P-au-P, 20 févr. 2014 [AlterPresse] --- La cour d’appel de Port-au-Prince casse l’ordonnance du juge Carvès Jean, qui avait rejeté les poursuites contre l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier pour crimes contre l’humanité.
Ce verdict a été rendu, ce jeudi 20 février 2014, par les juges Jean Joseph Lebrun, président de la troisième section à la cour d’appel de Port-au-Prince, Durin Duret et Marie Jocelyne Casimir, juges en audience ordinaire, en présence de Florence Mathieu, représentante du ministère public, a observé l’agence en ligne AlterPresse.
La cour ordonne, conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’appel pénal un supplément d’instruction, et désigne pour ce faire le juge Durin Duret Junior de la cour d’appel de Port-au-Prince.
Le juge Duret aura, ainsi, à instruire une nouvelle fois l’affaire en auditionnant tous les plaignants qui n’ont pas été entendus.
La cour déclare irrecevable les plaintes de certains plaignants comme, Alix Fils-Aîmé, Adrienne Gilbert, Marie Nicole Guillaume, Albert Larochelle et Vitale Auguste, pour n’avoir pas été interjetées dans le délai légal.
Elle exige, en même temps, l’identification de tous ceux entrant dans la rubrique de consorts, la précision de la situation des inculpés décédés, l’audition à titre de témoins de tous les citoyens cités par les plaignants à l’occasion de leur déposition devant la cour, l’accomplissement de tous actes d’instruction nécessaires, notamment l’identification d’autres témoins éventuels au cours de la nouvelle information.
Accusé de graves violations des droits humains, notamment de meurtres et d’actes de torture à l’encontre d’opposants politiques, ainsi que de corruption, l’ex-dictateur Jean-Claude Duvalier est l’objet de poursuites pour crimes économiques et crimes contre l’humanité, depuis son retour en Haïti, le 16 janvier 2011, après un exil de 25 ans en France.
Par ce verdict de la cour d’appel, les actes reprochés contre Jean-Claude Duvalier constituent des crimes contre l’humanité et sont de par leur caractère, imprescriptibles, rappellent les juges.
« De sérieux indices relatifs à la participation indirecte et à la responsabilité pénale de l’inculpé Jean-Claude Duvalier sont évidents, pour s’être abstenu de prendre les mesures nécessaires et raisonnables, afin d’empêcher la commission des crimes et prendre les mesures raisonnables de punir les auteurs », avance le juge Jean Joseph Lebrun.
Satisfaite de cette décision, la responsable du Collectif contre l’impunité, Danièle Magloire, considère que « ce verdict va aider à réformer le système judiciaire. La cour a montré qu’elle n’ignorait pas les 29 ans de la dictature, ce que le juge Carvès Jean ignorait ».
Alix Fils Aimé, l’une des victimes de la dictature, croit que la jeunesse doit être en alerte. « Il ne s’agit pas de ma petite personne et de ce que j’ai souffert. Tout simplement les jeunes Haïtiens doivent être vigilants sur ce dossier pour que plus jamais, il n’y ait de dictature dans le pays ».
Robert Duval, autre victime de la dictature, estime que « c’est un grand pas franchi, puisqu’ils vont appeler tous les acolytes de Jean Claude Duvalier qui vont pouvoir être trainés devant la justice ».
« C’est une victoire historique pour un pays dans lequel les riches et les puissants ont toujours été au-dessus de la loi. Si Jean-Claude Duvalier venait à être jugé pour crimes contre l’humanité, ce serait le procès le plus important de l’histoire d’Haïti », affirme pour sa part Reed Brody, conseiller juridique auprès de Human Rights Watch.
Toutefois, les avocats de Jean-Claude Duvalier ont annoncé qu’ils porteront l’affaire devant la cour de cassation, qui rend des décisions sans appel possible, pour récuser définitivement la décision de la cour d’appel. [jep kft gp apr 20/02/2014 16:10]