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Haïti-Rétrospectives février 2014 : Sur les pas d’un nouveau tango politique et sportif

Par Karenine Francesca Théosmy

P-au-P, 10 mars 2014 [AlterPresse] --- Le dialogue s’est resserré en février autour de protagonistes férus de bras de fer, en politique comme en football, dans un climat de deuil et de clameur contre des menaces envers la liberté d’expression, relève l’agence en ligne AlterPresse.

Au départ, les représentants d’une cinquantaine de partis politiques (pour la plupart favorables à l’actuelle administration politique), de l’exécutif et du parlement étaient impliqués dans l’espace de pourparlers, baptisé « dialogue inter haïtien », favorisé par l’église catholique romaine.

Le processus s’est finalement arrêté aux deux pouvoirs de l’État toujours en discorde : l’exécutif et le législatif.

La publication de la liste incomplète des personnalités, retenues pour la cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca), a servi de prétexte à la reprise de ce tango.

Michel Martelly n’a fait publier le nom que de 7 des dix candidats à la Cscca. C’est finalement, le jeudi 6 mars 2014, que les trois autres noms ont été rendus publics dans le journal officiel de la république, Le Moniteur, les 10 nouveaux conseillers de la Cscca étant ainsi nommés environ 8 mois après leur choix par le sénat.

Cela eu le don de raviver les différends entre Martelly et le président du sénat, Dieusseul Simon Desras.

Celui-ci n’entendait pas qu’une prérogative du pouvoir législatif soit ainsi soumise au gré d’un Martelly, dont les déplacements à la maison blanche américaine, l’Élysée, la Basilique de St Pierre et le palais royal de Bruxelles ont donné des ailes.

Arbitraire et dialogue

La décision du chef de l’État, si elle semble arbitraire, n’est pas sans rappeler celle du président de la fédération haïtienne de football (Fhf), Yves Jean-Bart.

Celui-ci a décidé que le championnat national de première division se tiendrait désormais avec 16 équipes.

Sept clubs ont manifesté leur désaccord, mais cela n’a pas empêché Yves Jean-Bart de lancer, malgré tout, le championnat le 21 février 2014.

Cinq clubs n’ont pas répondu au rendez-vous. Ils avaient demandé du temps pour discuter autour des changements annoncés par la Fhf.

Entre-temps, la ministre des sports, Magalie Adolphe Racine, s’est mêlée de l’affaire en envoyant une lettre à Yves Jean-Bart, lui demandant de surseoir à l’ouverture du championnat.

En plus d’être ignorée par son destinataire, cette lettre semble avoir déplu, carrément, à la Fédération internationale de football association (Fifa).

Flairant une ingérence du ministère des sports, le secrétaire général de la Fédération internationale de football association (Fifa), le Français Jérôme Valcke, écrit à son tour le lundi 24 février 2014, menaçant de sanctionner le football haïtien et de suspendre la Fédération haïtienne de football (Fhf).

Christophe Wargny a écrit : Haïti est le « pays des discours et de l’arbitraire qui les dément » [1]. Les six clubs protestataires ne diront sans doute pas que c’est faux. Pas plus que certains artistes, à l’image de Antonio Chéramy (de son nom d’artiste Don Kato ), qui, une fois de plus, n’ont pas été sélectionnés pour participer au défilé du carnaval début mars 2014.

Le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) a, dans une lettre ouverte, fait part de ses préoccupations sur cette question qui reflète, selon lui, une véritable menace à la liberté d’expression.

Le parti politique Fusion a, lui, décelé le spectre dangereux de la dictature, derrière cette décision d’écarter ces artistes, attribuée officiellement au comité du carnaval.

A imaginer la dictature des Duvalier, la plus récente qu’a connue le pays, en train de lustrer ses reliques sous un gouvernement dit démocratique, le secteur des droits humains, particulièrement, n’a pas perdu de temps pour se hérisser.

Et pour cause : la justice haïtienne a, à peine, démontré qu’elle ne craignait pas les vieux fantômes du passé, en exigeant une nouvelle instruction du dossier de Jean-Claude Duvalier et en reconnaissant les plaintes déposées contre lui pour crimes contre l’humanité.

Un signe, que l’impunité tant redoutée peut être vaincue.

Le secteur des droits humains en attend d’autres, surtout que l’un des siens a été abattu à Port-au-Prince.

Daniel Dorsinvil, coordonnateur de la plateforme des organisations de droits humains (Pohdh), et son épouse Girldy Larêche ont été tués par balles pour un mobile non encore établi. La police a annoncé des arrestations, mais les proches se montrent prudents et sceptiques.

Le 28 février 2014, une figure de la lutte pour la défense des droits des migrants haïtiens est décédée.

Guy Alexandre, ancien ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine, est mort d’une crise cardiaque. Il était très impliqué dans le combat contre la dénationalisation de milliers de Dominicaines et Dominicains, pour la plupart d’ascendance haïtienne.

Son décès survient alors qu’un processus de dialogue est initié depuis le 7 janvier 2014, entre Haïti et la République Dominicaine, touchant, entre autres, la question de la dénationalisation. Les prochaines discussions devraient avoir lieu le 20 mars.

Ce dialogue, qui se veut un tête-à-tête entre les deux pays, se poursuivra sous le regard de la « communauté internationale », en dépit des avancées jugées peu satisfaisantes par des secteurs en Haïti.

Cette stérilité pointée ne l’entravera sans doute pas, tout comme le « mano a mano » entre Martelly et Desras. [kft rc apr 10/03/2014 1:30]


[1Christophe WARGNY, Haïti n’existe pas. 1804-2004 : deux cents ans de solitude, Éditions Autrement, Paris, 2004, p.96