P-au-P., 22 juin. 04 [AlterPresse] --- Vendredi 18 juin 2004, des journalistes aperçoivent un enfant comme dépaysé dans un espace inconnu. A quelques mètres plus loin, la même désolation se lit sur les visages d’autres gamins regardant leurs parents raconter leurs
déboires.
Nous sommes à Mapou, au sud-Est d’Haïti. C’est l’une des localités dévastées
par les inondations provoquées par les pluies diluviennes qui se sont
abattues sur plusieurs régions de l’île Hispaniola du 23 au 24 mai dernier.
Mimose Pierre Louis, une paysanne, dit avoir tout perdu et être réduite à la
mendicité.
Ces paroles de dénuement sont sur toutes les lèvres à Mapou. Le désarroi des
familles s’amplifie face à la lenteur des secours.
Fortunise, une paysanne de « Kadidye », un petit quartier de Mapou, dit
avoir eu vent de grands mouvements de solidarité au profit des sinistrés du
sud-est. Mais elle, elle n’a pas reçu grand chose. « L’aide est mal
distribuée », affirme-t-elle, tout en criant au secours.
Chacun a une histoire à raconter, les unes plus poignantes que les autres.
Ronald Jean est un rescapé. Il n’a eu son salut qu’à un tronc d’arbre qui
lui a servi de bouée de sauvetage au moment des crues.
Et dire que le cauchemar n’est pas terminé. Les habitants de Mapou sont sur
le qui-vive chaque fois qu’une pluie s’annonce. Ils doivent se réfugier sur
les collines avoisinantes.
N’est pas non plus achevé le décompte des victimes. Les témoignages pleuvent
sur de nouveaux corps découverts ça et là .
Josaphat, un paysan de Orali, un des quartiers sinistrés de Mapou, montre
aux journalistes une maisonnette à moitié enfouie qui « pue ». « Des corps
doivent probablement s’y trouver », pense-t-il.
Sur le toit de cette « maison » se trouve juché un sac de charbon. Josaphat
explique que le sac avait été entraîné par les eaux en furie, lesquelles
avaient couvert totalement la maison.
Le cri de Mapou semble avoir été entendu. Une délégation du programme
alimentaire mondial (PAM) était attendue ce 23 juin dans cette localité
sinistrée pour venir en aide aux familles dans le besoin.
Comme après chaque catastrophe naturelle majeure - pourtant prévisible en
raison de la détérioration accélérée de l’environnement d’Haïti - l’émotion
était à son comble et les déclarations de bonnes intentions affluaient de
toutes parts, au niveau des acteurs nationaux et internationaux, dans les
deux premières semaines ayant suivi les inondations meurtrières du mois de
mai.
Mais suivant la logique d’une maxime créole bien connue en Haïti « Lèt la
monte, apre l desann » (traduction littérale : le lait monte, puis descend),
l’intérêt pour le dossier des victimes des inondations commençait à
s’estomper.
C’est pour remettre le dossier à l’ordre du jour des préoccupations de
l’heure que la secrétairerie d’Etat de l’environnement a invité plusieurs
médias haïtiens à l’accompagner dans une visite d’exploration et de
sensibilisation dans les zones sinistrées, du 17 au 20 juin 2004.
Les journalistes ont pu également visiter à l’occasion Jimani, à la
frontière, du côté de la République Dominicaine qui partage avec Haïti l’île
Hispaniola.
Là aussi, les traces des effets des récentes intempéries sont encore
visibles. Des espaces naguère habités ont été littéralement dévastés.
Sur ces espaces devenus des terrains vagues, on a pu constater plusieurs
compatriotes (haïtiens) venus à pied de Fonds Verrettes (Ouest d’Haïti),
autre ville sinistrée. Ils voulaient voir si leurs parents qui habitaient
Jimani étaient encore en vie.
A Jimani, on compte certes parmi les victimes des inondations des
dominicains, mais aussi et surtout des haïtiens qui habitaient cette zone
frontalière ou y menaient des activités commerciales.
Une image qui a bouleversé les journalistes à Jimani, c’est celle de cette
vielle dame, une haïtienne, assise sur une pierre, sur les ruines d’un
cimetière, la main droite à la mâchoire et les yeux hagards. Elle racontait
que ses proches s’en étaient allés (vers l’au-delà )...neveu, nièce, des amis
d’enfance qui marchaient dans la même église qu’elle, etc. [vs apr 22/06/2004 13:00]