Par Tessa Mars
L’Atelier « Ekriti Sou Tanbou » a présenté ce samedi 20 juillet, et pour la deuxième fois au restaurant Vert Galant du Bois-Verna (centre de Port-au-Prince), « Kò ak Nanm », un spectacle mêlant textes, sketches, chants et numéros de danse. Cette réalisation, le fruit d’une collaboration entre les membres de l’atelier et quelques amis, est riche, variée et distrayante.
P-au-P., 24 juillet 2013 [AlterPresse] --- La scène de petite dimension est montée dans un angle des jardins du Vert Galant, au même niveau qu’une partie de l’assistance. Chaises et tables sont arrangées tout autour de celle-ci. Quelques mètres plus haut, d’autres spectateurs ont une vue plongeante du spectacle depuis la grande galerie entourant le bâtiment principal. Il y a entre trente et quarante spectateurs qui consomment la bière incluse dans le prix du billet d’entrée. À 8h45pm le spectacle est déjà bien entamé, le temps pour le spectateur de prendre ses repères, de trouver la position idéale pour dominer le show, on est plongé au coeur de l’action. Un texte, une chanson, un numéro de danse, et c’est parti !
Un spectacle en morceaux ou des morceaux de spectacle ?
Textes poétiques et chansons, sketches humoristiques, numéros de danse folklorique et moderne alternent par une mécanique bien huilée sur la scène. Un assortiment divers crée des vignettes inattendues et l’on redécouvre certains morceaux de musique presque oubliés, tels Si de Beethovas Obas et Ou te di m de Zèklè. L’enchaînement des différents éléments du spectacle se fait avec célérité et efficacité mais le fil conducteur ayant guidé leur sélection n’est pas cohérent. Le mieux est d’apprécier ce qui vient, quand il vient, sans se poser de questions. Il est à noter tout de même la place importante accordée au thème de l’amour, sous toutes ses formes.
La transition d’un morceau à un autre est un élément auquel a été accordé une attention particulière et l’on sent le travail accompli en répétition. On s’interroge toutefois sur certaines décisions du metteur en scène qui choisit d’introduire un personnage en plein milieu d’une vignette alors qu’il n’interviendra que dans la suivante, ce qui distrait le spectateur de l’action en cours. On ne peut que déplorer l’absence de coulisses à l’arrière de la scène qui auraient sans doute permis de meilleures entrées en scène des comédiens. Une autre raison d’applaudir ces jeunes comédiens qui ont quand même réussi un tour de force avec des moyens techniques très limités.
Un potentiel évident
Si les mécanismes du spectacle laissent à désirer, la performance des acteurs en elle même est digne d’attention. Les chanteurs, danseurs et comédiens sont confortables sur la scène et dans leurs rôles.
Les voix sont distinctives, pleines d’émotion, bien que le système son n’ait pas été à la hauteur et n’ait pas mis en valeur le potentiel de ces voix. À souligner malgré cela la reprise du fameux Ayiti se de Mikaben, à notre avis beaucoup mieux interprété que l’original.
Les chorégraphies sans être particulièrement innovantes étaient bien pensées et fraîches. Bien exécutées dans les limites de la scène beaucoup trop petite pour permettre le déploiement des danseurs et l’aboutissement des gestes pensés pour un espace beaucoup plus grand. On ne peut qu’applaudir l’adresse que les acteurs et danseurs ont dû déployer pour éviter des collisions dans le feu de l’action. Un numéro d’intérêt a été un duo de danse mixte interprété au rythme d’un texte dit par un des acteurs. L’adresse physique de ces jeunes danseurs s’est particulièrement fait remarquer dans ce numéro aérien présentant beaucoup de « portés » de la femme par l’homme.
Certains acteurs sont plus rodés que d’autres mais dialogues et monologues ont été dits avec aplomb, sans aucune omission. Les textes en créole étaient toutefois mieux rendus tandis que les dialogues en français mériteraient plus de travail. On souligne la performance extraordinaire de conviction et de pathos de Ketsia V. Alphonse dans le rôle d’une mère cherchant ses enfants morts.
Vue d’ensemble
Le spectacle très long, s’est fait en deux parties. La première d’environ une heure à été suivie d’une pause de dix minute durant laquelle un diaporama montrant une répétition de l’Atelier Ekriti Sou Tanbou a été projeté. Puis à 9h45pm, la deuxième partie de quarante-cinq minutes a commencé. Une nette impression de changement de régime se dégageait entre les deux parties. La deuxième comptait en effet les moments les plus forts de la soirée dont le monologue poignant mentionné ci-dessus, mais aussi en début de seconde partie un sketch sur l’église, ponctué de cantiques familiers, vibrant d’humour et de bonne humeur, moquant gentiment, pasteurs, fidèles et loup garou... Un moment chaudement applaudi par l’assistance.
Tout au long de la soirée, les vignettes ont défilé sur la scène et les acteurs et actrices se sont parfois mêlés au public qui a été interpelé et inclus dans la narration à certains moments. L’atmosphère générale était d’appréciation et de gaité. On déplore toutefois l’absence d’un document listant les textes choisis, les morceaux de musique et le nom des acteurs qui les interprètent. La brochure présentant rapidement la troupe avec photos et noms des différents chanteurs, danseurs et comédiens était plutôt économe d’informations. Difficile tout de même de se rappeler ce qui a eu lieu d’abord et qui a fait quoi et quand. L’amateur reconnaîtra ou pas un texte de Carl Brouard, il se questionnera sur la possibilité d’un moment d’improvisation ou pas.
L’Atelier Ekriti Sou Tanbou existe depuis plus d’un an et cette production est leur plus importante à date. On sent l’énergie amenée par cette jeune formation, le désir de bien faire et d’apporter de la nouveauté à la scène haïtienne. Le potentiel de ce spectacle de variété est important, il demande toutefois de meilleurs conditions de réalisation, une scène adéquate, un système son plus performant.
Le spectacle est divertissant. Il aurait toutefois intérêt à être allégé avec une sélection des morceaux les plus réussis pour créer un rythme un peu moins soutenu. Le spectateur est sorti du spectacle avec une sensation de trop-plein. Mais on applaudit l’initiative en attendant une nouvelle performance du groupe.
Membres et amis de l’atelier : Rolando Simbert, Ketsia V. Alphonse, Kenny Laguerre, Madeline Pierre, Dackenley Clermont, Wadline Therasse, Eddynhio Jean/ Hadler Chery, Samantha Normil, Steeven Theo, Hemerson Maurissaint, Asaphe Jean Louis, Mackenson Brutus/Pinas Alcera, Pascal Joseph, Samuel Elvétus/ Dickens Princivil et Musiphotar. [tm pj gp apr 24/07/2013 22 :00]
Cette chronique est produite dans le cadre du programme de production et diffusion d’informations multimédia pour une meilleure appréciation des activités culturelles en Haïti. Il est mis en place par le Groupe Medialternatif et Caracoli, institutions impliquées dans la communication sociale et la promotion culturelle, avec le soutien de la Fondation de France et de la Fondation Culture Création à travers le programme FIL Culture.
Depuis octobre 2012, AlterPresse (agence en ligne du Groupe Médialternatif) et Caracoli éditent un agenda culturel hebdomadaire. Agenda et compte rendu sont adaptés pour alimenter une chronique radio qui est diffusée sur cinq stations : Radio Kiskeya (Ouest), Radio Express et Radio Jacmel Inter (Sud-est), Radio Paillant Inter et Radio PSG (Nippes).