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Haïti-Éducation : Des enseignants menacent d’abandonner leurs postes à Pointe-à-Raquette

La Gonâve, 10 mars 2014 [AlterPresse] --- Certains enseignants avec des arriérés de traitements, au Lycée de Pointe-à-Raquette (île de la Gonâve) , menacent [1] de démissionner après 36 mois de service. D’autres, en situation irrégulière, projettent d’observer un arrêt de travail, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.

Nommés il y a deux ans, les enseignants, ayant des arriérés de traitements, menacent de désister d’ici fin mars 2014, au cas où ils ne recevraient pas leurs émoluments.

Ils déplorent la lenteur constatée dans le paiement de leurs arriérés de traitements, en dépit de la grève, en janvier 2014, de la Plateforme des syndicats d’enseignants, pour exiger, entre autres, de meilleures conditions de travail et la possibilité de faire carrière dans l’enseignement.

Sans solde et travaillant dans une commune difficile d’accès, où les infrastructures de base sont presqu’inexistantes, les enseignants se voient sombrer dans la misère plus de 24 mois après leur nomination. Ils critiquent le manque de considération de la part du Ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle (Menfp), qui tarde à entreprendre les démarches nécessaires en vue de régulariser leur situation.

Enseignants et précarité

Ces enseignants imputent la responsabilité au titulaire du Menfp, Vanneur Pierre, qui, depuis son arrivée à la tête du ministère, n’aurait rien fait pour remédier à la situation, selon eux.

Alors qu’il était nommé professeur dans le Plateau central, il y a quelques années, Vanneur Pierre aurait donné sa démission pour mauvais traitement, soulignent-ils.

Pour le moment, la situation est préoccupante.

Les conditions de vie des enseignants se détériorent avec l’inflation galopante enregistrée en Haïti ces dernières années. Les professeurs vivent un drame difficile à gérer.

« Notre salaire reste fixe. Nos dépenses ont, pour le moins, triplé. Nous nous enfonçons quotidiennement dans le gouffre affreux de l’absence d’épargne et vivons une situation d’endettement chronique », se lamente un professeur de mathématiques, qui requiert l’anonymat.

Étant sans solde public, les enseignants se trouvent à la merci des usuriers, ajoute-t-il.

« Jusqu’à présent, je n’ai pas encore reçu mon émolument, alors que j’ai une famille. Je dois payer le loyer, acheter des documents pour la préparation des cours. Toutes mes ressources sont épuisées. Je ne suis pas en mesure de renouveler ma force de travail », précise un autre professeur (affecté par le problème d’arriéré de traitements), pour qui l’enseignant demeure un éternel frustré.

Comme l’a fait Vanneur Pierre, il promet d’abandonner son poste si la situation n’évolue pas.

Des professeurs qualifiés, proposés à temps plein pour des postes vacants, se voient attribuer 8 mille 120 gourdes (G. 8,120.00 / US $ 1.00 = 45.00 gourdes ; 1 euro = 63.00 gourdes aujourd’hui) de traitement brut, alors qu’ils peinent encore à recevoir leurs chèques et arriérés.

« Avec ce salaire de misère, nous ne pouvons rien augurer de bon, sinon que vaquer à d’autres activités nous permettant d’assurer notre survie », s’indigne un enseignant de littérature.

En 2007, sous le gouvernement du premier ministre Jacques Édouard Alexis (René Garcia Préval était président de la république à l’époque), l’ancien ministre de l’éducation nationale, Gabriel Bien-Aïmé, avait procédé à la nomination de 6 mille enseignantes et enseignants pour compenser le manque de professeurs dans les écoles publiques.

Toutefois, pour des raisons politiques, ils n’ont pas reçu leurs salaires.

Depuis lors, le système en accueille des milliers.

Aujourd’hui, plus de 13 mille enseignantes et enseignants seraient en attente de leurs arriérés de traitements, selon des chiffres publiés par la journal Le Nouvelliste.

La nomination, autre grand défi

A côté des arriérés, des enseignants sont en situation irrégulière au lycée de Pointe-à-Raquette.

A travers des pétitions adressées, début décembre 2013 et mi-janvier 2014, à la direction départementale d’éducation de l’Ouest (Ddeo, dont le responsable est Ivalan Espérance), les enseignants - en situation irrégulière depuis environ trois ans à Pointe à Raquette - ont exprimé leur mécontentement par rapport à la lenteur constatée dans le processus de leur nomination.

Ils affirment être résolus à suspendre leurs activités au lycée de Pointe à Raquette.

« Nous décidons d’observer un arrêt de travail jusqu’à ce que ce problème soit résolu une fois pour toutes », lit-on dans les pétitions.

Les conditions de travail humiliantes et dégradantes au lycée imposent aux professeurs de payer un prix, celui du sang, puisque, à court de réserves, ils ne sont plus en mesure de reproduire leurs forces de travail, signalent les enseignants interrogés à l’attention de la direction départementale de l’Ouest.

En dépit d’une vague de transferts (plus de six enseignants à temps plein), les enseignants disent mobiliser leurs énergies afin de fournir leurs services au lycée, alors que leurs efforts sont loin d’être compensés.

« Aucun responsable avisé ne saurait laisser périr ce lycée, qui trimbale encore sa carcasse. Ce sont les élèves qui paient, en ce moment, les pots cassés face à une telle incurie », lancent-ils.

Fin février 2014, suite aux démarches de la Ddeo auprès des responsables de l’éducation, certains enseignants ont reçu leurs lettres de nomination, alors que d’autres attendent encore.

Ces derniers envisagent de paralyser les activités du lycée, pour le troisième examen de l’année scolaire, s’ils ne sont pas nommés incessamment (d’ici la fin du mois de mars 2014).

Située à quatre heures (en voilier) de Miragoane, Pointe-à-Raquette fait face à de nombreux défis.

Pour ses 45 mille habitantes et habitants, Pointe-à-Raquette compte deux lycées, pour lesquels les résultats officiels sont plutôt décevants sur les dix dernières années, notamment à cause d’une carence en enseignants.

Le niveau d’enseignement était concurrentiel et promotionnel jusqu’aux années 1993-2000.

Mais, avec l’augmentation exponentielle d’écoles « borlettes », dépourvues de bibliothèques, d’instituteurs qualifiés, de curricula, la commune pourrait mettre beaucoup de temps pour se relever, craignent des habitants.

L’état lamentable des lycées de la commune invite à mettre en branle des actions concrètes en faveur des écolières et écoliers, qui, recevant une éducation au rabais, demeurent les victimes de la défaillance et du dysfonctionnement du système éducatif haïtien, arguent-ils. [lo kft rc apr 10/03/2014 10:30]


[1Outre la faible présence d’organismes étatiques, la commune souffre du manque d’énergie et d’eau potable. De plus, les infrastructures maritimes, sanitaires et routières sont déficientes, rendant pénible la vie des habitantes et habitantes.