Par Roody Édmé*
Spécial pour AlterPresse
Le conflit syrien est entré dans une phase de pourriture extrême.
Les cadavres s’accumulent et les réfugiés, qui traversent les frontières avec le Liban et la Turquie, ne se comptent plus.
Le monde contemple, douloureusement, une catastrophe humanitaire, dans laquelle la folie meurtrière et les calculs géopolitiques dorment dans le même lit.
Il ne s’agit pas, en fait, simplement de faire partir un dictateur, qui, certes, n’a pas beaucoup de scrupules. Il y a aussi les intérêts de groupes ethniques et confessionnels, qui ont façonné, durant des millénaires, la géopolitique d’une région riche de son histoire et de son pétrole.
La Syrie n’est pas la Libye, et une déstabilisation de longue durée de ce pays peut avoir un effet boomerang sur cette partie de l’Orient, aussi sulfureuse que l’étaient les Balkans, à la veille des grands conflits mondiaux.
Or, le régime [de Bachar] Assad, dans une guerre sans fin avec ses opposants, vient, selon les dires de certains pays occidentaux, d’utiliser des armes chimiques à une échelle alarmante.
Toute chose, qui met en émoi la bonne conscience d’une communauté internationale, qui, pourtant, s’était contentée, jusqu’ici, de pousser des cris d’orfraie et de verser des larmes de crocodile devant le démembrement d’une nation, un des berceaux de la civilisation orientale.
La vérité est que, comme aux temps de la guerre froide, chaque camp dispose de son cartel de soutien.
Assad a de bons amis Iraniens, Russes et Chinois, et peut puiser dans la réserve fanatisée et inépuisable de la milice Chiite du Hezbollah.
Les opposants peuvent compter sur l’aide « humanitaire » des Occidentaux.
Il faut lire, ici, dans le mot « humanitaire », la fourniture, entre autres, de certaines logistiques militaires.
Encore que Les États-Unis d’Amérique sont prudents, dans leur aide à la nébuleuse de l’Opposition syrienne qui compte des groupes peu favorables à l’administration politique à Washington.
Ce qui se passe sur le terrain est particulièrement dangereux, car la situation ne correspond nullement aux scénarios du « printemps arabe », où tout un peuple se lève pour mettre fin à l’hégémonie politique de régimes trentenaires.
Il s’agit, surtout, d’un affrontement entre Chiites et Sunnites, qui dépasse les frontières syriennes.
L’utilisation d’armes chimiques le transforme en une sale guerre, où tous les coups sont désormais permis.
Les États-Unis d’Amérique veulent, sur ce dossier compliqué, tirer leur épingle du jeu, en « punissant » le dictateur par la destruction de quelques objectifs militaires, sans trop mettre le pied dans un guêpier, plus agité que celui de l’Irak.
Mais, l’on se pose des questions sur la valeur intrinsèque de ces frappes, à partir de la mer de Syrie, qui s’apparentent à des coups de semonce qui peuvent faire encore plus de victimes dans la population civile.
Un sondage, dans le camp des rebelles, montre que ces derniers sont sceptiques vis-à-vis de ces frappes, comme s’il se réglait quelque chose par-dessus leurs épaules et sur laquelle ils n’avaient pas de prise.
Quoiqu’il en soit, il reste que l’utilisation de telles armes sont, d’un point de vue moral, totalement inacceptable et c’est faire de l’angélisme que de croire qu’elles n’ont pas été utilisées non plus dans l’autre camp. Du moins, d’après des sources fiables de l’Organisation des Nations Unies (Onu).
Pour l’heure, à défaut de la légalité onusienne impossible à obtenir, l’administration politique à Washington - hantée par le souvenir de la guerre « injustifiée » d’Irak - recherche une légitimité morale pour une opération militaire.
Dans ce conflit, les vrais « punis » sont le peuple meurtri de Syrie.
* Enseignant, éditorialiste