Par Edwin Paraison*
Soumis à AlterPresse le 7 octobre 2013
Les Latinos aux États-Unis ne sont pas totalement satisfaits du président Obama par rapport à sa politique migratoire. Ils ont, cependant, voté majoritairement pour lui lors des élections de l’an dernier. Simplement parce qu’il a mené une offensive face au Congrès en faveur d’une réforme de l’immigration. Ainsi, toujours pour reconnaître les apports des immigrants, il est allé jusqu’à nommer un de leurs représentants dans son cabinet actuel en la personne du Ministre du travail, Tomas Perez, d’origine dominicaine.
Récemment, en France, le président Hollande a dû apporter les éclaircissements nécessaires sur les restrictions que semblait annoncer son Ministre de l’Intérieur en lien avec le regroupement des familles et d’autres mesures migratoires. Le premier mandataire a précisé que son pays, souvent critiqué dans les rapports d’Amnistie internationale, veut rester « une terre d’accueil ».
Au Canada, jusqu’au début des années 80, le racisme face aux immigrants chinois et d’autres communautés d’étrangers a été une triste réalité.
La situation a certainement changé. Cependant, en même temps qu’il annonce des mesures contre l’immigration irrégulière, le Premier Ministre Steven Harper comprend que manque une réforme migratoire qui puisse accélérer le traitement des fameuses listes d’attente. Aussi, une nouvelle législation sur la citoyenneté propose une solution à plusieurs qui étaient restés dans une forme de limbe depuis les réformes de 1977 en cette matière.
De leurs conditions de travailleurs exploités par l’industrie sucrière, la révolution cubaine a accordé aux immigrants haïtiens comme aux jamaïcains les mêmes privilèges qu’aux Cubains. L’intégration sociale et politique s’est réalisée sans tenir compte de leur statut migratoire. Ainsi ils ont obtenu à l’égal de leurs enfants la nationalité cubaine. C’est clair que Fidel Castro avait développé une relation affective avec les travailleurs haïtiens depuis son enfance à Biran [1].
Tous ceux cités plus haut forment avec la République dominicaine le groupe des cinq pays où se trouve la plus grande concentration d’immigrants haïtiens. En dépit de cela, dans cette dernière, sans qu’il ne se soit jamais effectué une régularisation migratoire depuis plus d’un siècle de présence, s’officialise, par un arrêt de la Cour Constitutionnelle (TC en espagnol), un génocide civil dans un État où, sur ordre de son Président, a eu lieu un massacre de noirs et d’Haïtiens il y a 76 ans.
Dans ce contexte, le rejet majoritaire de différents secteurs de la société dominicaine de la grave décision du TC, pour ses répercussions sur les relations avec Haïti et la participation de la République dominicaine dans des organismes internationaux, doit être vu comme une opportunité de changement radical pour l’ Administration Medina dans la gestion de la question haïtienne.
Jusqu’à présent, quand ce n’est pas une implication directe dans sa forme la plus cruelle, c’est pour le moins, durant les trois mandats du Parti de la Libération Dominicaine depuis 1996, une politique de « laisser faire » en faveur des courants nationalistes anti-haïtiens les plus répugnants. Lesquels constituent des barrières pour une relation d’amitié sincère et de coopération authentique entre les deux pays.
Probablement, manquait-il d’atteindre ce point pour voir comment l’anti-haïtianisme de groupes minoritaires peut arriver à exposer tout un pays au ridicule international et mettre en péril d’importants intérêts dominicains ! Surprenant de voir des chefs ecclésiastiques, contrairement à la vision humaniste du Pape François sur l’immigration lors de sa visite à l’île italienne de Lampedusa, appuyer un verdict aussi terrible rejeté courageusement par deux juges femmes du tribunal.
Pour éviter que ne se reproduise un si mauvais exemple à l’encontre d’immigrants dominicains, il faut voir l’arrêt officiel de dénationalisation de la Cour Constitutionnelle comme un mauvais précédent qui doit être rejeté énergiquement par toutes les communautés de migrants du monde.
Toutefois, une occasion historique est offerte au Pouvoir Exécutif dominicain de prendre une initiative de grand impact dans le traitement de la question migratoire haïtienne, en commençant par prendre clairement ses distances des promoteurs de l’anti-haïtianisme, dans le seul pays du groupe des cinq, dont le Chef d’État ou de gouvernement n’a pas encore reconnu la contribution de notre communauté à sa nation.
Agir cette fois comme Ponce Pilate s’avérerait très préjudiciable à la bonne renommée d’un président qui a promis de « faire ce qui n’a jamais été fait ».
* Directeur exécutif de la Fondation Zile
Traduction : Serge Baguidy-Gilbert – Fondation Zile Canada
[1] Biran est une petite ville de la province de Holguin, mieux connu comme lieu de naissance de Fidel et Raul Castro.