P-au-P, 06 sept. 2013 [AlterPresse] --- La lutte pour l’indépendance du pouvoir judiciaire en Haïti n’a pas fait des avancées avec l’installation du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj), avance le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), se référant au dossier du juge Lamarre Bélizaire, dans une note transmise à AlterPresse.
Le dossier du juge Lamarre Bélizaire fragilise le Cspj qui « n’arrive définitivement pas, en tant qu’organe consacrant l’indépendance du pouvoir judiciaire, à répondre aux nombreuses attentes de la population haïtienne », constamment victime des dérives de magistrats, dont Me Bélizaire, estime le Rnddh.
« Le moment est venu de revoir la loi portant création et fonctionnement du Cspj », suggère le Rnddh, encourageant « vivement les membres du Cspj à se ressaisir et à assumer pleinement leurs responsabilités ».
L’organisme de défense des droits humains souligne combien « la question de l’utilité du Cspj, de sa composition et de son mode de fonctionnement, se pose avec acuité ».
Le Cspj face aux scandales
Le Cspj aurait frôlé le gouffre avec plusieurs dossiers défrayant la chronique, comme ceux relatifs à la mort suspecte du juge Jean Serge Joseph (le samedi 13 juillet 2013) et au magistrat Lamarre Bélizaire.
Une plainte, déposée au Cspj, reproche à Lamarre Bélizaire d’être partial et de violer la loi dans le cadre de l’instruction qu’il mène autour du dossier de l’assassinat de Frantzy Duverseau, perpétré le 18 octobre 2010.
En dehors des procédures prévues par la loi, sans se faire accompagner du commissaire du gouvernement près le tribunal civil de Port-au-Prince, le juge Bélizaire aurait tenté, le vendredi 26 juillet 2013, d’exécuter un mandat d’amener contre l’avocat André Michel, impliqué dans cette affaire.
Désistement du conseiller Jacques Létang comme rapporteur, volontaire ou imposé ?
Convoqué le mercredi 28 août 2013 par le Cspj, le juge Bélizaire - présent sur les lieux - n’a pas pu être auditionné suite au désistement du précédent rapporteur dans ce dossier, le conseiller Jacques Létang.
Le conseiller Létang a été remplacé par un autre collègue, Me Jean Alix Civil, désigné par le président du Cspj.
Anel Alexis Joseph vouerait un appui sans réserve au juge Bélizaire, indique le Rnddh, signalant combien Me Civil considère le Cspj comme un pouvoir au service du pouvoir exécutif.
Ce remplacement survient après la contestation, avec véhémence et insolence, par Lamarre Bélizaire, du choix de Me Létang comme rapporteur.
Le prétexte : en sa qualité de bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau des Coteaux, Létang ferait partie de la Fédération des barreaux d’Haïti (Fbh).
En août 2013, l’ordre des avocats du barreau de Port-au-Prince, une autre composante de la Fbh, a pris une position publique contre Bélizaire dans ce dossier, aurait allégué Lamarre Bélizaire.
Contacté par AlterPresse, le bâtonnier de Port-au-Prince et président de la Fbh, Me Carlos Hercule, ne va pas dans le sens d’une pression exercée contre Létang.
Cette décision de se déporter du dossier, comme rapporteur, serait un acte volontaire du bâtonnier Jacques Létang. Ce dernier a, effectivement, signé une résolution prise par la Fédération dans le cadre de l’affaire Bélizaire, nuance Hercule.
« Il (Jacques Létang) a estimé qu’il ne pouvait être juge et rapporteur en même temps, dans un dossier sur lequel il a déjà pris une position publique », explique le président de la Fbh.
Les membres de la Fbh respectent l’éthique, la déontologie et la logique d’une garantie judiciaire, contrairement au juge Lamarre Bélizaire qui a méprisé les récusations de Me André Michel dans l’affaire d’Enold Florestal, arrêté le 16 août 2013, poursuit le bâtonnier de Port-au-Prince.
En août 2012, Florestal a assumé une plainte, pour « corruption et usurpation de titre », contre Sophia Saint-Rémy et Olivier Martelly, respectivement épouse et fils du président Joseph Michel Martelly.
Enold Florestal était lié à l’incident ayant conduit à l’assassinat, en octobre 2010, de l’étudiant Frantzy Duverseau.
Ce dossier a été brusquement relancé, en juillet 2013, par Lamarre Bélizaire, juge réputé proche du pouvoir. [emb kft rc apr 06/09/2013 12:40]