Par Karenine Francesca Théosmy
P-au-P, 30 déc. 2013 [AlterPresse] --- La saison cyclonique a été plutôt calme en 2013. Pourtant, certains événements ont eu l’effet de tempêtes dans les medias. Mais sans les grandes conséquences attendues.
En gros, l’année 2013 a apporté son lot de petites surprises, souvent loin des annonces fracassantes dont elles ont bénéficié, relève l’agence en ligne AlterPresse.
Kita Nago
L’année 2013 a débuté sur un raz-de-marée.
Le phénomène Kita Nago a secoué le pays durant tout le mois de janvier.
Des centaines de milliers de personnes ont porté, à bout de bras, un tronc d’arbre de 300 kilos, de Tiburon, située à l’extrême Sud-Ouest du pays, à Ouanaminthe, commune placée à l’extrême Nord-Est d’Haïti.
Pour les organisateurs, parmi eux Harry Nicolas, surnommé « Mèt fèy vèt » (littéralement Maitre feuilles vertes), il s’agissait de prouver combien la solidarité haïtienne existe et combien le peuple haïtien peut soulever des montagnes.
Des montagnes, on en a fait de cet événement. Le président de la république est allé le voir. Des blagues grivoises et autres expressions graveleuses ont foisonné.
Une fois le tronc d’arbre arrivé à Ouanaminthe, la fièvre et l’enthousiasme se sont vite estompés.
Kita Nago, accusé d’initiative écran de fumée, n’aurait pas fait long feu dans les consciences qu’il était censé réveiller.
L’électricité 24/24
C’est le premier ministre lui-même qui l’a annoncé, le 16 janvier 2013, lors d’un conseil des ministres.
« Dans six mois », a-t-il alors promis, l’Électricité d’Haïti(Ed’h) serait en mesure d’alimenter les foyers haïtiens 24h/24.
La compagnie publique, croulant sous les déficits astronomiques et le phénomène de « ti priz » (prises clandestines), aurait, pendant ces quelques mois, le temps de résoudre tous ses soucis.
En mars 2013, la ministre à la communication, Régine Godefroy, est la première à démentir son premier ministre.
Le gouvernement serait en train d’examiner un plan pour fournir l’électricité sans les coupures intempestives habituelles, mais il faudrait attendre quatre ans pour le concrétiser, affirme-t-elle.
Juillet arrive, mais les foyers haïtiens sont restés dans le noir.
En septembre 2013, alors que le malaise autour de cette promesse n’est pas dissipé, Laurent Lamothe nie en bloc.
Il affirme n’avoir jamais parlé de fournir l’électricité 24h/24 en juillet 2013, malgré les enregistrements des stations de radio prouvant le contraire.
« L’Ed’h perd plusieurs millions de dollars chaque mois. Le processus de distribution de l’électricité 24/24 sera long en raison des difficultés rencontrées », concède-t-il.
Les Conseils des ministres sont retransmis en direct sur plusieurs stations de télévision.
Aussi, a-t-il été facile de trouver la déclaration du premier ministre qui annonçait bel et bien qu’il y aura du courant dans le pays 24h/24 dans six mois, à compter de janvier 2013.
En fait, la politique énergétique du gouvernement s’est arrêtée concrètement à l’installation de lampadaires, alimentés à l’énergie solaire dans certaines communes.
Une stratégie opaque, qui continue de soulever des questions et des doutes, notamment sur l’argent dépensé pour ces fameux lampadaires.
La rentrée des classes
Le gouvernement souhaitait se rapprocher de la moyenne internationale de 200 jours en termes de jours de classe.
Un spot a été diffusé à la radio, depuis juin 2013, pour marteler cette bonne volonté. Les établissements scolaires ouvriront leurs portes le 2 septembre 2013.
Le gouvernement se rétracte, à cause de problèmes « techniques », de retard dans la publication des résultats de la session ordinaire 2013 du baccalauréat haïtien et de quelques critiques d’organisations syndicales et de parents d’élèves plus tard, avance, à nouveau, le gouvernement, en guise d’excuses pour renvoyer la rentrée des classes.
D’aucuns disent que le gouvernement n’était pas du tout prêt pour la rentrée des classes en septembre, un problème de planification patent après les largesses et débours occasionnés dans les bamboches appelées « carnaval des fleurs » de juillet 2013, déroulées sans aucune prise en compte du triste 98e anniversaire du débarquement (28 juillet 1915) des marines américains en Haïti
La rentrée a lieu finalement le 1er octobre.
Depuis son accession à la présidence, Joseph Michel Martelly, qui déclarait vouloir faire de l’éducation l’une de ses priorités, n’a pris aucune disposition pour respecter la rentrée des classes en septembre.
En 2011, 2012 et 2013, celle-ci a été, à chaque fois, fixée à une date, puis reportée à moins de deux semaines des dates préalablement indiquées, sans aucun respect pour les planifications faites dans les divers établissements scolaires (notamment privés) et avec des menaces proches du totalitarisme.
Jalousie
L’unité de construction de logements et de bâtiments publics (Uclbp) a lancé, en février 2013, un projet baptisé « Jalousie en couleurs », avec pour objectif officiel de « réhabiliter » l’immense bidonville de Jalousie, situé au cœur de Pétionville, à l’est de la capitale.
L’idée, selon le gouvernement, est de repeindre les murs des maisons pour aboutir à un résultat inspiré de la ville idéale du célèbre peintre Préfète Duffaut.
Réhabilitation, ville idéale, « Jalousie en couleurs » n’a atteint aucun de ces nobles objectifs.
En fait, le bidonville continue de susciter des craintes.
Amas de maisonnettes en béton, construites au flanc du Morne L’Hôpital, Jalousie est une bombe à retardement pour certains experts, dont l’ingénieur géologue haïtien Claude Prépetit.
Ajouté à cela, le maque d’accès aux services de bases et des conditions de vie déplorables.
Francisco René
9e commissaire du gouvernement sous l’actuelle administration politique, Francisco René est installé, le 20 août 2013, au parquet près le tribunal civil de Port-au-Prince.
Tout de suite, il assoit son image : des discours sulfureux, des menaces à peines voilées contre la presse, un tempérament survolté.
Le bouillant Francisco René promet, d’emblée, de mettre fin à la « recréation » et au « théâtre radiophonique ».
Dans la nuit du mardi 22 octobre 2013, il enfonce le clou en interpellant un farouche opposant au pouvoir, l’avocat André Michel, pour des raisons encore floues aujourd’hui.
Le barreau des avocates et avocats de Port-au-Prince se soulève contre lui.
Grèves, marches, mouvement de protestation, Francisco René s’accroche, néanmoins.
Toutefois, son règne au parquet ne durera pas plus de trois mois.
En novembre 2013, un communiqué du ministère de la justice et du bâtonnat de Port-au-Prince annonce son limogeage et la fin du différend qu’il a causé.
Jean-Charles Moïse vs Jean-Bertrand Aristide
Figure qui a émergé avec son opposition au président Michel Martelly, le sénateur Jean-Charles Moïse a montré que capituler n’était pas dans son vocabulaire.
Aussi, n’a-t-il jamais marqué de pause dans son acharnement à dénoncer Martelly et son équipe.
Fin 2013, il prend la tête d’un mouvement de protestation de l’opposition majoritairement Lavalas pour pousser Martelly à la démission.
Lorsque le parti de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide le déclare non habilité à parler en son nom, la rupture paraît être proche.
Pour la précipiter sans doute, Jean-Charles Moïse lance un ultimatum à l’ancien prêtre, menaçant de faire des révélations gênantes sur son compte.
Aristide ne bronche pas. Et surprise, Moïse fait machine arrière.
Le mardi 17 décembre 2013, il confie, sur une station de radio de Port-au-Prince, qu’il n’a aucune intention de s’en prendre à Aristide.
Les Grenadiers et la Coupe d’or de football 2013
Toutes celles et tous ceux, qui étaient plantés devant leurs écrans le 8 juin 2013, ont eu conscience de vivre un moment historique.
Les joueurs de la sélection nationale senior de football, surnommés « les grenadiers », sont arrivés à réduire le score face à l’Espagne, championne du monde et d’Europe en titre.
Le match amical, qui a lieu aux États-Unis d’Amérique, s’achève 2-1 en faveur des Espagnols, mais cela n’a pas empêché les bandes à pied de gagner les rues. Cette défaite avait paradoxalement un arrière-goût de victoire.
Deux jours plus tard, encore en amical, les Grenadiers récidivent. Ils tiennent en échec l’Italie au terme d’un match complètement fou.
Ces matches de préparation ont ainsi soulevé de grands espoirs pour la Coupe d’or.
Un marathon a été lancé pour soutenir les joueurs.
L’équipe, toutefois, n’est pas parvenue à se sortir de la phase de groupe, après trois rencontres au mieux décevantes.
Le parlement
Le 5 novembre 2013, trois ministres de Laurent Lamothe, les titulaires de la justice, Jean Renel Sanon, de l’intérieur, David Bazile, et des affaires étrangères, Pierre Richard Casimir, qui porte également le chapeau de ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, sont interpellés au sénat.
La séance est cruciale, longue, pleine de tensions. On s’attend à ce que les sénateurs, qui se disent déçus de la gestion de ces ministres, les renvoient.
Mais, au bout des discussions, rien ne change. Malgré leur piètre prestation, les trois ministres restent à leur poste, bien que la majorité des sénateurs (14) leur accordent un vote de non-confiance. La faute aux sénateurs, proches du pouvoir, qui n’ont pas voté en faveur de la motion de censure !
Le parlement haïtien a fait une règle, semble-t-il, de lancer des bombes qui n’éclatent pas.
Le sénat et la chambre des députés ont, chacun avec sa commission ad hoc, établi la responsabilité du président Joseph Michel Martelly, du premier ministre Laurent Salvador Lamothe et du ministre de la justice Jean Renel Sanon, dans la mort du juge Jean Serge Joseph.
Les rapports des deux commissions recommandent la mise en accusation de ces personnalités.
Mais l’histoire, en 2013, s’est arrêtée là, sans aucun suivi des recommandations votées contre ces hauts fonctionnaires. [kft rc apr 30/12/2013 1:00]