Par Roody Édmé*
Spécial pour AlterPresse
Un vent glacial, charriant un relent de racisme, souffle sur la France.
Un racisme, longtemps refoulé par le politiquement correct. Un racisme rampant, qui, jusqu’ici, pointait sa gueule de méduse, de temps en temps, dans le métro parisien, au détour d’une rue, ou quand il faut qu’un étranger trouve un logement.
Mais aujourd’hui, à la faveur de la crise économique, du moral en berne de la majorité des Français, du déclin que ressent toute une société en panne d’idées nouvelles, un flot de propos rétrogrades envahit la scène médiatique dans l’Hexagone.
La cible est la ministre de la justice, Madame Christiane Taubira.
Cela a commencé avec l’affirmation d’une candidate du Front National (FN) qui, sur les réseaux sociaux, a émis le vœu de voir Madame Taubira sur un arbre, avec une banane, en lieu et place de son poste, de garde des Sceaux.
L’indignation a été totale, et jusqu’au sein du FN, où la candidate a été écartée de la course électorale.
Si Anne Sophie Leclerc, la candidate en question, apparaît comme celle par qui le scandale est arrivé, elle n’a fait qu’exprimer, tout haut, une forme de pathologie xénophobe qui ronge, depuis quelque temps, le corps social français.
Mais Madame Taubira n’est pas dupe, de ces cris d’orfraie qui, en fait, cachent mal, dans certains cas, soit une certaine hypocrisie, soit du politiquement correct.
Dans une déclaration dans la presse, au début de l’affaire, elle envoyait tout un chacun faire son examen de conscience. Elle avait compris que l’audace « criminelle » de cette candidate FN n’était que la pointe d’un iceberg qui menaçait le « paquebot France ». Et que, comme pour le Titanic, certains intellectuels et hommes politiques dansent imprudemment sur le pont du navire en détresse.
Comme de fait, quelques jours plus tard, la garde des Sceaux s’est faite interpeller par une petite fille de douze ans, brandissant une banane et reprenant l’allusion à la guenon.
Puis, ce fut la Une du tabloïd d’extrême droite, Minute, qui devait faire le tour des réseaux sociaux, avec des commentaires peu amènes, révélant l’ampleur d’un phénomène d’une insoutenable violence, pour le moment, symbolique.
Il y a donc quelque chose de pourrie au pays des droits humains.
Ce qui était, jusqu’à présent, perçu comme une vicieuse attaque, de secteurs médiocres et rétrogrades, se propage comme une traînée de poudre dans la bouche d’un enfant, sur la couverture de journaux peu recommandables et sur les réseaux sociaux.
Sans vouloir crier au loup raciste, il y a, là, un retour en arrière.
Certaines idées du Front National ont fait leur chemin à la faveur de la crise. Et cette volonté affirmée, de voir en ce bel échantillon de l’Intelligentsia et de la classe politique française un singe, relève du pire lexique des temps honnis de la colonisation et de l’esclavage.
Ce genre de situation est annonciateur de grandes peurs qui entraînent toujours leur lot de tragédies, d’intolérances, de confrontations, de banlieues en feu. Avec, pour corollaire, une « droitisation » extrême du pouvoir en France, à l’heure où le vaisseau du parti socialiste (PS) prend eau de toutes parts.
Heureusement qu’il y a une France saine, combattante, qui refuse de boire cette potion amère du déni humain, ce reniement de soi qui passe par l’avilissement de l’autre.
La France progressiste, toutes tendances confondues, s’arme de courage et de raison contre les sirènes démoniaques, qui sonnent le réveil de passions destructrices qui, jadis, dévorèrent l’Europe au nom d’une certaine suprématie.
* Enseignant, éditorialiste