante en vue du dialogue national, prôné par plus d’un et prévu dans le protocole de médiation ».

Partage du gâteau gouvernemental, confiance et élections

Dans 10 jours ouvrables, à partir de la signature de l’accord, certains partis politiques se verront confier leur poste ministériel dans le gouvernement haïtien.

L’opinion doit s’attendre à un arrêté présidentiel, nommant de nouveaux ministres qui doivent être des « personnalités inspirant confiance ».

« Gouvernement d’ouverture » ou « gouvernement qui inspire confiance » ? Le sénat préfère le second au premier.

En tout cas, au vœu de l’article 1 de l’accord, ce gouvernement, en plus d’inspirer confiance, doit « créer les conditions nécessaires pour réaliser des élections libres, honnêtes et démocratiques ».

Exécutif, législatif et partis politiques s’accordent sur un scrutin unique avant la fin de l’année 2014, soit « préférablement le dimanche 26 octobre pour la tenue du premier tour » pour deux tiers du sénat, les députés et les collectivités territoriales.

Le Collège transitoire du conseil électoral permanent (Ctcep), transformé en Conseil électoral provisoire (Cep), peut voir au maximum 3 de ses membres remplacer, au cas où les institutions qu’ils représentent le jugent nécessaire, dans un délai n’excédant pas 10 jours à compter du 14 mars 2014.

Pourtant, le parti politique « Respè » et le sénat émettent des réserves sur la manière de constituer le Cep. Ils recommandent la mise en application de l’article 289 de la Constitution du pays.

Cet article stipule que les choix des 9 conseillers et conseillères provisoires doivent provenir du secteur public, des partis politiques et des organisations de la société civile.

Quant à la loi électorale, pouvoirs exécutif, législatif, Cep et partis politiques ont 10 jours francs pour mettre en œuvre les opportunités d’amendement de certains articles. Sinon, les articles rentrent en veilleuse et le Cep passe outre.

A lire l’article 9 de l’accord, les signataires jugent nécessaire de passer au vote électronique, de rapatrier les élections comme marque de souveraineté nationale en impliquant le bénévolat haïtien. La question du vote de la diaspora haïtienne est évoquée.

Souveraineté nationale

Sans réserve, les parties de l’accord prévoient « le retrait planifié et ordonné de la Mission des Nations Unies de stabilisation d’Haïti (Minustah) (Sic) dans les cinq autres départements du pays ».

On pourrait s’attendre à la publication dans le journal officiel, Le Moniteur, des résolutions du sénat sur la présence de la Minustah en Haïti, si l’exécutif n’avait pas de réserves sur l’alinéa e de l’article 2 de l’accord.

L’alinéa en question prévoit « la publication de toutes les lois, votées par le parlement, une fois écoulé le délai d’exercice du droit d’objection du président de la république, ainsi que celle de toutes les résolutions prises par le Grand Corps en application des articles 122 et 125 de la Constitution ».

Augmentation de l’effectif de la Police Nationale d’Haïti (Pnh), restructuration des représentations diplomatiques, redéfinition des termes de la coopération internationale ; vote de la loi sur le fonctionnement des ONGs constituent d’autres points, sur lesquels les protagonistes se sont accordés en matière de souveraineté nationale.

Décentralisation, aménagement du territoire

L’article 5 du document traite de ces questions.

Un projet de loi « portant sur l’aménagement du territoire et le développement local » est à déposer au parlement.

Les parties veulent aussi que le vote de la loi pour la mise en place et le fonctionnement des Collectivités Territoriales soit effectif. La « création d’un institut d’accompagnement des Collectivités Territoriales, en vue de la mise en place de l’Administration publique communale et de celle de la section communale », est également prévue.

Le suivi de cet accord sera assuré par une commission supervisée par la Ceh, à qui elle rend compte « directement », en sa qualité de médiatrice. 4 membres des partis politiques, 1 de l’exécutif, 1 du parlement, 1 des Observateurs indépendants constituent la Commission de suivi.

Jusqu’ici le président de la chambre des députés, Jacques Stevenson Timoléon, n’a pas encore paraphé l’accord. Il a promis de le faire sous peu. Le président du sénat, Dieusseul Simon Desras, a, pour sa part, donné mandat au premier secrétaire du grand corps, Steven Benoit, qui a signé à sa place.

Verra-t-on cet accord aboutir à quelque chose d’utile pour le pays ? Que fera-t-on des irréductibles anti-Martelly ? A quand le dialogue national ? A quand les assises économiques du pays et le débat sur les grandes contradictions qui traversent la société haitienne ?

Ce sont autant de questions soulevées dans l’opinion. [efd gp apr 18/03/2014 02:30]