Par Edner Fils Décime
P-au-P, 30 août 2013 [AlterPresse] --- Plus de vingt-cinq professeurs de l’Université d’État d’Haïti (Ueh), réunis au sein d’une « Cellule de réflexion pour la nouvelle Ueh » (Crnu), ont notifié au conseil exécutif de cette institution un pré-avis de grève en vue d’exiger la régularisation de la « situation salariale des professeurs de l’Ueh », apprend AlterPresse.
Cette notification a été faite par une lettre datée du 19 août 2013 et remise au siège du conseil de l’Ueh, à Port-au-Prince, le 28 août 2013.
La grève doit débuter le 1er octobre 2013. La date de cessation de la grève n’est pas indiquée par la Crnu.
Par cette « action collective », les professeurs signataires (du préavis de grève) de l’Ueh se « proposent de dénoncer l’injustice, l’irrespect et l’insouciance », qui, selon eux, caractérisent la gestion de l’Ueh par les autorités administratives actuelles.
Le conseil exécutif de l’Ueh est formé de Jean Vernet Henri, recteur, Fritz Deshommes, vice-recteur à la recherche, et de Jean Poincy, vice-recteur aux affaires académiques.
Contacté par AlterPresse, le vice-recteur Deshommes n’a pas souhaité réagir, pour le moment, sur la question.
Les revendications des professeurs sont justes, estime, pour sa part, le vice-recteur Poincy, qui se demande, pourtant, si la « grève est la voie la plus sage ».
Du côté de la Crnu, le professeur Luné Roc Pierre-Louis dit ne pas souhaiter de « réaction hypocrite du genre ’nous avons reçu votre correspondance’ ».
La question salariale à l’Ueh : une affaire de faculté ?
Le traitement des professeures et professeurs à l’Ueh varie d’une faculté à une autre. Les disparités sur la base salariale sont criantes.
Aussi, la Crnu s’inquiète-t-elle de cette réalité de traitement à l’Ueh.
« Cette importante question de salaires » serait laissée « à l’arbitraire, au caprice et à la bonne grâce des dirigeants de chaque faculté », s’indignent les professeurs signataires de la lettre de pré-avis de grève.
La Crnu soutient son argumentation par le fait que « le salaire des professeurs de la Faculté d’Agronomie (…) représente le triple du salaire moyen des professeurs de huit autres entités de l’Ueh, et celui de l’École normale (…) en représente le double ».
Le traitement maximal mensuel d’un professeur touche le plafond des 120 mille gourdes (US $ 1.00 = 44.00 gourdes ; 1 euro = 60.00 gourdes aujourd’hui) à la faculté d’agronomie et de médecine vétérinaire (Famv), 90 mille à l’École normale supérieure (Ens) et 70 mille à la faculté de médecine et de pharmacie (Fmp).
Cependant, un professeur à temps plein gagne 42 mille gourdes à la faculté des sciences humaines (Fasch), par exemple. Un chargé de cours n’y touche que 9 mille gourdes environ.
C’est le conseil exécutif qui a initié la question de l’augmentation de salaire, en demandant aux facultés de présenter une « simulation prévisionnelle d’augmentation », précise à AlterPresse le vice-recteur Poincy.
« Seulement, la faculté d’Agronomie, l’École normale supérieure et la Faculté des sciences (Fs) ont présenté leur simulation. Ainsi, l’augmentation a-t-elle été faite en fonction de la proposition des facultés », explique Poincy.
Cet argument du vice-recteur est plutôt considéré comme un « chef d’accusation contre le conseil exécutif, pour manque de courage et de leadership », selon le professeur Pierre-Louis.
Application d’une grille salariale unique à l’Ueh
« La Crnu revendique, ainsi, l’adoption et la mise en application, dans le meilleur délai, de la grille salariale, élaborée par la commission instituée par le Conseil de l’Université, laquelle grille préconise la fourchette salariale mensuelle allant de cent-vingt mille (120,000.00) à cent-cinquante mille (150,000.00) gourdes », lit-on dans la lettre de préavis de grève, dont une copie est parvenue à AlterPresse.
Cette grille salariale devra être effective à partir de l’année académique 2013-2014, tente de rassurer Poincy.
Dans l’actuelle proposition budgétaire du gouvernement, déposée au parlement – mais déjà votée par les députés - le budget de l’Ueh s’élève à 1,6 milliard de gourdes environ.
Le professeur Franck Seguy, qui agite cette question depuis 2006 à l’université, croit que l’initiative est correcte, car il est impossible d’avoir une université sérieuse si les professeurs n’arrivent pas à s’adonner pleinement à leur mission d’enseignement.
En comparant le salaire mensuel de 150 mille gourdes d’un jeune comptable de la banque de la république d’Haïti (Brh) - formé à l’Ueh (Bacc+4) - et les 42 mille que gagne un professeur à temps plein qui l’a formé, Séguy se demande si les « dirigeants universitaires n’ont aucune notion de la spécificité de la tâche d’être enseignant universitaire ».
Réactions dans la communauté universitaire
C’est une bonne initiative qu’un aussi grand nombre de professeurs se soient motivés sur la question, considère Renel Exantus du Sendika Travayè Anseyan Inivèsite Ayiti (Staia), en attendant une position publique officielle.
Depuis 2008, le Staia entreprend toute une série d’activités pour mobiliser la communauté universitaire sur l’augmentation du traitement des professeurs à l’Ueh. [efd kft rc apr 30/08/2013 14:20]