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Haïti-Sous-traitance : Le salaire minimum de 225 gourdes, une « décision criminelle », selon des syndicats

Une « injustice faite aux travailleurs »

Les syndicats appellent à la mobilisation contre la décision du Conseil supérieur des salaires (Css) de porter le salaire minimum journalier à seulement 225.00 gourdes...

P-au-P, 05 déc. 2013 [AlterPresse] --- Le collectif syndical des usines du textile (Kosit, en Créole) juge « criminelle » la décision du Conseil supérieur des salaires (Css) de fixer le salaire minimum à 225.00 gourdes (US $ 1.00 = 45.00 gourdes ; 1 euro = 62.00 gourdes aujourd’hui) dans la branche de la sous-traitance, lors d’une conférence de presse, le 4 décembre 2013 à Port-au-Prince, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.

Ce niveau de salaire minimum à 225.00 gourdes n’est pas en adéquation avec « le niveau de vie, le pouvoir d’achat de l’ouvrier et le coût du panier ménager », souligne Kosit qui regroupe 4 organisations syndicales.

Le Css n’aurait pas « véritablement pris en compte tous les indices macroéconomiques, avant de décider de fixer le salaire minimum à un niveau aussi bas, par rapport au coût de la vie ».

Des chiffres qui désapprouvent le Css

En considérant la dépréciation de la gourde par rapport au dollar étasunien, le Kosit considère les 225.00 gourdes journalières - qui devraient être accordées, à partir de janvier 2014, aux travailleuses et travailleurs du textile - comme un « grand recul », par rapport à 2009.

L’article 2.2 de la loi de 2009 sur le salaire minimum journalier oblige les employeurs à payer 300.00 gourdes aux ouvrières et ouvriers à partir d’octobre 2012.

Ce qui n’a même pas été mentionné dans le rapport du Css, signale le sénateur Steven Irvenson Benoît (Ouest) qui qualifie la décision d’ « injustice faite aux travailleurs ».

Le niveau d’augmentation, enregistrée en 2009 (de 70.00 à 200.00 gourdes), a été appliqué plus de 6 ans après la dernière, soit en 2003.

Ce qui n’a pas permis aux ouvrières et ouvriers de rattraper les pertes qu’ils ont encourues avec leur faible pouvoir d’achat.

La plateforme de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda) parle de « dette sociale envers les ouvrières et ouvriers ».

Déjà en 2009, le ministère des affaires sociales et du travail (Mast) a estimé le panier de consommation minimum journalier à 450.00 gourdes.

Dans une étude publiée en 2011, le centre de solidarité ouvrière fixe ce panier (de consommation) minimum journalier) à 1,125.00 gourdes.

Les ouvriers et ouvrières ont revendiqué un salaire minimum de 500.00 gourdes par jour, durant une série d’actions de mobilisations enclenchées ces dernières années en Haïti.

La part des ouvriers dans le gâteau de la productivité

Durant ces 10 dernières années en Haïti, la productivité est passée de 300 millions de dollars étasuniens à 800 millions en exportation, dans la branche de la sous-traitance, avance la Papda.

Or, les ouvrières et ouvriers sont à la base de cette hausse de productivité.

Par conséquent, ils devraient logiquement en jouir.

« Ce n’est pas seulement les employeurs qui doivent en profiter, puisque c’est à coup de traitements horribles et pernicieux à leur santé que les ouvrières et ouvriers ont permis cette augmentation de la productivité », relève la Papda.

Contrecarrer les manœuvres des patrons

L’un des arguments traditionnels, mis en avant par des patrons de la sous-traitance, pour protester contre toute augmentation du niveau du salaire minimum journalier, serait que toute augmentation du salaire minimum induirait de l’inflation et de la perte d’emplois.

« Il a été prouvé qu’il y a davantage d’emplois, créés avec le salaire minimum à 200.00 gourdes qu’à 70.00 gourdes », rétorque, cependant, la Papda.

Aussi, pour contourner les lois en vigueur, certains patrons d’usines augmentent-ils « méchamment » les tarifs et allongent-ils, dans le même temps, la durée du travail de l’ouvrière et de l’ouvrier.

Une étude, publiée en octobre 2013 par Worker Rights Consortium (Wrc), mentionne ces cas flagrants de violation des droits des travailleuses et travailleurs.

Pour « empêcher les employeurs de recourir à ces manœuvres malhonnêtes pour contourner la législation », la Papda propose la création d’une unité de suivi régulier des conditions de vie et de travail des ouvrières et ouvriers, et la mise en œuvre effective de l’unité « inspection du travail », chargée de « surveiller si les employeurs respectent les décisions légales ».

Aux représentants des syndicats des travailleuses et travailleurs, qui semblent être en position de faiblesse au sein du Css, la Papda recommande de soulever des débats nationaux sur les discussions stratégiques et de faire attention à ce qu’ils signent.

Des informations font état de menaces et de pressions de patrons d’usines du textile, sur un représentant syndical, afin de le forcer à signer la décision du salaire minimum journalier à 225.00 gourdes.

En attendant, les syndicats appellent à la mobilisation contre « la décision criminelle » et se préparent pour la négociation du tarif à la pièce et de celui de production dans les usines. [efd kft apr 05/12/2013 1:50]