par Emmanuel Marino Bruno
P-au-P, 30 sept. 2013 [AlterPresse] --- L’aide étrangère, apportée à Haïti suite au séisme dévastateur du 12 janvier 2010, n’a fait que contribuer à renforcer le sous-développement du pays, expose le film documentaire AIDependence, projeté à la Fondation, connaissance et liberté (Fokal), le jeudi 26 septembre 2013.
Le système de l’aide humanitaire a consolidé le sous-développement et la dépendance du pays vis-à-vis de la communauté internationale, au lendemain de ce tremblement de terre, critique le documentaire, soulignant qu’un pays ne saurait être construit avec la charité internationale.
Des dérives et une étonnante opacité
Viciée dans sa logique, l’aide est un instrument de perversion, aussi bien pour le donneur que pour le receveur, fustige le film documentaire, montrant un directeur d’école - dénommée l’unité chrétienne d’Haïti - en train d’applaudir l’aide dans le pays, tout en ironisant le manque de volonté de l’État haïtien à s’investir dans le relèvement de ses institutions.
Des acteurs divers ont souligné combien les projets, élaborés et financés dans les organisations non gouvernementales (Ong) ne tiennent pas compte des besoins du pays ni de la zone d’exécution.
Pour certains, le système humanitaire est vu comme un ensemble de projets déconnectés de la réalité.
Corruption, abus et injustice se conjuguent dans cette immense machine qu’est l’humanitaire, ayant des prétentions loin de ses pratiques.
L’absence de plans concertés, pour coordonner l’aide, et de reddition de comptes ont été absents dans les projets de nombreuses Ong intervenant sur le terrain.
80% des Ong ont refusé de rendre des comptes sur l’aide reçue, relève la journaliste Nancy Roc.
Les problèmes urgents se sont pas pris en compte, ni par les donateurs ni par les Ong, déplorent, dans le film documentaire, des observatrices et observateurs.
Trouver une lueur d’espoir
Après le constat de l’échec des Ong sur le terrain, un mouvement appelé « Konbit Solèy Leve » tente de cherche des idées innovantes pour faire briller une lueur d’espoir à Cité Soleil municipalité au nord de la capitale).
La construction d’une Tour Eiffel semble être un symbolisme original de fierté, d’unité et de solidarité, pour ce mouvement mené par le jeune haïtien Robi, citoyen de Cité Soleil, et Sabina, sa petite amie américaine et ancienne travailleuse humanitaire.
Des activités de sensibilisation et de développement communautaire sont menées, dans plusieurs départements du pays, par ce mouvement qui plaide pour une prise en charge, par le peuple haïtien, de son destin.
La zone rouge n’est pas aussi rouge qu’on le croit, témoigne, dans le film documentaire, Sabina qui est venue habiter à Cité Soleil pour participer à ces efforts de relèvement dans la communauté.
Réception et critiques
La réalisation du film documentaire, par Alice Smeets et Fréderic Biegman, a pris quatre (4) mois de tournage, six (6) mois de travail de recherche et un (1) an de montage.
Après sa projection à la Fokal, il a reçu plusieurs critiques négatives, certaines particulièrement cinglantes.
La tour Eiffel, prise dans le film comme symbole de l’unité pour les Haïtiens, est inappropriée, selon un téléspectateur qui croit qu’en aucun cas ce symbole ne pourrait être un signe de solidarité, si l’on se réfère à l’idée avec laquelle cette tour a été érigée.
La sociologue Michèle Oriol, responsable du comité interministériel d’aménagement du territoire (Ciat) en Haïti, trouve choquante l’image du directeur d’école qui tourne en dérision l’État.
Oriol critique aussi la difficulté à repérer le thème central du documentaire ainsi que la quasi-absence de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah).
Un autre spectateur a jugé que les réalisateurs ont posé le problème de l’aide internationale en Haïti avec beaucoup trop d’émotions, sans apporter d’élément véritablement neuf en termes de réflexions. [emb kft rc apr 30/09/2013 13:45]