Par Tessa Mars
P-au-P., 8 nov. 2013 [AlterPresse] --- Le jeudi 31 octobre 2013, s’est tenue, au Centre de Ressources pour la Musique, Kay Mizik La, une rencontre avec le guitariste Dadou Pasquet.
Elle s’ajoute aux nombreuses rencontres, organisées, depuis décembre 2012, entre professionnels expérimentés du secteur musical et les membres de Kay Mizik La, un moment de partage permettant la découverte d’une carrière, d’une personnalité et de son époque.
Des débuts de Dadou Pasquet à la création de Magnum Band
Dadou Pasquet nait en 1956 en Haïti, dernier de sept enfants.
Sa famille quitte le pays pour s’installer à New York en 1968 ; il a alors douze ans. Il grandit dans un milieu musical, avec, comme modèle, son oncle Dòdòf Legros, chanteur et compositeur, dont il a voulu suivre l’exemple.
Dès 13 ans, il joue aux côtés de musiciens de la diaspora et, à 15 ans, il devient musicien du groupe Tabou Combo. Six ans plus tard, en juin 1976, il quittera ce groupe pour former le Magnum Band, dont il est, jusqu’à présent, le maestro, guitariste et chanteur.
Sa formation musicale se fait au Staten Island Community College de New York et auprès du guitariste haïtien Alix « Tit » Pascal.
A l ‘époque, il écoute beaucoup de musiques des États-Unis d’Amérique : Chicago, Tower of Power, Earth Wind and Fire, qui influenceront ses propres créations.
La musique du Magnum Band a la réputation d’être différente, riche et puissante, à l’image du nom du groupe, mais elle a aussi souvent été jugée par la communauté haïtienne trop difficile, trop Jazz. Ces éléments sont, pourtant, ceux qui font le succès du groupe à l’étranger : la guitare habile, le ’long session’, leur saveur particulière, cette volonté d’aller au-devant des goûts du public.
Dadou Pasquet a vécu 47 ans aux États-Unis d’Amérique, tout en gardant la nationalité haïtienne.
Partout, dans le monde, il a fait la promotion de la musique et de la culture haïtienne.
Son retour au pays est, pourtant, amer.
De quel secteur de la musique s’agit-il ?
Dadou Pasquet établit un triste état de fait : le milieu de la musique n’est pas structuré.
Il n’y a ni enseignement adéquat ni centre d’archives, pas d’industrie musicale à proprement parler, pas de distribution, et surtout pas de support et d’encadrement étatique.
Le rapport, entre musiciens et ministère de la culture, n’existe qu’en période de carnaval et de fête.
Si la question des droits d’auteur fait consensus sur le principe, aucune mesure préventive ou punitive n’est effective. Les artistes et formations musicales dépendent simplement des sponsors.
Devant ce constat, Dadou Pasquet est amer, car il regrette que la musique haïtienne soit placée au second plan par rapport à la musique étrangère qui envahit les ondes.
Le manque de diffusion locale fait que les artistes haïtiens et leurs réalisations sont méconnus des plus jeunes.
L’artiste en ressent une grande lassitude, mais ne se décourage pas.
Il insiste sur l’importance des rencontres, telles que celles réalisées par Kay Mizik La. Ce partage des expériences, entre jeunes et moins jeunes évoluant dans la musique, est enrichissant et essentiel, estime-t-il.
Répondre aux problèmes qui touchent le secteur de la musique
La rencontre avec Dadou Pasquet fait suite à une série, qui a débuté en décembre 2012.
Les locaux du Centre de Ressources pour la Musique, Kay Mizik La, à Lalue (avenue John Brown à Port-au-Prince)), on vu défiler : Beethovas Obas, Boukman Eksperyans, Fabrice Rouzier, Hans Roc, Jacky Ambroise, Jose da Silva, Luck Mervil, professionnels nationaux et internationaux reconnus.
Ces rencontres témoignent de l’effort collectif du secteur, car les artistes y font don, gracieusement, de leur temps et de leur expérience, qu’ils partagent avec un public généralement constitué de jeunes professionnels.
Le Centre de Ressources pour la Musique, Kay Mizik La, est un projet d’Ayiti Mizik. Il a ouvert ses portes, en juillet 2012, grâce à un financement de l’Union Européenne.
Kay Mizik La se veut un espace de perfectionnement et d’enrichissement du professionnel de la musique, qu’il soit musicien, manager, technicien de scène ou autre.
Pour Dadou Pasquet et les responsables de direction, Kay Mizik La est le début d’une solution pour répondre aux problèmes qui touchent le secteur de la musique en Haïti.
Le centre essaie de réunir toutes les ressources existantes, en terme de compétences et de connaissances.
Pour que l’initiative réussisse pleinement, cependant, il faudrait une véritable prise de conscience de l’ensemble du secteur et une réelle volonté politique des institutions concernées.
Kay Mizik La compte près de 200 membres, parmi lesquels des assidus qui participent à toutes les activités proposées afin, disent-ils, d’améliorer leurs savoirs et de mettre toutes les chances, de leur côté, pour leur futur professionnel.
Le malaise, face à la réalité (les difficultés communes à toutes et à tous, le manque criant d’option de formation) dans le secteur, est partagé : le Centre est une opportunité, là où il n’en existait aucune.
La rencontre du jeudi 31 octobre 2013, qui a duré deux heures, s’est déroulée dans une atmosphère parfois sombre.
L’assistance a découvert un Dadou Pasquet excédé, avec un propos plutôt pessimiste.
On a, toutefois, pu se faire une idée du parcours riche de l’artiste, qui a partagé les moments forts de sa carrière, parmi lesquels ces onze performances à Atlanta à l’occasion des Jeux Olympiques de 1996.
Dadou Pasquet a beaucoup insisté sur l’importance de connaître le travail des musiciens des générations passées, l’histoire musicale haïtienne qui se perd.
La rencontre s’est terminée en musique, par une petite démonstration de l’artiste à la guitare acoustique : un titre tiré de l’album Révélation, intitulé « Mum and Dad » et dédié à la mémoire de ses parents, le deuxième « Ayiti peyi solèy » qui figure sur le prochain album à paraître de Magnum Band. [tm pj gp apr 08/11/2013 12 :00]
Cette chronique est produite dans le cadre du programme de production et diffusion d’informations multimédia, pour une meilleure appréciation des activités culturelles en Haïti. Il est mis en place par le Groupe Medialternatif et Caracoli, institutions impliquées dans la communication sociale et la promotion culturelle, avec le soutien de la Fondation de France et de la Fondation Culture Création, à travers le programme FIL Culture.
Depuis octobre 2012, AlterPresse (agence en ligne du Groupe Médialternatif) et Caracoli éditent un agenda culturel hebdomadaire. Agenda et compte rendu sont adaptés pour alimenter une chronique radio qui est diffusée sur cinq stations : Radio Kiskeya (Ouest), Radio Express et Radio Jacmel Inter (Sud-Est), Radio Paillant Inter et Radio PSG (Nippes, une partie du Sud-Ouest).