Par Edner Fils Décime
P-au-P, 9 déc. 2013 [AlterPresse] ---- Le 2ème congrès national des spécialistes en population et développement a levé, la semaine dernière, le voile sur une enquête des immigrants, réalisée en 2012 en République Dominicaine et qui fait tomber de nombreux mythes, selon les experts.
Les résultats de la première enquête nationale des immigrants en République Dominicaine (Eni-2012), publiés en avril 2013, viennent « démystifier des chiffres surestimant le nombre de personnes nées en Haïti et vivant en République Dominicaine notamment le million idéologique », soutient l’Uruguayen Gabriel Bidegain du Fonds des Nations Unies pour la population (Unfpa).
Bigedain a partagé son constat, le jeudi 5 décembre 2013, lors d’une présentation titrée « Migration en République Dominicaine, entre discours et réalités ».
Jusqu’à ce contexte, marqué par l’épineuse question de la dénationalisation de plusieurs milliers de Dominicaines et de Dominicains d’ascendance étrangère, mais majoritairement haïtienne, les données sur la migration haïtienne en République frontalière semblaient plutôt être de la « manipulation ».
« Cette étude est le résultat d’une enquête réussie, qui a généré des informations inédites sur le volume réel de personnes nées à l’étranger et vivant dans le pays », a, lui-même, écrit le directeur du Bureau national des statistiques de la République Dominicaine (One, en Espagnol), dans la version abrégée du rapport général, paru en avril 2013.
Les Haïtiens : pas un million, mais une majorité d’hommes jeunes urbains dans l’agriculture
Les personnes nées en Haïti, qui vivent en République Dominicaine, représentent 87.3% de la population immigrante originaire de plus de 60 pays selon l’Eni-2012.
Cette population s’élève précisément à 458,233 parmi les 524,632 immigrants d’origine étrangère.
82.4% « vivaient dans une ville (grande, moyenne et petite) » en Haïti et 71.4% d’entre eux sont nés en grande partie dans 4 départements : l’Ouest (23.8%), le Nord (19%), l’Artibonite (15.5%) et le Sud-Est (13.1%).
La population d’origine haïtienne (immigrés + descendants d’immigrés) s’élève à 668,145 personnes.
« Plus de la moitié de la population d’immigrés [y compris haïtienne] (…) 53.9% avait entre 20 et 34 ans, alors que le pourcentage dans ce rang d’âge de la population totale du pays était de 26.6%. (….) des taux réduits d’enfants et d’adolescents, une forte proportion de jeunes adultes et un pourcentage inférieur de personnes de 45 ans et plus », lit-on à la page 18 de la version abrégée.
Bigedain soulève, toutefois, des doutes sur le fait que la population immigrante haïtienne soit majoritairement urbaine, mais se retrouve à 35.7% dans l’agriculture et l’élevage, sur 11 branches d’activités économiques recensées.
De surcroît, l’enquête révèle que 38.2% du volume des immigrants haïtiens étaient engagés dans des travaux agricoles avant de fouler le sol dominicain.
Les Haïtiens ont le foyer de la plus petite taille
Contrairement aux « idées fausses » propagées, faisant des foyers des immigrants haïtiens des entassements de sardines, les résultats de l’enquête font état d’une moyenne de 2.3 personnes dans les foyers des Haïtiens.
La taille moyenne pour l’ensemble des foyers de la République Dominicaine se chiffre à 3.3 personnes et 2.7 pour les foyers avec des membres nés dans d’autres pays.
Actes de naissance : oui, plus instruits que ce qu’on rapporte habituellement
92.6% des immigrants haïtiens affirment détenir un acte de naissance d’Haïti et 51.4% disent en possession de leurs cartes d’identification nationale (Cin).
Ces chiffres viennent démentir les allégations, le 7 novembre 2013, de la junte centrale électorale (Jce) dominicaine, qui a publié des résultats de la vérification, de 1929 à date, des cahiers d’enregistrement des naissances.
L’État haïtien serait incapable de garantir le droit à un nom, à une identité et à la nationalité à 7 millions de ses nationaux.
Seulement 4,2 millions détiendraient une identité civile en Haïti, selon le chef de la junte Roberto Rosario, affirmant que cela « représente le principal obstacle pour la population migrante haïtienne de pouvoir se faire enregistrer dans n’importe quel pays du monde ».
En matière d’éducation, les résultats se présentent comme contestant l’argument que les immigrants haïtiens en république voisine sont des analphabètes.
« 47.8% de la population, âgée de 5 ans et plus, née en Haïti, a atteint le niveau de base ou primaire ; 21.6% a terminé l’enseignement secondaire ; 5.7% le niveau universitaire et les cycles supérieurs ; et 22.3% ont déclaré ne pas avoir [fait] d’études », selon l’enquête.
Des transferts d’argent non-négligeables
Les données, collectées par l’enquête, démontrent que les immigrés et leurs descendants envoient et reçoivent des fonds.
« Les ménages d’immigrés haïtiens ont reçu une moyenne de 2,714.00 dollars américains [étasuniens] par transferts de fonds, au cours des 12 mois précédant l’enquête. (…) Compte tenu de la population qui exerçait un emploi ou une activité économique, le pourcentage des envois de fonds s’élève à 56.7% pour les immigrants haïtiens », selon l’Eni-2012.
616.60 dollars étasuniens est le montant moyen, envoyé par les immigrants haïtiens à leurs parents (66.6% des immigrants l’ont déclaré aux enquêteurs).
Eni-2012
Eni-2012 est une enquête probabiliste par échantillonnage, « visant à recueillir des données sur les immigrants et les enfants d’immigrés nés en République Dominicaine », menée par l’One avec le support technique et financier de l’Union européenne et le Fonds des Nations Unies pour la population (Unfpa).
La taille de l’échantillon a été de 68 mille foyers et lieux habités.
Au total, 20,446 entrevues ont été menées auprès de personnes d’origine étrangère. [efd kft gp apr 09/12/2013 9:50]