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Haïti-Équateur : Des immigrés haïtiens en quête de réconfort spirituel à Quito...

Suspicion et perplexité dans la communauté d’accueil

Reportage

Par Wooldy Edson Louidor

Quito, 24 octobre 2013 [AlterPresse] --- C’est un édifice, où résident des locataires dans des « appartements » et qui abrite un cybercafé au premier étage, aux yeux des habitantes et habitants équatoriens de ce quartier populaire situé à la périphérie de Quito [à l’intersection des avenues Bellavista et Real Audiencia].

Mais, pour des immigrés haïtiens, il y en a plus.

Ce n’est pas qu’un simple édifice, où habite un de leurs compatriotes, il s’agit d’un lieu de culte, d’un point de repère et d’un refuge dans la capitale équatorienne, observe l’agence en ligne AlterPresse.

Maison privée ou temple religieux ?

Quand des visiteuses et visiteurs frappent à la petite porte d’entrée de l’appartement, un Haïtien, impeccablement vêtu, cravate au cou, mais pieds nus en signe de profonde dévotion pour l’espace sacré, ouvre la porte et souhaite gentiment la bienvenue aux nouveaux arrivés.

Soudain, les visiteuses et visiteurs se retrouvent au cœur d’un temple protestant, où des dizaines de familles d’immigrés haïtiens s’entassent, en quête d’espoir, de réconfort spirituel et d’une communauté de référence.

Cette église improvisée ouvre sa petite porte les samedi et dimanche.

Hommes, femmes et enfants, tirés à quatre épingles, toutes et tous des Haïtiennes et Haïtiens, habitant au cœur de Quito, répondent religieusement, de très tôt, au rendez-vous spirituel.

Rendez-vous, important pour les fidèles de cette église protestante qui se donne pour mission de « chercher des âmes pour le Christ ».

Le pasteur Luders Auguste est littéralement le chef d’orchestre de l’église, avec son « Chant d’espérance » en mains.

Il chante, accompagné au piano par un jeune Haïtien, donne le ton, prêche, prie à haute voix.

Pasteur Auguste critique, sans pitié, ses compatriotes, qui ont abandonné son église pour aller grossir les files d’autres religions, en échange d’emplois, de promesses de régularisation de leur situation migratoire, voire de résidence pour le Canada.

« Notre Dieu n’est pas à vendre », crie-t-il, à l’instar d’un prophète.

Entre-temps, certains fidèles approuvent ses critiques d’un hochement de tête. D’autres sont couchés, le ventre contre terre, plongés dans leur prière et méditation.

D’autres, en plus, se plaignent de leurs mauvaises conditions de vie en Équateur, en grognant, en pleurant, en marchant en cadence.

À cette exubérance de chants, de musique, de prières et de grognements, qui se lèvent dans le ciel matinal de Quito, se mêlent les pleurs des enfants, voire des nourrissons, qui accompagnent leurs parents.

Le petit appartement se transforme en un véritable temple, où les fidèles haïtiens se sentent en famille, visiblement réconfortés et sûrs de la protection de leur Dieu et de leur communauté.

Doute, suspicion, malaise chez des voisins équatoriens

Dans ce quartier populaire, où se trouve cet appartement « transformé en temple protestant », deux fois par semaine, par les immigrés haïtiens, les voisines et voisins équatoriens semblent partagés par des sentiments de doute, de suspicion, voire de malaise.

« Je ne sais pas ce qu’ils sont en train de faire et de dire à l’intérieur de cet appartement, qu’ils ont converti en église », confie un voisin équatorien, visiblement en colère, tout en ajoutant que « c’est comme ça toutes les fins de semaine ».

« Moi, je n’ai aucun problème avec eux [les Haïtiens], mais parfois ils chantent tellement à haute voix que mes clients du cybercafé n’arrivent pas à communiquer au téléphone dans les cabines. Parfois, je me sens obligé d’aller parler avec eux afin qu’ils diminuent le niveau de leurs chants », explique, sur un ton conciliant, une autre voisine équatorienne.

« C’est tout, mais cela ne m’ennuie pas », conclut-elle.

« Ce qui m’intrigue, c’est que je ne sais pas quelle religion ils pratiquent. Serait-ce du vaudou ? Qui sait ? », s’interroge un autre voisin, en train de naviguer sur Internet dans le cybercafé.

Il n’est que 9 :00 am locales (14:00 gmt).

Des familles haïtiennes, tout entières, continuent à affluer vers l’édifice et à frapper à la petite porte de l’appartement-église du pasteur, au vu des voisines et voisins équatoriens, non encore habitués à cohabiter avec cette communauté d’hommes et de femmes qui parlent une autre langue et qui réalisent un culte inconnu. [wel rc apr 24/10/2013 12:54]