Par Gotson Pierre
P-au-P., 10 mars 2014 [AlterPresse] --- Une émouvante cérémonie d’adieu à l’enseignant et diplomate Guy Alexandre, ancien ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine, “mort au combat” le vendredi 28 février 2014, à l’âge de 68 ans.
C’était en fin d’après-midi du samedi 8 mars 2014, dans la cour du Centre d’Études Secondaires à Port-au-Prince, où la famille, les proches et des centaines d’amis de l’illustre disparu se sont joints à un grand geste d’hommage.
Témoignages divers, chants et chorégraphie ont ponctué les 3 heures, passées autour de l’urne contenant les restes de Guy Alexandre, dont le corps a été incinéré la veille.
Malgré la pluie, la cérémonie s’est poursuivie en présence d’une assistance plurielle, où se détachaient des figures du monde intellectuel, du secteur démocratique et de la société civile en général.
Le ministre haïtien des affaires étrangères, Pierre-Richard Casimir, ainsi que l’ambassadeur de la République Dominicaine à Port-au-Prince, Ruben Silié Valdes (ami personnel de Guy Alexandre), accompagné d’une importante délégation du pays voisin, ont pris part à la soirée, durant laquelle toutes les langues de l’ile (Créole, Français, Espagnol) ont véhiculé les messages des uns et des autres.
Lynn Margron : « Guy menait une guerre sans merci »
Selon l’éducatrice Lynn Margron, femme de Guy Alexandre, ce dernier disait souvent que, pour lui, la frontière c’est la ligne de démarcation entre ceux et celles qui croient aux droits humains et les autres qui n’y croient pas.
« Ceux-ci, je les combattrai partout sur l’ile », martèle Margron citant Alexandre.
Depuis quelque temps, « Guy menait une guerre sans merci », confie-t-elle.
« Il est tombé sur sa propre frontière. Il aurait souhaité savoir qu’il n’est pas mort en vain », ajoute-t-elle en introduction de la soirée.
William Smarth : « Pour Guy, prenons la décision de ne pas laisser mourir ce pays »
Plus tard, le père spiritain (catholiaue romain) William Smarth, ancien compagnon du défunt, dira « merci pour le modèle et pour l’exemple ».
Il considère Guy Alexandre comme « un cadeau pour Haïti (…) Un humaniste qui a lutté pour la reconnaissance de la valeur de l’humain ».
Faisant allusion aux centaines de personnes de divers secteurs, que l’occasion a réunies, le père Smarth surprend l’assistance quand il s’interroge perplexe : « comment se fait il que le pays se trouve encore dans cet état ? »
Il souhaite que, dans le deuil, se construise l’union et qu’on cesse de « jouer avec ce pays ».
« Joignez vos forces et cherchez un autre chemin pour que ce peuple sorte de la misère et de l’avilissement », lance-t-il à l’assistance.
« Pour Guy, prenons la décision de ne pas laisser mourir ce pays ».
Voici quelques autres propos retenus durant la soirée d’adieu à Guy Alexandre :
Yves Alexandre, frère du disparu, au nom de ses 7 frères et sœurs :
« Le sacrifice de Guy n’aura pas été vain, si chacun reprend la lutte, dans laquelle il est tombé (…) Ses engagements et la justesse de ses combats nous interpellent tous ».
Pierre Richard Casimir, ministre des affaires étrangères :
C’est une « perte cruelle ».
Il souligne la « constance », le « courage », la « determination » et la « conviction » dans le « dernier combat » de Guy Alexandre en faveur des Dominicains d’ascendance haïtienne.
Colette Lespinasse, militante des droits des migrantes et migrants :
« Guy a énormément travaillé pour contribuer à une réorientation des relations haitiano-dominicaines (…) Il est mort dans l’indignation face au virage pris dans le dossier (de la dénationalisation des Dominicains d’ascendance haitienne) ces derniers temps ».
Rachelle Charlier Doucet, du Comite Mémoire 1937 :
Guy Alexandre constatait avec « douleur et indignation le virage » de la diplomatie haïtienne dans le dossier haitiano-dominicain.
« Tu croyais possible un changement profond dans les relations entre les deux pays, qui doivent se baser sur les intérêts bien compris des deux peuples ».
Edwin Paraison, directeur de la Fondation Zile :
Guy Alexandre a été « une icone de sa génération ».
Il a « dédié sa vie à promouvoir la solidarité et la paix » entre Haïti et la République Dominicaine.
Ruben Silié Valdes, ambassadeur dominicain en Haiti :
« Tous les sacrifices, que Guy a faits pour cette île, ne peuvent pas partir, ils demeurent dans l’ile (…) Nos pensées se confondaient. La voix de Guy Alexandre a imposé la question migratoire dans l’agenda de toute la Caraïbe. Guy Alexandre est un drapeau pour toute l’ile. »
Max Puig, sociologue et homme politique dominicain :
Guy Alexandre a su « s’élever au-dessus des préjugés » durant sa carrière diplomatique en République Dominicaine.
Il a été « un des meilleurs avocats de l’amitié entre les peuples haïtien et dominicain ».
Lourdes Edith Joseph Delouis, dirigeante de la Confédération nationale des enseignantes et enseignants haitiens (Cneh) :
Guy Alexandre était un « artisan » des relations entre les secteurs enseignants de la République Dominicaine et d’Haïti.
Fondateur de l’institution d’enseignement Kayanou, « il a ouvert son école à la première cellule syndicale de la Cneh ». Il était un « patriote sincère » et un « militant éprouvé du bonheur humain ».
Anthony Barbier, sociologue :
Plusieurs intervenants ont déclaré vouloir « poursuivre ton combat (…) Moi, je voudrais mourir comme toi, au combat ».
Fritz Deshommes, vice-recteur de l’Université d’Etat d’Haïti (Ueh) :
Guy Alexandre était « d’abord un éducateur. Il n’a jamais cessé de montrer son intérêt pour la question éducative (…) Il était également un citoyen engagé ».
Guy Serge Pompilus, directeur du Centre d’Études Secondaires :
« Combien de vies avait Guy Alexandre ? (…) Le départ de Guy Alexandre invite à préparer les nouvelles pouces. La seule retraite sera la relève ».
Laenec Hurbon, sociologue, lisant un texte du chercheur français Michel Girault :
« Militant de causes politiques toujours justes (…) Il avait le génie de l’amitié (…) Un sens rieur de la vie ». Il était « un modèle d’humanité ».
Claude Moise, historien :
Guy Alexandre, « celui qui cherchait son chemin a travers le chaos (…) Un combattant de la vie ».
AlterPresse s’incline à nouveau devant la dépouille de Guy Alexandre, qui a été un partenaire éclairé des médias et qui a toujours accepté le challenge de l’information. [gp apr 10/03/2014 20:00]