Par Wooldy Edson Louidor
Bogotá, 4 décembre 2013 [AlterPresse] --- 2013 représente une année jalonnée de tragédies, au cours de laquelle des migrantes et migrants ont péri en mer, dans des déserts, en train, aux mains de groupes criminels, relève l’agence en ligne AlterPresse.
Dans le même temps, sont apparues des poussées du racisme dans certains pays. Les lois et politiques migratoires se durcissent dans le panorama mondial, alors que l’institution de l’asile politique et du refuge a connu des revers, même dans des pays ayant une tradition hospitalière bien ancrée.
Tragédies après tragédies
Lampedusa, une île italienne, est devenue tristement célèbre en raison des naufrages à répétions, durant lesquels des migrantes et migrants, africains et palestiniens, ont péri face à « la mondialisation de l’indifférence », pour parodier le pape catholique romain, François, qui a lancé, le 8 juillet 2013, un appel à « réveiller nos consciences pour que ce qui est arrivé ne se répète pas ».
Des Égyptiens, fuyant la crise politique dans leur pays, sont morts en Lybie en plein désert, abandonnés par des passeurs.
De même, toujours en Afrique, des Somaliens et des Erythréens subissent toutes sortes de supplices de la part de groupes criminels, basés en Libye, dans leur longue trajectoire vers l’Europe, à travers la Méditerranée.
En Océanie, des Indonésiens meurent de faim et de soif au cours de la traversée en bateau, de l’Océan Indien vers l’Australie.
En Amérique, le Mexique se convertit, de plus en plus, en un cimetière à ciel ouvert pour les migrantes et migrants centraméricains, proie facile des groupes criminels organisés. Beaucoup de ces migrants, qui ont échappé aux malfrats, sont morts déshydratés dans le désert d’Arizona.
Les Haïtiennes et Haïtiens continuent de faire naufrage dans les Caraïbes. La dernière tragédie, en date, a eu lieu le lundi 25 novembre 2013, quand 30 personnes ont été retrouvées mortes au large des côtes de Stanley Cay, dans l’archipel des Bahamas.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (Hcr) a également fait état de cas de migrantes et migrants - en provenance de la République Dominicaine, de Cuba et de la Jamaïque, en plus d’Haïti - qui ont péri au large de Miami ou dans le bras de mer entre la République Dominicaine et Porto Rico.
Des poussées du racisme
Le traitement, fait aux migrantes et migrants et à leurs descendants, s’est également détérioré dans quelques pays, durant l’année 2013.
Le cas paradigmatique est celui de la République Dominicaine.
Le 23 septembre 2013, la Cour Constitutionnelle de ce pays, voisin d’Haïti, a adopté l’arrêt TC/0168/13, visant à déchoir de leur nationalité plusieurs milliers de Dominicaines et de Dominicains d’ascendance étrangère, nés de parents en situation migratoire supposée irrégulière.
Décision discriminatoire, qui frappe, de manière directe, un grand nombre de Dominicaines et Dominicains d’origine haïtienne !
L’Europe n’est pas exempte du racisme qui rebondit, surtout avec la nomination de hauts fonctionnaires, d’origine africaine et à la peau noire, à la tête de certains pays.
Par exemple, la ministre française de la justice Christiane Taubira (femme politique française, née le 2 février 1952 à Cayenne / Guyane) et la ministre italienne de l’intégration Cécile Kashetu Kyenge (née le 28 août 1964 à Kambove / Congo-Léopoldville, aujourd’hui Congo-Kinshasa), toutes deux de couleur noire, ont fait l’objet d’insultes racistes dans l’exercice de leur fonction.
Durcissement des politiques, lois migratoires et d’asile
Les différents appels lancés par le Hcr, l’Organisation internationale pour les migrations (Oim), l’Église catholique romaine et une myriade de mouvements sociaux, d’associations d’intellectuels, de défenseurs de droits humains dans les cinq continents, exigent, des États et gouvernements du monde, l’adoption de politiques d’accueil et de lois hospitalières.
Cependant, la réforme migratoire - visant à régulariser la situation de millions de migrantes et migrants - traîne encore aux États-Unis d’Amérique, en dépit des pressions exercées par le président Barack Obama sur le Parlement, pour que celui-ci l’approuve. Entre-temps, les expulsions et les reconduites à la frontière continuent bel et bien sous l’administration démocrate étasunienne, battant des records incroyables.
En dépit de l’urgence de traiter la question migratoire, pour mettre fin aux tragédies survenues en Méditerranée, les dirigeants européens hésitent encore à décider, renvoyant les prises de décision à juin 2014, après les élections européennes. Pourtant, les tragédies continuent sur le vieux continent, ainsi que les mêmes politiques de fermeture de frontières, de détention préventive, de rapatriement, de restrictions migratoires.
En Amérique du Sud, les pays voisins de la Colombie - tels que l’Équateur, le Panama, le Venezuela – sont, de plus en plus, réticents à accueillir des demandeuses et demandeurs d’asile colombiens, fuyant la violence des néo-paramilitaires impliqués dans le trafic de drogue et d’autres négoces illicites. Les pays voisins refusent de leur octroyer le statut de réfugiés, sous prétexte que ces demandeuses et demandeurs d’asile ne seraient pas des victimes directes du conflit armé.
L’institution de l’asile devient de plus en plus restrictive, alors que les personnes ayant besoin de protection internationale, hors de leur pays, sont de plus en plus nombreuses et les causes de leur émigration forcée complexes.
Ce ne sont pas seulement la guerre ni le conflit armé et la persécution pour des motifs politiques, ethniques, religieux, mais aussi les impacts des désastres environnementaux, la violence généralisée, les violations massives de droits humains et les politiques extractives indiscriminées, qui obligent des millions de personnes à abandonner leurs pays, en quête de l’asile et de refuge.
Même le Canada, pays reconnu pour sa tradition d’hospitalité, est en train de fermer systématiquement ses frontières aux demandeuses et demandeurs d’asile, violant ses obligations nationales et internationales de protéger les réfugiés, selon les conclusions de l’étude Bordering on Failure : Canada-U.S. Border Policy and the Politics of Refugee Exclusion, réalisée par The Harvard Immigration and Refugee Clinic (Hirc).
La migration continue de poser de grands défis globaux et, surtout, de réveiller nos consciences et d’inviter à agir avec urgence pour, au moins, éviter la réédition de ces tragédies - partout dans le monde - et des horreurs du racisme, et aussi lutter pour l’adoption de politiques et de lois migratoires et de refuge moins injustes, plus humaines et hospitalières. [wel rc apr 04/12/2013 10:20]