P-au-P, 15 juil. 2013 [AlterPresse] --- La mort soudaine, dans la soirée du samedi 13 juillet 2013, du juge Jean Serge Joseph (né le 10 mars 1955 à l’Estère / Artibonite), enquêtant sur un dossier de corruption chez la famille du président Joseph Michel Martelly, amène un défilé d’accusations, de révélations et de démentis dans la presse, observe l’agence en ligne AlterPresse.
Le magistrat a succombé à un accident vasculaire cérébral (Avc), le samedi 13 juillet 2013 à 20:00 heures locales (0:00 gmt le dimanche 14 juillet 2013), après son admission aux environs de 3:00 am (7:00 gmt) le même jour, selon les déclarations des médecins Vincent Degennaro et Richard Thorpe, respectivement administrateur et médecin en chef des urgences de l’hôpital Bernard Mevs à Port-au-Prince.
En attendant l’autopsie du cadavre, les médecins ont, quand même, précisé que le diabète, le cholestérol, l’hypertension et le stress aigu peuvent conduire à un Avc.
Le juge Jean Serge Joseph n’aurait souffert d’aucune maladie cardiovasculaire, susceptible d’occasionner un Avc, suivant les précisions apportées par son médecin traitant aux Gonaives, rapporte à la presse Me. Samuel Madistin qui était accouru, au chevet de son ami de la basoche, à l’hôpital Bernard Mews, dans la matinée du samedi 13 juillet.
Les pressions de l’exécutif, causes véritables de la mort ?
Me. André Michel, l’un des avocats du citoyen plaignant Enold Florestal, n’a pas hésité à qualifier la mort du juge Joseph d’ « assassinat » de l’exécutif, qui voulait, à tout prix, que le magistrat fasse marche arrière sur sa décision, ordonnant au président Martelly de mettre, à disposition de la justice, certains grands fonctionnaires, tels le premier ministre Laurent Salvador Lamothe, le ministre des finances Wilson Laleau, la ministre des sports Magalie Racine, le gouverneur de la banque centrale Charles Castel, entre autres.
Le juge Jean Serge Joseph « fait face à une vague de pression, orchestrée par le président Martelly et le premier ministre Lamothe », informait l’avocat Newton St Juste, dans une note, intitulée « État de droit rose » et transmise le 13 juillet à AlterPresse, à 14:23 locales (18:23 gmt).
« Reprendre l’audition de l’affaire et fermer immédiatement le dossier : tels sont les ordres du président de la république et du premier ministre à ce Grand Juge, malgré les recours en appel exercés par le parquet et la famille présidentielle pour les torts et griefs que leur cause sa décision du 2 juillet 2013 », lit-on dans la note.
« Sans aucun doute, le juge (Jean Serge Joseph) a été soumis à une interrogation morale de la part du président de la république. Sa mort n’en serait que la résultante », déclare à AlterPresse le juge Durin Duret, président de l’Association nationale des magistrats haïtiens (Anamah), s’appuyant sur des informations que l’avocat Samuel Madistin lui a confiées.
Pour le numéro 1 de l’Anamah, « il s’agirait d’un meurtre ».
« Puisqu’on voulait, à tout prix, que le juge laisse tomber ce dossier, eh bien, sa mort a exaucé le vœu des concernés », continue Duret qui se dit consterné et abattu par la nouvelle du décès du juge Jean Serge Joseph.
Le juge Jean Serge Joseph a fait part à Me. Samuel Madistin – en présence d’autres personnes, dont des juges d’instruction – de la teneur des réunions, les mercredi 10 et jeudi 11 juillet 2013, d’abord avec un conseiller juridique du bureau du premier ministre, puis avec les deux têtes de l’exécutif au cabinet de Louis Gary Lissade, aux fins de faire retrait de sa décision en une séance publique unique, le mardi 16 juillet 2013, confirme à AlterPresse Me. Madistin.
Démenti du cabinet Lissade, de la présidence et du ministère de la justice !
Le cabinet Lissade a émis une note, dans laquelle il dément la tenue de cette réunion en son local.
Les déclarations de Me. Madistin sont qualifiées de « mensongères », dans cette note.
« Ni le président, ni le premier ministre n’ont jamais participé à une quelconque rencontre avec le magistrat [Jean] Serge [Joseph]. Je peux l’affirmer sans crainte d’être contredit », indique, pour sa part, le ministre de la justice, Jean Renel Sanon.
Se disant touché de la disparition du juge pour l’avoir pratiqué, le ministre Sanon met en garde contre « l’utilisation du cadavre, encore chaud du magistrat, à des fins politiciennes ».
« Je pense qu’il n’y a pas toutes ces complications dans cette mort. Être magistrat, ministre de la justice, président [de la république], etc. ne confère pas l’immortalité, peut-être l’immortalité de l’âme. Tout le monde peut mourir », estime Sanon, d’un ton stoïque et froid, sur les ondes de la station privée Radio Caraïbes.
En apportant un démenti formel aux accusations portées contre la présidence, son porte-parole, Lucien Jura, se questionne, sur la station privée Radio Magik 9, sur les « intérêts et la motivation » des allégations.
Le mardi 2 juillet 2013, le juge a fait injonction à la présidence d’autoriser la comparution, à titre de témoins, du premier ministre Lamothe et d’autres membres du gouvernement, dans le cadre du traitement de la plainte déposée contre l’épouse (Sophia Saint-Rémy) et l’un des fils (Olivier Martelly) du président pour corruption et usurpation de fonction.
Les avocats du citoyen Florestal - qui a porté plainte - ont dénoncé des intimidations de l’exécutif sur leur client, par l’entremise d’hommes armés dont un ancien directeur de la police nationale d’Haïti (Pnh).
En plus des circonstances troublantes, le décès du juge Jean Serge Joseph soulève des interrogations sur le suivi qui sera donné par le décanat du tribunal civil de Port-au-Prince, à ce dossier de corruption contre des membres de la famille du président.
Le doyen du tribunal civil de la capitale, Raymond Jean Michel, aurait également subi des menaces de l’exécutif, selon les propos du juge Jean Serge Joseph rapportés par Me. Samuel Madistin.
Me. Madistin annonce son intention de faire incessamment une dénonciation formelle au parquet du tribunal civil de Port-au-Prince, sur la « mort suspecte » du juge Jean Serge Joseph.
Au moins un autre avocat du barreau de Port-au-Prince est au courant des pressions et menaces de l’exécutif, dont a été l’objet le juge Joseph.
Jusqu’au moment de mettre en ligne, AlterPresse a essayé, en vain, d’avoir des précisions de cet avocat, qui ne peut pas être atteint.
Quel sera le profil du magistrat qui prendra la suite, en octobre 2013, après les débats à la cour d’appel de Port-au-Prince, sur l’appel interjeté par le ministère public (le parquet) de la décision du défunt juge ? [efd kft rc apr 15/07/2013 10:40]