Interview avec Rodolphe Joazile, ministre de la défense – partie 3 / fin
Par Edner Fils Decime
P-au-P, 13 sept. 2013 [AlterPresse] --- A un moment où la reconstitution des forces armées d’Haïti se précise, les images des exactions de l’ancienne force dissoute en 1994 reviennent à l’esprit des victimes et des parents de victimes. Loin de donner une garantie formelle d’un non-retour à ces situations, le ministre de la défense, Rodolephe Joazile, prône la création d’ « un nouveau modèle de citoyen haïtien ».
Dans une interview à AlterPresse, l’ancien officier de l’armée estime que le problème est d’ordre « sociétal ». Pour lui, il faut « rompre avec ce passé » et « créer un nouveau modèle de citoyen » en misant sur « l’action civique obligatoire ».
Cette « armée professionnelle au service du développement » qui se reconstitue progressivement serait aussi une garantie aux Haïtiennes et Haïtiens que ce passé sanguinaire ne reviendra pas hanter leur vie.
Le programme d’action civique obligatoire est le seul qui occupe le budget d’investissement de l’année fiscale 2013-2014 du ministère de la défense, informe Joazile.
Le budget se chiffre à combien ? Le ministre n’en parle pas. « Un budget est un vœu », dit-il. Il faut attendre que le parlement en décide, ajoute l’ancien sénateur et président de l’assemblée nationale.
« Dédommagements des militaires »…et les victimes ?
Joazile ne parle pas de dédommagements pour ses frères d’armes. Il préfère le terme « compensations » car les dommages que la démobilisation a faits aux militaires sont « irréparables ».
Et le ministre prend cette question très au sérieux car « c’est une dette de l’Etat haïtien envers ses fils sauf qu’il n’a pas les moyens de payer d’un coup. Mais il paiera ».
Mais, il semble que les victimes des exactions de l’armée, dont le sanglant coup d’Etat de 1991, ne doivent pas espérer grand-chose, à lire entre les lignes des explications du ministre Joazile.
Les gouvernements précédents n’ont pas touché la question. Les victimes semblent être trop nombreuses. Apparemment, elles n’avaient pas porté plainte, même si une Commission Vérité avait documenté les faits et produit un volumineux rapport.
« S’il y a des victimes, il faut qu’il y ait des réparations. Mais écoutez, si l’Etat décide de réparer des victimes du coup d’Etat, on aura près de 8 millions de victimes. Donc les victimes doivent porter plaintes. Ce n’est pas à moi de les inviter à le faire », tranche le ministre qui tout de même garantit que « s’il [le dossier des victimes] est déjà traité, mon gouvernement fera le suivi ».
Dédommager les victimes et les parents des victimes des exactions de l’armée est un rêve nourri en grande partie dans le mouvement social haïtien, qui craint, avec le retour de l’armée, celui d’un autoritarisme renforcé. [efd kft gp apr 13/09/2013 11 :20]
Photo : Jenipher W. Charles