Par Karenine Francesca Théosmy
P-au-P, 05 févr. 2014 [AlterPresse] --- Alors que le pays célèbre, en janvier 2014, le quatrième anniversaire du tremblement de terre (du 12 janvier 2010) de magnitude 7 - qui a détruit son centre politique et économique, tout en créant une crise humanitaire sans précédent -, une partie de la classe politique tient des assises pour trouver un consensus dans la perspective des élections annoncées dans les prochains 11 mois, avant la fin de 2014, relève l’agence en ligne AlterPresse.
L’agenda des rencontres se concentre sur la gouvernance, les élections et la Constitution.
Parallèlement, certains événements, en janvier 2014, sont venus mettre un bémol assourdissant.
Le choléra, le manque d’infrastructures de base, l’éducation, la justice, ont été des thèmes ayant continué de susciter des débats et d’agiter la rue, mais tout cela en marge du dialogue politique.
Un dialogue… électoral ?
Pas moins de 50 partis politiques (dont une grande part favorable aux vues du régime tèt kale), des représentants du parlement et du gouvernement discutent, depuis le lundi 27 janvier 2014, suivant le vœu de la Conférence épiscopale (catholique romaine) d’Haïti (Ceh).
L’idée est d’éviter « une explosion », a déclaré, au journal français Libération, le nouveau cardinal Chibly Langlois, évêque des Cayes (Sud), président en exercice de la Ceh, nommé cardinal le dimanche 12 janvier 2014 (une date symbolique, évoquant le quatrième anniversaire du séisme du 12 janvier 2010).
Lors de la première semaine des assises, au lieu de disparaître, les divergences ont continué à s’affirmer.
L’idée d’un remaniement du gouvernement a creusé deux camps. Certains partis rejettent carrément l’idée, tandis que d’autres se la disputent sur la forme.
Le mouvement patriotique de l’opposition démocratique(Mopod), actif en 2013 dans le mouvement de mobilisation de l’opposition, a posé des conditions pour prendre part au dialogue.
Aux yeux de Mopod, la plus importante est le départ, du pouvoir, du président Joseph Michel Martelly, dont la nationalité n’est jusque-là pas éclaircie.
Alors que Fanmi Lavalas, parti lui aussi réticent au début, a finalement décidé de participer aux pourparlers, des questions se posent sur l’intérêt d’un dialogue sans le Mopod, un regroupement politique qui a prouvé, en 2013, qu’il pouvait faire des étincelles dans les rues.
Enseignants mécontents : l’embrasement
Des étincelles, il y en a eu en ce mois de janvier 2014.
Des élèves des écoles publiques, lycéennes et lycéens pour la plupart, ont gagné les rues de plusieurs communes (Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Gonaïves, Petit-Goâve, Jérémie, etc.).
Dans la capitale, ils ont affronté les forces de l’ordre : jets de pierres contre tirs de gaz lacrymogènes. Certains ont été bastonnés. Il y a eu une arrestation, selon le coordonnateur de l’Union nationale des normaliennes et normaliens haïtiens (Unnoh), Josué Mérilien, qui revendique en faveur de la mobilisation des enseignantes et enseignants pour un traitement mensuel de bas de 50 mille gourdes (Us $ 1.00 = 45.00 gourdes ; 1 euro = 63.00 gourdes aujourd’hui).
Mérilien s’est positionné face aux autres syndicalistes enseignants, qui ont accepté - contre une trêve dans leur mouvement de grève - de faire machine arrière sur l’une de leurs revendications : le relèvement du salaire des enseignants à 50 mille gourdes.
Dans la foulée, Merilien a été convoqué au parquet de Port-au-Prince.
Il a été relaxé sans avoir été auditionné.
Il affirme avoir été « bousculé » par le commissaire du gouvernement ad interim près le tribunal civil de la capitale, Kerson Charles.
L’enseignant promet de ne pas en rester là. Début février 2014, il annonce grève et manifestations, pour obtenir gain de cause auprès du ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle (Menfp).
Soulèvement à Ouanaminthe pour un meilleur approvisionnement en électricité publique
Parallèlement aux desiderata des enseignantes et enseignants, des habitants de Ouanaminthe (Nord-Est d’Haïti) ont enclenché un mouvement de revendications particulièrement violent au début de l’année 2014.
Ils voulaient l’électrification de leur commune à partir du réseau qui alimente le parc industriel de Caracol.
Lors d’une conférence de presse dans la zone, le président Joseph Michel Martelly a réagi sur la situation dans cette commune.
Il a déclaré, pour sa défense, qu’il y a tellement de priorités que, parfois, il en oublie quelques-unes.
La crise humanitaire sans cesse en embuscade
Pendant que les conditions de travail des enseignantes et enseignants ainsi que le manque d’accès aux infrastructures de base agitent les rues, tous les ans, depuis l’investiture de Martelly à la présidence le 14 mai 2011, d’autres priorités s’affirment, de manière plus lancinante encore.
Quatre ans après le séisme, la situation humanitaire est toujours critique, particulièrement dans 6 départements du pays, dont le Centre, l’Artibonite, le Nord-Ouest et la Grande Anse (une partie du Sud-Ouest), signalent les Nations Unies.
Plus de cent mille enfants souffrent de malnutrition sévère aiguë.
Les expulsions forcées, dans les camps de personnes sinistrées du séisme, se poursuivent, dans l’indifférence des autorités.
Pour ne rien arranger, les Nations Unies prédisent une augmentation, en 2014, des cas de choléra dans le pays, alors que les acteurs humanitaires se sont, pour la plupart, retirés.
La maladie, selon l’Onu, risque aussi de se répandre davantage dans la région : à Cuba, au Mexique, mais aussi en République Dominicaine, où des cas ont été enregistrés.
Le 12 janvier 2014, Martelly et son équipe ont commémoré les quatre ans de la catastrophe sous le thème « An n sonje pou n vanse » (Rappelons-nous pour avancer). Un thème qui se heurte jusqu’ici aux nombreuses priorités en souffrance.
L’agenda, version non abrégée
Outre les questions humanitaires, électorales, éducatives, des questions judiciaires ont également émergé en janvier 2014.
L’homme d’affaires Evinx Daniel, présenté comme un ami du président, est porté disparu depuis le 5 janvier 2014. Martelly ne s’est pas exprimé sur l’affaire.
Par ailleurs, le lundi 20 janvier 2014, la chambre d’instruction criminelle de Port-au-Prince a publié un rapport qui accable plusieurs proches de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide dans l’assassinat, le 3 avril 2000, du journaliste Jean Léopold Dominique et du gardien de Radio Haïti Inter Jean-Claude Louissaint.
Des regroupements de victimes de la dictature des Duvalier attendaient, cependant, le verdict de la cour d’appel sur le dossier de Jean-Claude Duvalier. Le 16 janvier 2014 faisait trois ans, depuis que l’ex-dictateur est revenu en Haïti.
Pendant que la justice haïtienne signe, dans l’affaire Jean Dominique et Jean-Claude Louissaint, ce qui est qualifié « d’avancée significative », elle surprend en même temps.
Le jugement de Jean-Claude Duvalier et de son régime dictatorial est l’une des plus grandes attentes, exprimées notamment par les organisations de défense de droits humains, qui l’interpréteraient comme le signe d’une volonté politique de mettre le pays sur la voie de l’État de droit. [kft rc apr 05/02/2014 11:00]