P-au-P, 16 déc. 2013 [AlterPresse] --- Sous la supervision de leur professeur Muneer Ahmad, un groupe d’étudiants chercheurs issus des facultés de droit et de santé publique de l’université étasunisienne, Yale, ont présenté un rapport sur les obligations juridiques et humanitaires de l’Onu par rapport à l’introduction du choléra en Haïti.
Le rapport intitulé « maintien de la paix sans responsabilité » et sous-titré « la responsabilité des Nations-Unies dans l’épidémie de choléra en Haïti », communiqué à la presse haïtienne le 14 décembre 2013 à Port-au-Prince, est le fruit d’une collaboration entre la transnational development Clinic, le service d’aide juridique de Jerome N. Frank Legal Serives Organizations, le Global health justice partnership (Ghjp) et l’association haïtienne de droit de l’environnement (Ahden).
« Il examine soigneusement les normes internationales juridiques et humanitaires nécessaires à la compréhension de la responsabilité de l’Onu et présente les actions que doivent entreprendre l’Onu et d’autres acteurs clés aux niveaux national et international en vue de la réparation du préjudice causé », lit-on dans le résumé du document qui se veut la « première analyse complète » de la question.
Quand à l’origine du choléra, le document combine différentes enquêtes scientifiques déjà menées sur le cas d’Haïti pour aboutir à l’identification de la Minustah comme étant responsable de l’introduction du vibrio cholerae dans le pays à partir de la contamination d’une rivière dans le département du Centre en octobre 2010.
Conclusions des enquêtes sur l’origine ponctuelle de la maladie
Dans plusieurs conclusions de la communauté scientifique sur l’origine ponctuelle du choléra, la Minustah se retrouve toujours comme « source commune ».
Avant octobre 2010, les registres historiques allant jusqu’aux années 1800 ne mentionnent aucune trace de choléra en Haïti. Donc, « Il n’y avait pas de transmission active du choléra en Haïti avant octobre 2010 ».
La base militaire népalaise de la Minustah se retrouve dans la zone touchée en premier par l’épidémie. En ce sens la modélisation épidémiologique réalisée au début de la flambée suggère ce lieu comme point d’origine.
« Les troupes de la Minustah avaient été exposées au choléra au Népal [la maladie y est endémique] et leurs excréments ont contaminé les ressources en eau à proximité de la base », souligne des études.
Des études moléculaires et génétiques montrent une quasi identité génétique entre la souche de choléra retrouvée en Haïti et celle du Népal.
Immunité n’est pas synonyme d’impunité
Le rapport stipule que l’Onu a « enfreint les principes de responsabilité et de respect du droit qu’elle promeut à travers le monde » surtout quand l’organisation refuse de créer la « commission permanente des réclamations chargées d’entendre les plaintes émises à l’encontre des soldats ».
Cette structure est prévue dans tout « Status of forces agreement (Sofa) » signé entre l’Onu et le pays hôte, comme dans celui signé avec Haïti en 2004 lors de la création de la Minustah dans le paragraphe 55 intitulé « règlement des différends ».
Si l’organisation ne respecte pas ce qui est prévu dans le paragraphe 51 du modèle de Sofa promulgué depuis 1990, ni dans celui spécifique d’Haïti, cela n’a rien d’étonnant puisque cela semble entrer dans l’habitude de l’Onu.
« L’Onu n’a jamais honoré la promesse d’une commission des réclamations inscrite dans le Sofa [et] les alternatives aux commissions des réclamations sont déficientes, inefficaces et ne peuvent pas être considérés comme une réponse appropriée aux obligations de l’Onu (…) », estiment les chercheurs de Yale qui déplorent que l’Onu veuille recourir à « son immunité limitée » pour ne pas se responsabiliser.
Les victimes du choléra ont en maintes fois sommé le gouvernement haïtien de nommer son représentant au sein de cette commission.
L’Onu, violatrice des droits humains en Haïti
En polluant la rivière Meye et le fleuve Artibonite par l’introduction de la bactérie du choléra et en n’offrant aucun recours aux victimes, le rapport estime que « l’Onu a clairement failli à son obligation en vertu du droit international de respecter, promouvoir et protéger les droits de l’homme [et de la femme] ».
Une résolution de l’assemblée générale de l’Onu, en 2010, reconnait que « le droit à l’eau potable et à l’assainissement » est un droit de la personne, pourtant l’organisation mondiale a foulé aux pieds ce droit des Haïtiens et Haïtiennes, selon la lecture du rapport « maintien de la paix sans responsabilité ».
Dans la même lignée, l’Onu n’a pas respecté les droits à la santé, à la protection contre la privation arbitraire de la vie, à un recours effectif.
« (…)L’Onu a miné l’autorité morale dont elle a besoin pour assurer que les Etats observent et respectent ces mêmes droits de l’homme. Ces manquements de l’Onu ont des implications sérieuses pour la légitimé générale des missions de maintien de la paix en Haïti et ailleurs », déplore le rapport.
Le fait pour la Minustah de fournir une aide humanitaire très précieuse à Haïti notamment au lendemain du séisme de janvier 2010 soumet la mission aux normes d’aide humanitaire élaborées par la « communauté humanitaire internationale ».
Le rapport enjoint le bureau du secrétaire général (Sg) de l’Onu de nommer un membre de la commission des réclamations selon le vœu du paragraphe 55 de l’accord concernant Haïti. Il demande aussi que l’Onu fasse des excuses publiques à la population haïtienne et prenne des dispositions relatives à son indemnisation. [efd kft gp apr 16/12/2013 16 :15]