L’office de la protection de la citoyenne et du citoyen (Opc) dénonce un « châtiment inhumain et dégradant », infligé aux détenues et détenus dans les prisons haïtiennes, où l’importance de les réhabiliter est « grossièrement ignorée »...
P-au-P, 29 oct. 2013 [AlterPresse] --- Le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) dénonce les mauvaises conditions de détention des mineurs à Port-au-Prince (capitale d’Haïti) et dans les villes de province, dans une enquête réalisée de juillet à octobre 2013 et dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Les problèmes de promiscuité de la prison, de difficulté d’eau - pour les besoins quotidiens - et d’exposition aux maladies contagieuses constituent le panorama quotidien des mineurs en conflit avec la loi, signale le Rnddh dans cette enquête menée au Centre de rééducation des mineurs en conflit avec la loi (Cermicol), à la prison civile de Pétionville (à l’est de la capitale) et dans les prisons des villes de province.
A la prison civile de Pétionville ainsi que dans les prisons civiles des villes de province, les mineurs ne sont pas séparés des adultes dans les cellules surencombrées, condamne le Rnddh, soulignant l’impact négatif de cette promiscuité sur leur avenir.
Le Rnddh fustige l’État haïtien, qui inflige des traitements cruels, inhumains et dégradants aux mineurs, contrairement aux prescrits de la législation nationale en vigueur et aux dispositions de la convention relative aux droits de l’enfant.
« Ces conditions inhumaines sont aussi aggravées, par le fait qu’ils sont placés en prison, en situation de détention préventive prolongée, sans aucune idée de leur jour de sortie, ce qui, en soi, constitue un acte de torture », s’indigne le Réseau.
La réalité reste inchangée, en dépit de certains engagements nationaux et internationaux, pris par Haïti, dans le sens de la protection des mineurs, notamment ceux en conflit avec la loi, consistant à les soustraire des prisons et à les acheminer dans des centres spécialisés.
Le Cermicol a failli
L’organisme de défense des droits humains critique le Centre de rééducation des mineurs en conflit avec la loi (Cermicol), qui, huit (8) ans après son inauguration, n’a pas su tenir ses promesses en matière de rééducation.
Les mineurs, incarcérés au Cermicol, « sont gardés par des agents de la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap), alors qu’ils auraient dû être placés sous la surveillance d’un personnel psychosocial, d’agents spécialisés de la brigade de protection des mineurs (Bpm), d’enseignants et de formateurs ».
Un fort pourcentage de la population carcérale du Cermicol, de Pétionville et des prisons - situées dans les villes de province - est écroué pour des infractions mineures, relate le Rnddh, relevant combien ces mineurs, gardés en prison, sont en situation de détention préventive prolongée.
Les filles - arrêtées en 2008 et 2009, et incarcérées à la prison civile de Pétionville - sont les plus grandes victimes de cette détention préventive prolongée.
Malgré la notification de leurs actes d’accusation, depuis le début de l’année 2013, plusieurs mineurs, particulièrement des filles, ne sont pas encore passés, jusqu’à date (octobre 2013), par-devant une instance de jugement.
Petits et grands dans le même bateau
Les conditions du milieu carcéral haïtien sont inquiétantes pour les mineurs en détention.
A l’occasion de la journée internationale des détenus, le dimanche 27 octobre 2013, l’Office de la protection de la citoyenne et du citoyen (Opc) a dénoncé le « châtiment inhumain et dégradant », infligé aux détenues et détenus dans les prisons haïtiennes, où l’importance de les réhabiliter est « grossièrement ignorée ».
En Haïti, le détenu est non seulement privé de sa liberté, mais également de sa dignité et de ses droits humains et fondamentaux, constate l’Opc, indiquant que le drame de la détention en Haïti est le fruit de choix politiques.
L’office pointe aussi du doigt « l’aveuglement volontaire d’un grand nombre d’acteurs du secteur de la justice, qui semblent trop longtemps avoir trouvé profit dans le statut quo ».
L’office de la protection du citoyen appelle les autorités étatiques à traduire leur volonté exprimée, de s’attaquer à la problématique de la détention, par la mise en œuvre, de manière rapide, d’actions concrètes et crédibles amenant une amélioration sensible de la situation carcérale dans le pays et un renforcement vigoureux de l’appareil judiciaire.
Une notice très chargée à l’attention de l’administration Martelly
Pour le Rnddh, de grands efforts doivent être consentis par les autorités concernées en faveur des mineurs en conflit avec la loi, qui n’ont pas accès à une formation permanente, qu’il s’agisse d’une formation vocationnelle ou d’une formation académique, dans une perspective de réinsertion sociale.
Le Rnddh appelle les différents barreaux d’avocates et d’avocats du pays à accompagner les mineurs par-devant les instances judiciaires appropriées, dès le début de la procédure judiciaire, pour en assurer la célérité et aussi leur fournir une bonne défense, tout en considérant l’intérêt supérieur de l’enfant dans la gestion des dossiers.
Procéder à l’instruction des dossiers des mineurs - qui n’ont jamais bénéficié d’extraction judiciaire, depuis leur incarcération - et donner suite aux dossiers des mineurs en situation de détention préventive prolongée, figurent parmi les propositions du Rnddh.
Le réseau demande de séparer les mineurs des adultes, d’assurer leur défense effective - en mettant à leur disposition une avocate ou un avocat, depuis le début de la procédure - de leur fournir, en détention, une formation académique ainsi qu’une formation professionnelle.
Le Rnddh encourage également la mise sur pied de programmes, dont l’objectif serait d’assurer la réinsertion sociale des mineurs ayant eu des démêlés avec la justice. [emb kft rc apr 29/10/2013 13:45]