Par Lis Bell*
Soumis à AlterPresse le 6 décembre 2013
Les excuses du président Danilo Médina, après l’arrêt de la Cour constitutionnelle, pour exprimer sa préoccupation envers les personnes affectées par cette décision, n’étaient que du théâtre. En fait, depuis 2008, le Parti de la Liberation Dominicaine dont ce chef d’Etat est issu, avait envisagé dans son programme électoral l’exclusion des descendants d’Haïtiens de l’exercice de la citoyenneté, notamment de l’électorat, dans le cadre d’une alliance avec le parti ultra-nationaliste et raciste anti-haitien : la Fuerza Nacional Progresista. En atteste un document de campagne distribué en février 2008 et titré : ” VOTA AZUL POR LEONEL Estamos comprometidos”.
Le document offre une déclaration sur les lignes programmatiques définies à l’Assemblée Générale de la Fuerza Nacional Progresista tenue le 24 février 2008. Le texte précise que : "Le Parti de la Libération Dominicaine (PLD) comme Parti Leader de l’Alliance, autorise la Force Nationale Progressiste (FNP) à promouvoir pendant le déroulement de la campagne électorale, son programme de base sur les objectifs nationaux consignés dans le document : Estamos comprometidos (Nous sommes engagés) approuvé par la 11e Convention de la FNP le 28 février 2002, ratifié à la Convention du 24 fevrier 2004 et amplifié à la Convention du 24 février 2008. Le Parti de la Libération Dominicaine (PLD) déclare partager le contenu dudit programme et s’engage à l’incorporer à son propre programme et à la mise en œuvre des actions gouvernementales".
Ensemble, le PLD et la FNP se sont mis d’accord pour enlever aux Dominicains descendants d’Haïtiens toute velléité d’exercice de la citoyenneté, entre autres, celui de voter ou de briguer un poste politique. Cette disposition se développe à la section du document titré Engagements ponctuels et qui fait référence à la proposition de réforme constitutionnelle, réforme du reste concrétisée avec la publication en janvier 2010 de la nouvelle Constitution.
"Nous rejetons radicalement une quelconque intention d’accorder le pouvoir politique à une minorité de centaines de milliers d’Haïtiens et nous devons relancer notre appel pour un authentique effort de solidarité internationale avec Haïti en Haïti , comme unique moyen d’éviter dans le futur, l’émergence de situations conflictuelles aux conséquences imprévisibles", est-il écrit dans le document d’accord de la Fuerza Nacional Progresista et du Parti de la Libération Dominicaine, daté du 24 février 2008.
En ce mois de décembre 2013 marquant le 2e anniversaire de la disparition de la dominicaine Sonia Pierre, militante inconditionnelle pour le respect des droits à la nationalité des descendants d’Haïtiens, nous nous aventurons à imaginer sa réaction à la phase exécutoire du projet commun PLD-FNP de "dénationalisation" à travers l’arrêt de la Cour constitutionnelle.
Peut-être aurait-elle déclaré de sa voix ferme teintée d’amertume : "Je n’aurais jamais pensé que mon pays, la République Dominicaine, aurait pris, avec un si grand entêtement, le chemin de l’APATRIDIE et de l’APARTHEID contre des personnes qui ne connaissent que ce coin de terre, depuis leur naissance".
Et si jamais, Juan Bosch, de l’au-delà, jetait un regard sur son pays, il avouerait peut-être, qu’ après toutes ces années d’expériences démocratiques en République Dominicaine, il n’aurait jamais imaginé une alliance aussi étroite entre les tenants d’un racisme anti-haïtien aveugle et les adeptes du PLD qu’il avait souhaité être un Parti transcendant auréolé d’un prestige international.
Et si, par hasard, apparaissait l’un des premiers habitants de l’île, un indigène Taino, un sage, un Nitaino, il rappellerait sans doute aux dirigeants dominicains, tous secteurs confondus, que :
"Cette terre est un héritage millénaire des Tainos", appellation signifiant gens de bien. En 1492, à l’arrivée de Christophe Colomb, la plupart des prêtres espagnols disaient aux Tainos : Vous êtes sans droit, c’est une bonne chose. Laissez-vous exploiter jusqu’au sang !
En 2013, le prêtre au rang le plus élevé en République Dominicaine, semble, par ses propos, signifier aux citoyens et citoyennes descendants d’Haitiens : "Malgré la Constitution du pays, sachez que vous êtes sans droit et c’est une bonne chose qu’on vous enlève vos droits. Restez donc hors Education, hors Emploi, hors Voyage, hors Propriété, hors Société et laissez-vous dépouiller et exploiter jusqu’au sang !".
....Et l’indigène Taino terminerait ainsi son message :
"En 1492, les Espagnols, en deshumanisant les indigenes Tainos, ont fait reculer l’Espagne dans son Humanité.
En 2013, gardez-vous, Dirigeants dominicains, de retarder la République Dominicaine dans son Humanité !".
En hommage à Sonia Pierre.
...........
*Militante de droits humains