P-au-P, 26 nov. 2013 [AlterPresse] --- La conjoncture politique est marquée par les soubresauts que certains seraient enclins à interpréter comme d’éventuels signes avant-coureurs d’étapes décisives de l’évolution politique haïtienne.
Les acteurs de l’opposition et du pouvoir en appellent à la rue. C’est le jeu de « qui mobilisera le plus de monde ? ».
Au parlement, le président de l’assemblée nationale, s’inspirant des revendications de divers secteurs dresse un réquisitoire accablant contre l’« exécutif présidentiel ».
Pendant que la crise gangrène les trois pouvoirs de l’État, la République dominicaine entame une nouvelle série de déportations et de rapatriements sur la frontière en dehors des normes internationales.
- Protestations
L’opposition crie « A Bas ! » à Port-au-Prince, Martelly contre-manifeste dans les rues du Cap Haïtien (Nord).
Le 18 novembre 2013, à l’occasion du 210ème anniversaire de la bataille de Vertières, à l’appel de plusieurs structures de l’opposition politique, plusieurs milliers d’Haïtiens et d’Haïtiennes ont défilé du quartier populaire du Bel Air aux champs de Mars (deux secteurs du centre de la capitale) en passant par Pétion Ville (périphérie est) aux cris de « À bas Martelly ».
Comme d’habitude, à hauteur de Pétionville, le mouvement de rue a essuyé des jets de pierres des partisans zélés du pouvoir.
Un étudiant de l’université d’État d’Haïti, Rodel Désir, a eu une main déchiquetée par une bombe lacrymogène de la police lancée dans l’enceinte de la faculté d’Ethnologie au champ de Mars.
De son coté, après son discours officiel, le président de la République a pris la tête d’une manifestation au Cap Haïtien alors que ses opposants ont été réduits au silence par les agents de la police nationale haïtienne. Des « Martelly 5 ans ! Martelly à vie » ont fusé des bouches des pro-Martelly.
Sit-in du barreau de Port-au-Prince contre Francisco René
22 novembre 2013, les avocats du barreau de Port-au-Prince continuent d’exiger la révocation ou la démission du commissaire de Port-au-Prince lors d’un sit-in devant les locaux du parquet.
C’est le même refrain « Francisco doit partir » qu’ils crient depuis le 24 octobre 2013.
Les hommes et femmes de loi ont eu la surprise d’être accueillis par l’odeur nauséabonde d’une matière jaunâtre ressemblant à de l’excréta étalé devant le bureau du commissaire.
Deux jours de grève d’avertissement réussis dans l’enseignement fondamental et secondaire public
Les 19 et 20 novembre 2013, 80 % des écoles nationales et lycées de la république ont chômé. Ils ont répondu à l’appel de la grève d’avertissement lancé par la plateforme des syndicats d’enseignantes et d’ enseignants en vue d’exiger un statut particulier et un plan de carrière pour les enseignants et enseignantes du secteur public de l’éducation.
Le message a certes été délivré aux autorités du Ministère de l’éducation, qui n’a cependant toujours pas réagi.
- Commémoration/ discours officiels
Mgr Kébreau invite au courage et à l’espérance, Martelly crie « devan devan nèt ! »
L’administration politique de Michel Joseph Martelly et de Laurent Lamothe ont commémoré, le 18 novembre 1803, l’anniversaire de la bataille de Vertières qui a mené à l’indépendance haïtienne en 1804.
Le président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj), Anel Alexis Joseph, était présent alors que le président du Sénat, Simon Dieuseul Desras et celui de la chambre des députés, Jean Tholbert Alexis, étaient les grands absents de cette commémoration.
Lors du Te Deum à la cathédrale catholique romaine, Mgr Louis Kébreau a plaidé pour un sursaut de courage et d’espérance afin de sortir le pays de l’impasse et d’engager la nation sur la voie du développement et de la promotion intégrale de l’homme et de la femme.
Le prélat catholique a esquissé le portrait d’une République « en déroute » et a invité le chef de l’État à dire une parole de vérité sur la tenue des prochaines élections sénatoriales partielles, municipales et locales.
Le discours officiel du président Martelly n’a été qu’une réponse aux différents mouvements de protestation de rue. En disant une chose et son contraire, Martelly a appelé au dialogue alors qu’en même temps il crie « Aya Aya, devan devan nèt » (celui qui a l’avantage le garde) avant de prendre la tête d’une manifestation.
- Parlement
La convocation à l’extraordinaire du parlement n’est pas le fruit de la bonne volonté du pouvoir
Le 22 novembre 2013, à l’occasion de l’ouverture en assemblée nationale des travaux du parlement haïtien, convoqué par le chef de l’État, le président de l’Assemblée a précisé que c’est à la faveur des pressions de l’opposition politique et populaire et des « donneurs de leçons » étrangers que cette convocation a eu lieu.
Le sénateur Simon Dieuseul Desras a dressé un réquisitoire accablant contre le pouvoir, dont l’« exécutif présidentiel » refuse de faire bon ménage avec les libertés publiques et les acquis démocratiques.
- Droits humains
Entre 4 et 8 haïtiens vivant dans la province de Neyba au sud de la République Dominicaine ont été tués à coups de machettes et leurs corps brulés dans le cadre « d’actes de vengeance collective » menés par des Dominicains.
Le double assassinat d’un couple en république voisine est à l’origine de ce conflit meurtrier entre les deux communautés en territoire voisin depuis le 22 novembre 2013.
Suite à ces incidents, 350 compatriotes ont été rapatriés au 24 novembre 2013 à la frontière dans la zone de Malpasse.
Dans un communiqué du 24 novembre 2013, le Ministère des haïtiens vivant à l’étranger (Mhave) condamne énergiquement la répétition d’actes xénophobes indiscriminés contre les ressortissants haïtiens en république voisine. [efd emb gp apr 26/11/2013 13 :45]