P-au-P, 05 déc. 2013 [AlterPresse] --- Des réseaux d’organisations de productrices et de producteurs de riz haïtien, dans la vallée de l’Artibonite, dont le Rassemblement pour l’avancement des coopératives de production appropriée et le bien-être alternatif (Racpaba), expriment leurs préoccupations par rapport à l’arrivée, fin 2012, de nouveaux opérateurs « financiers » (disposant de moyens économiques importants) dans la filière.
« L’arrivée, en force, de ces nouveaux opérateurs financiers, dans la filière de riz dans l’Artibonite, risque de créer une situation de désordre sur le marché », critiquent ces différentes organisations.
La filière de riz national emploie 60 mille productrices et producteurs, 30 mille ouvrières et ouvriers agricoles, plus de 340 propriétaires de moulins et plus de 8 mille « Madan sara ».
Elle ne bénéficie d’aucune forme de subvention, ni d’accompagnement institutionnel face à l’invasion massive du riz importé, qui lui fait une concurrence déloyale avec le prix offert.
Les nouveaux opérateurs ne participent pas dans la production du riz, ni ne cherchent point à encadrer la filière.
Ils agissent suivant « une approche commerciale » pure.
Contrairement aux opérateurs, les associations rappellent que leur travail est d’accompagner les planteurs, les encadrer, depuis les préparations jusqu’à la commercialisation, en leur fournissant des semences.
Elles les aident aussi à défricher et à préparer les terres, tout en leur facilitant l’accès au crédit.
Quelques conséquences de l’arrivée des nouveaux opérateurs financiers
Comme l’une des premières conséquences de la présence de ces nouveaux opérateurs, il y a une baisse de 25% des activités des moulins dans le département, relèvent les réseaux d’organisations de productrices et de producteurs de riz.
Elles craignent une éventuelle politique de monopole dans la filière riz de l’Artibonite.
« Si les nouveaux opérateurs finissent par contrôler la filière, par l’élimination des moulins, et si les grands commerçants, en faisant d’énormes investissements dans les installations, parviennent à ramasser tout le riz en paille, ils en seront les seuls maîtres », avertissent-elles.
Une situation de monopole dans la filière de riz serait défavorable aux petits producteurs, car ce sont les opérateurs qui fixeront le prix du riz sur le marché.
D’où le risque d’une possible réalité de spéculation, comme c’était le cas, dans le temps, sur la filière café.
« Pour éviter ces dérives, l’État haïtien doit adopter, comme dans les autres pays, un système de régulation du marché pour la filière de riz et pour les autres produits agricoles », préconisent ces réseaux haïtiens, souhaitant des dispositions institutionnelles visant à moderniser la filière de riz.
D’avril 2008 (date des dernières grandes émeutes de la faim) à décembre 2013, les interventions institutionnelles se sont révélées très faibles sur la filière de riz dans l’Artibonite.
Excepté que des cargaisons d’engrais ont été distribuées, durant un temps, à des prix réduits, aux productrices et producteurs par l’Organisme de développement de la Vallée de l’Artibonite (Odva).
Mais, progressivement, la spéculation a repris, de plus belle, sur la vente d’engrais pour la production de riz dans l’Artibonite. Des forces d’argent, parfois liées au pouvoir politique, continuent à s’affronter pour avoir un contrôle, voire un monopole sur la vente des engrais dans l’Artibonite.
Les nouvelles anticipations et incitations, en termes, par exemple, d’appui institutionnel à la production de riz, attendues au lendemain des événements de 2008, ne se sont pas matérialisées.
Au contraire, les productrices et producteurs de riz dans la Vallée de l’Artibonite font face à des difficultés de stockage, de commercialisation, d’infrastructures pertinentes (outils et autres matériels, routes, entre autres), et à une compétition déloyale du riz importé, entré sur le marché national pratiquement sans un niveau de taxation approprié.
La Vallée de l’Artibonite est renommée pour sa production de riz et pour la qualité de son produit, apprécié par les ménages haïtiens.
Les activités de production, de transformation et de commercialisation deviennent de plus en plus denses, à tel point que la production de riz de l’Artibonite représente entre 75 à 80% du riz produit dans le pays et 12 % de la quantité de riz consommé en Haïti.
Toutefois, outre les différentes menaces annoncées par ces réseaux, le riz produit dans l’Artibonite est appelé à faire face à un flux de riz provenant de l’étranger, du fait de la diminution des tarifs douaniers depuis les années 1990 et l’importation, par le gouvernement actuel, de cargaisons de riz, connu sous le nom de « 10 sur 10 ».
Ainsi, ces différents réseaux recommandent-ils à l’État Haïtien d’augmenter, au fur et à mesure, le tarif douanier sur le riz importé, afin de parvenir à atteindre le niveau tarifaire du marché commun des Caraïbes (Caricom).
Ils suggèrent l’investissement des bénéfices sur le riz importé pour améliorer le rendement et la production rizicole du pays.
Outre Racpaba, l’organisation Konbit Latibonit, la Fédération nationale des producteurs de riz d’Haïti (Fenaprih), la coopérative de service agricole vente et production, Jaden Lakay et l’Association des producteurs de Moreaux Peigne (Apmp) font partie du réseau des organisations de productrices et producteurs de riz, mettant en garde contre le danger de monopole des forces d’argent sur la production de riz dans l’Artibonite. [mm kft rc apr 05/12/2013 15:05]