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Haïti-Justice : Un membre du Cspj accuse le président de l’institution de bafouer le principe de collégialité

Communiqué de Me
Jacques Letang, membre du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj)

Soumis à AlterPresse le 25 octobre 2013

Actuellement en déplacement à l’étranger, je me vois dans l’obligation de diffuser le présent communiqué pour manifester mon indignation devant le comportement de M. Anel Alexis JOSEPH, Président du Cspj, qui s’est permis de publier en date du 24 octobre 2013 une note référencée au n° Cspj/10-2013/274, alors qu’aucune délibération n’a été préalablement réalisée en Conseil sur la question.

Ce n’est malheureusement pas la première fois que le Président du Cspj bafoue ainsi le principe de collégialité qui est pourtant, aux termes de la loi du 13 novembre 2007, un principe cardinal du fonctionnement de cette institution indépendante.

Il est surprenant d’apprendre, à la lecture de cette note, que M. Anel Alexis JOSEPH s’arroge le titre de « chef » du Pouvoir Judiciaire et qu’il pense ainsi pouvoir parler au nom du Cspj, sans tenir compte des huit autres Conseillers qu’il n’a même pas jugé bon d’informer de son initiative.

En publiant cette note -qui reprend étrangement le contenu du communiqué publié par la primature le mercredi 23 octobre, note rédigée au surplus sur un papier à en-tête faisant mention, non pas de l’adresse du Cspj, mais de celle du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, M. Anel Alexis JOSEPH soumet à la population une version très personnelle de sa conception du « principe de la séparation des pouvoirs ».

Comment imaginer d’ailleurs que cela puisse relever des attributions du Cspj de demander à quiconque de « retourner un prévenu à la Justice » et de s’insinuer ainsi dans le traitement de dossiers individuels relevant strictement des autorités judiciaires compétentes ?

Cette intervention est d’autant plus mal à propos qu’elle vise à l’évidence à occulter le problème de fond au cœur du scandale : l’arrestation, en date du mardi 22 octobre 2013, dans des conditions particulièrement problématiques, de Me André Michel, avocat accrédité au Barreau de Port-au-Prince.

Cette arrestation soulève au moins trois problèmes juridiques majeurs : 1) la violation de l’article 24.3 de la Constitution qui prévoit que, sauf cas de flagrant délit, aucune arrestation ne peut avoir lieu entre 6 heures du soir et 6 heures du matin ; 2) la violation de l’article 429 du Code d’instruction criminelle sur la base duquel une action en récusation avait été notifiée au juge instructeur, procédure qui aurait du provoquer automatiquement le sursis à l’exécution du mandat d’amener émis par ledit magistrat ; 3) la violation de l’article 53 du décret du 29 mars 1979 régissant la profession d’avocat, qui accorde aux avocats en exercice des garanties spécifiques, à même de les protéger contre l’arbitraire dans l’exercice de leur profession.

En ma qualité d’avocat, représentant de l’Assemblée des Bâtonniers au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, je ne peux qu’exprimer ma plus vive préoccupation concernant les dérives actuelles mettant directement en cause l’indépendance de la magistrature, et donnant une bien mauvaise image de notre justice qui semble parfois se donner des airs de simple outil de répression politique.

Me Jacques LETANG
Conseiller au Cspj
Représentant de la Fédération des Barreaux d’Haïti