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Haïti-Genre : Le programme « ti manman cheri », un obstacle à l’épanouissement des femmes, craint la Sofa

« Avec le programme ti manman cheri, l’État encourage les femmes à avoir beaucoup plus d’enfants..., en excluant toutes celles qui ne sont pas mères. Donc, c’est un État complètement irresponsable »....

P-au-P, 26 juil. 2013 [AlterPresse] --- La coordonnatrice exécutive de la Solidarité des femmes haïtiennes (Sofa, en Créole), Carole Pierre-Paul Jacob, critique le programme dit de protection sociale, baptisé « ti manman cheri »(petite maman chérie), dans une interview accordée à AlterPresse.

Implémenté par l’administration de Martelly, ce programme vise, en gros, à fournir une allocation aux mères. Mais il est loin d’être aussi innocent, selon Carole Pierre-Paul Jacob.

Elle s’inquiète précisément du fait que le programme n’aide qu’en fonction du nombre d’enfants. Plus le nombre d’enfants est élevé, plus l’allocation l’est également.

Aussi, les mères - qui ont un, deux ou trois enfants à l’école - recevront-elles respectivement 400.00, 600.00 ou 800.00 gourdes chaque mois (US $ 1.00 = 44.00 gourdes ; 1 euro = 60.00 gourdes aujourd’hui).

« Par ce programme, l’État encourage les femmes à avoir beaucoup plus d’enfants. Donc, c’est un État complètement irresponsable. Ce programme exclut toutes les femmes qui ne sont pas mères », analyse Carole Pierre Paul Jacob.

Cette manière de faire traduit clairement combien ce gouvernement contribue, significativement, à faire une régression par rapport aux avancées de toutes les luttes que la Sofa a pu mener durant les 25 dernières années, souligne-t-elle.

Ti manman cheri : des messages contradictoires

Paradoxalement, ce programme renvoie deux messages contradictoires vers la société, analyse la Sofa.

D’abord, toutes les femmes doivent être mères. Si une femme n’est pas mère, elle devient complexée. Le fait de n’être pas une mère peut inciter les autres à vous traiter de « mulet » (femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfant).

« C’est un retour au conservatisme extrême », indique-t-elle.

Le second message, c’est que « si une femme n’est pas une mère, elle ne saurait bénéficier de l’aide sociale provenant de l’État, alors que l’État ne devrait pas véhiculer ce genre de discriminations », se plaint-elle.

Par ailleurs, compte tenu du système patriarcal, le mari croit posséder le corps de la femme et, donc, être autorisé à la mettre enceinte autant de fois qu’il le souhaite, ajoute l’organisation féministe.

Carole Pierre-Paul Jacob souhaite des prises de position du coté des citoyennes et citoyens, des organisations sociales, des organisations féminines, pour exiger du président Michel Martelly le respect véritable de ses promesses.

Un programme de déstructuration sociale ?

Lancé le 27 mai 2012, dans la commune de Cité Soleil (périphérie nord de la capitale), le programme ti manman cheri consiste à transférer, régulièrement, de l’argent à des mères de familles vulnérables, ayant de jeunes enfants à l’école.

Ces fonds sont transférés mensuellement, via le service « tchocho mobile », à partir de la compagnie de téléphonie mobile privée Digicel, à condition que les enfants soient inscrits dans une école et s’y rendent régulièrement.

Plusieurs quartiers vulnérables sont retenus dans ce vaste programme, parmi lesquels Bel-Air, Fort National (centre de la capitale), Cité Soleil (périphérie nord) et Carrefour Feuilles (périphérie sud-est).

Trente-deux millions (32 millions) de dollars américains ont été prélevés des fonds Petro-Caribe pour exécuter cinq grands programmes, parmi lesquels figurent « ti manman chéri », qui bénéficie d’un financement de 15 millions de dollars américains.

D’autres programmes dits « sociaux » figurent dans ce montant.

« Panye solidarite » (panier de solidarité, en Français ) bénéficie de 6 millions, le programme de cantine mobile obtient 5 millions, « kore peyizan » (appuyer les paysans, en Français ) a 3 millions, le bon solidarité également 3 millions. [jep kft rc apr 26/07/2013 12:10]