P-au-P, 10 sept. 2013 [AlterPresse] --- Alors que les députés présidentiels font un tohu bohu autour du vote de la nouvelle loi électorale, le président de la chambre basse, Jean Tholbert Alexis, a confirmé à AlterPresse avoir transmis « ex cathedra », le matin du 10 septembre 2013, le document – tel que « voté » par ses pairs- au bureau du sénat.
« Je ne m’en tiens pas aux tractations et tergiversations politiques des membres de Psp (Parlementaires pour la stabilité et le progrès). J’ai fait ce que m’exigent les règlements internes de la chambre en ses articles 117, 120 et 121 », a déclaré le député Alexis non sans vanter sa posture de président de bureau se situant « au-dessus de la mêlée ».
Au cours d’une séance houleuse et confuse, peu avant la fin de la session ordinaire de la chambre basse, dans la soirée du 9 septembre, Alexis a déclaré « adoptée » la loi électorale, suivant une formule considérée expéditive et contestée par des députés.
A présent, l’assemblée des sénateurs se devrait de constituer une commission d’étude du document voté par les députés. S’il est voté dans les mêmes termes par le Senat, il devra être acheminé au chef de l’Etat pour promulgation.
Au cas où le président n’utilise pas son droit d’objection dans 8 jours francs, il doit le publier dans Le Moniteur, journal officiel de la République. Sinon, le projet de loi sera retourné à la chambre des députés pour reprendre le vote sur les objections du président.
Comme la chambre basse est partie en vacances depuis le 9 septembre, le chef de l’Etat aura l’obligation de convoquer les députés à l’extraordinaire.
Le fera-t-il ? Ce n’est pas l’avis du député Vickens Derilus, du bloc minoritaire Parlementaires pour le renforcement institutionnel (Pri).
Pour ce parlementaire, il y a la « certitude que le chef de l’Etat ne veut pas organiser des élections dans le pays d’ici la fin de l’année 2013 ».
Pomme de discorde, guerre de procédures
Au cours de la séance, le bloc majoritaire supportant le pouvoir en place, par le biais de son chef, le député Jacques Steven Thimoléon, a proposé la modification de la teneur de l’article 241.
Cet article, selon le rapport de la commission d’analyse, aligne la durée des mandats des élus aux prescrits de la constitution haïtienne, qui veut qu’en aucun cas, la durée du mandat d’aucun élu ne puisse ni être diminuée ni être augmentée.
La proposition du député Thimoléon prévoit que les sénateurs élus sous l’égide de la loi électorale de 2008 restent en fonction jusqu’à la prestation de serment des nouveaux élus, dans le souci, dit-il, d’éviter un vide institutionnel.
Selon le député Vickens Dérilus, la manière de procéder de ses collègues du Psp n’a pas suivi la procédure tracée par les règlements internes de la chambre en ses articles 120 et 121.
Ces articles précisent en substance qu’ « automatiquement qu’un article ait été adopté dans un rapport, il ne peut subir de modifications, si cela n’a pas été fait préalablement à la séance », soutient Dérilus.
La procédure correcte serait que les députés du Psp déposent leur proposition d’amendement ou de reformulation au secrétariat de la chambre qui lui-même la transmettrait au bureau de l’assemblée pour la soumettre aux discussions.
Contacté par AlterPresse, le député Louystz Amiot François du Psp évoque la notion de « jurisprudence » pour justifier le choix de son bloc à proposer l’amendement de l’article 241 en séance plénière.
« C’est ainsi que nous avons travaillé sur les autres articles du projet de loi. Le Président Tholbert Alexis n’a même pas passé l’article au vote. On dirait qu’il avait déjà formé sa conviction », fulmine François qui malgré tout propose un compromis entre la voie de la constitution et celle de la loi électorale 2008, au grand dam de la hiérarchie des normes et de la suprématie de la loi-mère.
Un député, membre du bloc minoritaire, Parlementaires pour le renforcement institutionnel (Pri), confirme en off à AlterPresse que « ces erreurs procédurales » ont été bel et bien commises dans le vote des articles.
Cependant, il a précisé que par « un rappel aux règlements » la chambre est revenue dans le droit chemin. Cet acte est prépondérant dans la tradition parlementaire, soutient-il pour expliquer la décision du président Tholbert de déclarer « adopté » l’article 241.
Le gâteau de miel : pas d’élections fin 2013
« Il n’y aura pas délections d’ici la fin de l’année. Et ce n’est pas un hasard. L’Exécutif s’est arrangé pour qu’on arrive à cette situation. Le chef de l’Etat, de comportement irresponsable, est plutôt avide de chaos », avance le parlementaire Dérilus.
Le son de cloche n’est différent du côté du député François du Psp.
« Mathématiquement, techniquement, il est impossible d’avoir des élections en cette fin d’année », affirme-t-il à AlterPresse, mais en nuançant qu’il fait quand même confiance à la volonté du chef de l’Etat et des acteurs impliqués.
En tout cas, plusieurs communications d’autorités gouvernementales semblent indiquer qu’il ne faut pas rêver d’élections d’ici la fin de l’année 2013.
Dans une entrevue, le ministre chargé des relations avec le parlement, Ralph Théano, a parlé « des élections qui seront organisées en 2014 ».
Le représentant d’Haïti à l’Organisation des Nations Unies (Onu), Denis P. Régis a laissé entendre que son gouvernement organisera des élections pour deux tiers du Sénat.
Et comme pour inviter à tuer le temps, le député Kenston Jean-Baptiste appelle déjà l’Exécutif à faire valoir ses objections.
Pour le moment, les yeux de la population sont rivés sur l’assemblée des sénateurs. [efd gp apr 10/09/2013 16 :15]