Par Tessa Mars
P-au-P., 11 juin 2013 [AlterPresse] --- Samedi 8 juin 2013, 9:00 pm (1:00 gmt le dimanche 9 juin), soirée inaugurale des Jardins du Café Organic avec Ju Kann à l’affiche. Cinq cents gourdes l’entrée.
C’est une soirée dansante rétro. Nous arrivons à 9:45 pm.
L’espace, où se tient la soirée, est un jardin bien clôturé, adjoint à un restaurant. On accède directement à une piste de danse en bois près de la scène, elle-même entourée de tables rondes et rectangulaires.
Le bar est au fond, et le tout est recouvert d’une structure métallique, coiffée d’une toiture en tôle. Quelques plantes en pots forment un écran vert dans le background.
Il y a déjà, à cette heure, un public assez important : au premier regard, la moyenne d’âge se situe autour de 50 ans.
Des visages familiers sont attablés, je reconnais des parents d’anciens camarades de classe, certains sont venus en couple et s’assoient seuls comme de vieux amoureux qui n’ont plus besoin de se parler.
Une bonne partie des participantes et participants forme un groupe d’amis qui discutent, commandent et boivent, sans prêter trop d’attention au duo musical jouant en première partie de soirée.
Joli Mizik, avec les musiciens Lili et Joseph, saxophone et clavier. La musique est agréable, sans plus.
Le public attend patiemment Ju Kann.
Nous sommes conduits à une table, avec une bonne vue de la scène et de la piste, table numéro 39.
Un petit panier, tapissé de feuilles de banane et de trois boules de condiments - maïs, riz et pois - constitue le centre de table et nous laisse perplexes.
Le menu, ce soir, est un spécial “events night menu”. La Prestige à 4 dollars américains, le verre de 3 étoiles à 5 dollars (toujours américains), le rhum punch à 6 dollars (idem). Le Mojito à 7 dollars (même amour) n’est toutefois pas disponible.
Malheureusement, le taux du jour (ce serait plutôt le taux de la nuit) est de 50.00 gourdes pour le dollar américain et il faut que le client lui-même calcule sa note (on remerciera le restaurateur de son souci de maintenir nos méninges en santé).
Joli Mizik termine son intro, place à Ju Kann qui fait ses réglages sons, sur les mesures du célèbre ’Bésame mucho’.
Frissons chez les aînés.
Dès les premières notes, le public applaudit chaleureusement.
L’excitation monte, les nostalgies et l’alcool aidant. Quelques trentenaires débarquent in extremis pour attraper le premier morceau, la moyenne rajeunit un tant soit peu.
Après une dizaine de minutes, la soirée, à proprement parler, commence et la fin est annoncée pour 5 heures du matin. On verra…
J’ai découvert Ju Kann un peu par hasard, en explorant les CD de musique de ma tante. Le nom m’ayant intriguée, j’ai écouté l’album ‘Papa rétro’ et, pour mon grand bonheur, j’ai pu apprécier des morceaux de musique pour la plupart inconnus de moi, mais qui m’ont tout de suite touchée, une célébration de la vie haïtienne d’une autre époque.
Depuis lors, le groupe est de tous mes voyages, et rien ne me met plus dans le bon état d’esprit pour revenir en Haïti que de l’écouter.
Je savais donc, plus ou moins, à quoi m’attendre samedi dernier, et l’assemblée aussi.
Dès le premier morceau, les danseurs envahissent la piste et il en sera de même pour chaque exécution du groupe.
La piste ne désemplit pas. Les vieux couples dansent avec familiarité et adresse sur des refrains connus.
Têtes à têtes, corps collés, ils réinventent le compas. Tropicana, Septentrional, Jazz de jeunes, Malavoi ...
Certains couples dansent toutes les musiques. Beaucoup de chaleur, de fous rires, de sourires partagés, même quand la musique s’interrompt... .
Deux coupures avant minuit, l’origine du problème est inconnue des participants, quoique les spéculations abondent. Les interruptions sont de courtes durées, pas plus de cinq minutes chacune, le temps pour les danseurs de se réhydrater, pour les danseuses de se repoudrer le nez, avant de repartir de plus belle.
Il faut souligner qu’entre chaque morceau, il y a un temps mort, même sans panne, et que l’on est toujours un peu surpris, lorsque les musiciens débutent le suivant.
Un petit tour sur la piste.
Les huit musiciens du groupe semblent bien rodés à leur métier : deux guitares électriques, une basse, une batterie et un clavier, un saxophone, un tambour et un chanteur qui joue des maracas.
Leur maîtrise de leur répertoire se ressent, et, s’ils semblent quelque peu absents parfois, l’esprit ailleurs, la musique garde tout son entrain. Ils lancent, tous, tout de même parfois, des regards appréciateurs aux danseurs.
À partir de minuit, certains participants commencent déjà à s’en aller, mais, malgré l’éclaircie, des 60 à 70 participants qui ont débuté la soirée, il reste toujours plus de la moitié à 1:00 am, les irréductibles.
Un dernier verre et un dernier tour de l’espace. Les lampadaires et les torches au sol ont été éteints, afin de créer une ambiance plus intime, les corps sont un peu plus déliés sur la piste.
Il y a un escalier en pierres, qui mène maintenant dans une arrière-cour dans le noir, les toilettes kòmè sont propres, sinon quelque peu étroites.
Ouf ! Il y a encore des clients attablés au restaurant Café Organic, qui ne sont pas venus assister à la soirée, mais qui écoutent la musique sans façon.
Départ à 1:00 am, l’opinion est partagée.
Le lieu en lui-même n’est pas spectaculaire, la décoration non plus.
Le jardin est une cour qui a été arrangée afin de recevoir une fête et des invités.
Il y a une impression de “pas fini”, mais, si l’espace n’est pas particulièrement plaisant, il est propre, on peut apprécier l’effort réalisé, et il n’est pas désagréable non plus.
Côté bourse, le coût de la soirée est plus déplaisant, et, si l’on a pris l’habitude des prix en dollars américains à Port-au-Prince, la surprise autour de la facture totale n’est jamais bienvenue, ni le flou autour du coût en gourdes, ni l’inhabilité des serveurs à répondre aux questions.
Pour une soirée à sec – entendez sans alcool -, prévoyez au minimum 500.00 gourdes pour gazeuses et un morceau à grignoter, en plus du prix d’entrée.
Côté animation, les problèmes de sono pouvaient agacer un peu, mais, coupures mises à part, la musique était entraînante et chaude, les rythmes variés. En témoignent les danseurs essoufflés et radieux.
La voix du chanteur venait tout droit des années 1970, un plus pour une soirée rétro.
La soirée était à la danse, danse, danse et, s’il est agréable d’écouter Ju Kann, on peut en ressortir frustrée, si mal ou pas du tout accompagnée. Le groupe de quatre filles, attablées au fond de la salle, pourrait en dire long !
Faire tapisserie, alors que les granmoun s’éclatent, un peu frustrant quand même.
Alors, à bon cavaliers, salut ! [tm pj gp apr 11/06/2013 12 :00]
………
Ce compte-rendu est produit dans le cadre du programme de production et diffusion d’informations multimédia pour une meilleure appréciation des activités culturelles en Haïti. Il est mis en place le Groupe Medialternatif et Caracoli, institutions impliquées dans la communication sociale et la promotion culturelle, avec le soutien de la Fondation de France et de la Fondation Culture Création à travers le programme FIL Culture.
Depuis octobre 2012, AlterPresse (agence en ligne du Groupe Médialternatif) et Caracoli éditent un agenda culturel hebdomadaire. Agenda et compte rendu sont adaptés pour alimenter une chronique radio qui est diffusée sur cinq stations : Radio Kiskeya (Ouest), Radio Express et Radio Jacmel Inter (Sud-est), Radio Paillant Inter et Radio PSG (Nippes).