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Haïti : Ref-Culture célèbre la mémoire de Mackandal

Par Jean Wilder Pierresaint

P-au-P., 17 août 2013 [AlterPresse] --- Dans une ambiance de grande convivialité et de retrouvailles entre des figures connues du secteur culturel, Ref-Culture a organisé sa première grande soirée. Baptisée « Mackandal », en hommage à cette figure emblématique de la révolte des esclaves.

L’événement s’est déroulé le mercredi 14 août 2013, date hautement symbolique marquant un tournant dans la révolution haïtienne.

Ref-Culture, nouvel espace culturel lancé le 26 avril 2013, est une initiative de Ronald C.Paul, Kesler Bien-aimé et Daniel Marcelin.

En plus des manifestations culturelles, l’espace offre des consultations aux opérateurs culturels dans leur montage de projets et leur exécution.

En lever de rideau, les principaux responsables de ce nouvel espace – situé au 22, 1re rue Jérémie (Port-au-Prince) – ont pris la parole pour présenter la soirée, le lieu et les différents clubs qui s’y rattachent : lecture, cinéma, musique, patrimoine, nouvelles technologies, design et bien d’autres.

A cette seule présentation, le public s’attendait à vivre une soirée mémorable avec au menu : contes, poésie et musique traditionnelle.

L’univers merveilleux du conte

Il revient aux étudiants - en deuxième année d’études en théâtre au Petit Conservatoire - de nous conduire dans l’univers merveilleux du conte.

Il est déjà 8:00 pm (O:00 gmt le 15 août 2013) quand le premier conteur, Lesly Maxi, flanqué de son mascara, fait son apparition sur la scène.

Dans un décor sobre et devant un public d’initiés, il présente son conte baptisé « Doremiraco », baigné dans un chant aux accents sacrés.

Doremiraco, dont Lesly Maxi est lui-même l’auteur, aborde des thématiques variées, telles que : la sagesse, le respect mutuel, etc.

Le conteur se montre habile. Dans le souci de donner force de présence à ses personnages, le conteur ‘’surjoue’’ légèrement par moment.

En dehors de cet excès, le conteur-comédien est visiblement un talent à suivre.

Quant au conte lui-même, il manque parfois d’un peu de « merveilleux », les personnages décrits revêtent parfois une dimension trop « humaine ».

Sans transition, c’est le tour de la jeune comédienne Katia Saint-Villier de nous emmener à « Les Irois », dans une scène de marché imaginaire.

La conteuse possède une grande énergie et donne beaucoup de vie à ces personnages. Son conte trouve un juste équilibre entre le réel et le merveilleux. Son jeu simple, et sans grand excès a su charmer le public.

Nous pouvons lui prédire une brillante carrière de comédienne et de conteuse, à condition de continuer à peaufiner son art.

Le dernier conte est de Ronald C. Paul. Il a été interprété par quatre étudiants : Esméralda Bidonne, Ricardo Aurevil Pierre, Donel Charles, Herlyne Herastene.

Ce conte est - à mon avis - le plus réussi de tous.

Véritable satire sociopolitique, il est une parodie du totalitarisme de certains hommes de pouvoir qui piétinent les droits fondamentaux de leurs sujets.

Ce conte fait, visiblement, référence à la situation sociopolitique que nous traversons actuellement. Ce dernier tableau s’est révélé rythmé, captivant en raison de la symbiose qui existait entre les conteurs. Cette histoire a profondément marqué l’assistance et nous a révélé des comédiens très talentueux.

Le temps de la convivialité

Fini le moment des spectacles, place à la convivialité.

Daniel Marcelin, comédien et responsable du Petit Conservatoire, jovial, de bonne humeur, annonce la pause rafraichissement.

Pour conserver le symbolisme, que charrie la cérémonie du 14 août, un bouillon traditionnel à été servi au public, dans une ambiance chaleureuse, où se côtoyaient artistes, intellectuels et opérateurs culturels.

Dans le public, on remarquait des figures connues, notamment Anaïse Chavenet, Pierre Manigat Jr, Fritz Deshommes, Faubert Bolivard, Willems Edouard.

C’était un moment de grandes retrouvailles et le public était visiblement satisfait.

Entre deux gorgées de bouillon et de bière, Daniel revient nous annoncer la deuxième partie de la soirée.

Le théâtre laisse la place à la littérature.

C’est Jean Dorcély Dédé, qui présente le « zwing », une sorte de réplique du « Haïku », forme poétique très codifiée d’origine japonaise.

Le « zwing » est un ensemble de poèmes très courts, une forme de satire sociale, qui, par des jeux de mots, dénoncent les tares de la société.

C’est aussi un miroir qui nous renvoie à nous-mêmes, à nos laideurs. Tous les thèmes y sont abordés. C’est un genre populaire, en raison notamment de sa dimension critique.

Georges Wilson : de la musique au conte

Jean Dorcely cède ensuite sa place à Georges Wilson.

Nous sommes dans un univers musical.

La musique est perçue, non pas comme une performance, mais comme une approche didactique.

Son intervention peut être assimilée à une « causerie ». Une « causerie » didactique sous différents rythmes de la musique traditionnelle haïtienne : du Kongo au Nago.

Son approche à été illustrée par deux tambourineurs, dont Kesler Bien-Aimé, sociologue de son état. Musique et conte fusionnaient pour expliquer sa démarche.

Georges Wilson est l’auteur de « kandelab », un recueil de contes et de musiques traditionnelles. Il vit désormais aux États-Unis d’Amérique.

Pendant son passage en Haïti, il a offert différents ateliers sur les chants traditionnels.

Georges Wilson, dit « Moumousse », détient un baccalauréat en interprétation musicale au « City collège » de New York. Sa prestation a été très applaudie par le public. La soirée s’est refermée sur sa généreuse participation. Il était déjà plus de 10:00 pm (2:00 gmt le jeudi 15août 2013).

La « Soirée Patrimoine » a été une réussite, tant par son symbolisme que par l’engouement du public.

La date du 14 août est un choix pertinent.

Le contenu traduit la volonté des organisateurs de consolider la mémoire et sauvegarder l’identité haïtienne.

Cette initiative mérite d’être applaudie dans un contexte de grande précarité en termes d’espace culturel. [w pts gp apr 17/08/2013 12:34]

Cette chronique est produite dans le cadre du programme de production et diffusion d’informations multimédia pour une meilleure appréciation des activités culturelles en Haïti. Il est mis en place par le Groupe Medialternatif et Caracoli, institutions impliquées dans la communication sociale et la promotion culturelle, avec le soutien de la Fondation de France et de la Fondation Culture Création à travers le programme FIL Culture.

Depuis octobre 2012, AlterPresse (agence en ligne du Groupe Médialternatif) et Caracoli éditent un agenda culturel hebdomadaire. Agenda et compte rendu sont adaptés pour alimenter une chronique radio qui est diffusée sur cinq stations : Radio Kiskeya (Ouest), Radio Express et Radio Jacmel Inter (Sud-Est), Radio Paillant Inter et Radio PSG (Nippes, une partie du Sud-Ouest).