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CNUCED / Castro : " Le commerce international n’a pas été un instrument de développement des pays pauvres "

P-au-P., 20 juin 04 [AlterPresse] --- La 11ème Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) a pris fin ce 18 juin à Sao Paolo, au Brésil. C’est une session dont on se souviendra, pour avoir traduit en termes pratiques la « nouvelle géographie commerciale », a estimé le ministre des affaires étrangères brésilien, Celso Amorim.

Cette session a mis en exergue le poids du Brésil, de la Chine et de l’Inde, nouveaux pays industrialisés qui pourraient même être invités bientôt à rejoindre le groupe des 8 pays les plus riches du monde.

La CNUCED (192 Etats membres) est la principale institution du système des Nations Unies pour le traitement intégré des questions relatives au commerce, au financement, à l’investissement et à la technologie.

« La triste réalité est que le monde aujourd’hui est plus inégal qu’il y a 40 ans », a declaré le 14 juin le Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan, devant les ministres du Groupe des 77, la plus grande coalition de pays en développement au sein de l’ONU, qui célébrait son quarantième anniversaire, à la veille de la 11ème CNUCED.

Le Secrétaire général a notamment expliqué cette situation par les problèmes occasionnés par la dette, la dépendance des biens de première nécessité, le manque d’accès aux marchés des pays développés. « Si ces années nous ont appris quelque chose, c’est que les opportunités de développement doivent être plus équitablement distribuées », a-t-il ajouté. Le Secrétaire général a souligné la nécessité d’établir un « véritable partenariat » entre les pays développés et en développement.

Le constat dressé par le Président cubain Fidel Castro, qui a adressé un message écrit à la CNUCED a dressé un tableau encore plus sombre, mais a exprimé l’espoir qu’ « un monde meilleur est possible ». AlterPresse reprend des extraits de ce message :

« La CNUCED, organisation crée il y a quarante ans, était une noble tentative du monde sous-développé pour instaurer au sein des Nations unies, moyennant un commerce international rationnel et juste, un instrument qui satisferait les aspirations de progrès et de développement. [Â…]

Aujourd’hui le terrible fléau de l’échange inégal est à peine mentionné dans les discours et les conférences.

Le commerce international n’a pas été un instrument pour le développement des pays pauvres, bien qu’ils constituent l’immense majorité de l’humanité.

Pour quatre-vingt six d’entre eux, les produits de base représentent plus de la moitié de leurs recettes d’exportation. Le pouvoir d’achat de ces produits, sauf le pétrole, est à présent moins du tiers de ce qu’il était au moment de la création de la CNUCED.
Bien que les chiffres se répètent et sont parfois ennuyeux, souvent nous n’avons pas d’autre choix que d’utiliser ce langage éloquent et irremplaçable.

• Les pays pauvres concentrent 85 p. 100 de la population mondiale, mais leur part au commerce international n’est que de 25 p. 100.

• La dette extérieure de ces pays en 1964, lorsque cette Institution des Nations unies est née, était d’environ 50 milliards de dollars. Aujourd’hui elle atteint le chiffre de 2,6 millions de millions.

• De 1982 au 2003, c’est à dire en vingt et un ans, le monde a payé 5,4 millions de millions de dollars au titre du service de la dette, ce qui veut dire que la dette actuelle a été doublement épongée aux pays riches.

On a promis aux pays pauvres une aide au développement et que l’abîme entre riches et pauvres se réduirait petit à petit, l’on leur a même promis que l’aide monterait à 0,7 p. 100 du dit PIB des pays économiquement développés. Si tel aurait été le cas, celle-ci serait actuellement d’environ 175 milliards de dollars par an.

Les pays du tiers monde ont reçu 54 milliards de dollars en 2003 en Aide publique au développement. Cette même année, les pays pauvres ont payé aux riches 436 milliards de dollars au titre du service de la dette. Les Etats Unis, - le plus riche -, c’est le moins qui a respecter l’engagement, puisqu’il n’a destiné que 0,1 p. 100 de son PIB à cette aide. Nous n’en tenons pas compte des sommes énormes qui leurs ont été arrachées comme conséquence de l’échange inégal.

En plus, les pays riches dépensent chaque année plus de 300 milliards de dollars pour des subventions afin d’empêcher l’accès des exportations des pays pauvres à leurs marchés. [Â…]

à€ ces formes de pillages viennent s’ajouter d’autres : l’exploitation grossière de la main d’oeuvre bon marché avec les maquilas, qui s’installent et partent à la vitesse de la lumière, la spéculation des monnaies au rythme de millions des millions de dollars par jour, le commerce d’armes, l’appropriation des biens du patrimoine national, l’invasion culturelle et biens d’autres actions de pillage et de vol impossible de citer. [Â…]

L’argent du monde entier fuit vers les Etats Unis pour se protéger de l’instabilité monétaire et de la fièvre spéculative qu’engendre le propre ordre économique. [Â…]

• S’il y a vingt cinq ans 500 millions de personnes souffraient de faim, maintenant il y en a 800 millions.

• Dans les pays pauvres 150 millions d’enfants n’ont pas le poids requis à la naissance, ce qui augmente les risques de mort et de sous-développement mentale et physique.

• Il y a 325 millions d’enfants qui ne vont pas à l’école.

• La mortalité enfantile dans la première année de vie est douze fois supérieure à celle des pays riches.

• 33 mille enfants meurent chaque jour dans le tiers monde à cause des maladies guérissables.

• 2 millions de fillettes sont obligées de pratiquer la prostitution.

• 85 p. 100 de la population du monde, constituée par des pays pauvres, ne consomme que 30 p. 100 de l’énergie, 25 p. 100 de métaux et 15 p. 100 de bois.

• Il y a des milliers d’analphabètes absolus ou fonctionnels qui vivent dans la planète.

Comment les leaders de l’impérialisme et ceux qui partagent avec lui le pillage du monde, peuvent-ils parler de droits de l’homme, ni mentionner les termes liberté et démocratie dans un monde si brutalement exploité ?

Ce qui est pratiqué contre l’humanité est un crime permanent de génocide. Chaque année meurent - par manque d’aliments, de soins médicaux et faute de médicaments- autant d’enfants, de mères, d’adolescents et de jeunes et adultes que l’on pourrait sauver ; que ceux qui sont morts pendant n’importe lesquelles des deux guerres mondiales. [Â…]

L’humanité, après des dizaines de milliers d’années, a atteint à cette minute et presque subitement, - dont le chiffre a plus que doublé, étant donné le rythme accéléré des derniers quarante cinq ans - les 6,350 milliards d’habitants. Ils doivent être habillés, chaussés, nourris, logés et éduqués. Ils seront presque inévitablement 10 milliards dans cinquante ans à peine. Pour cette datte on n’aura plus les réserves de combustible prouvées ou prouvables que la planète a mis 300 millions d’années à créer. Elles auraient été émises à l’atmosphère, versées dans les eaux et les sols accompagnées d’autres produits chimiques polluants.

Le système impérialiste qui règne aujourd’hui, vers lequel la société capitaliste développée a inévitablement évoluée, a atteint un niveau économique global et néolibéral si impitoyablement irrationnel et injuste, qu’il s’avère insoutenable et contre lequel les peuples vont se révolter, ils ont déjà commencé à le faire. [Â…]

Cette évolution a entraîné, d’une manière également inévitable dans les bases et normes qui régulent le système régnant, les soi-disant sociétés de consommation. [Â…]

Ces conditions n’ont pas été les plus favorables pour l’apparition et l’épanouissement dans les pays riches et puissants, des leaders compétents et responsables, dotés des connaissances et des principes politiques et éthiques que ce monde extrêmement complexe demande. On n’en peut pas les responsabiliser, car ils sont eux mêmes résultat et à la fois instrument aveugle de cette évolution. Est-ce qu’ils seront en capacité de gérer avec responsabilité les situations politiques extrêmement compliquées qu’apparaissent de plus en plus dans le monde ?

[Â…]

Pour la première fois dans l’histoire l’homme aurait créé le potentiel technique pour son autodestruction totale. Par contre, il n’a pas été en capacité de créer le minimum de garanties pour la sécurité et l’intégrité de tous les pays sur le même pied d’égalité.

[Â…]

Le prestige des Nations unies est en train d’être miné jusqu’aux assises. Loin d’être améliorée et démocratisée, l’Institution est devenu un instrument que la toute puissance et ses alliés prétendent utiliser uniquement pour masquer ses aventures de guerres et des crimes effroyables contre les droits les plus chers des peuples.

[Â…]

Les peuples seront impossibles à gouverner. Il n’y a pas de méthodes répressives, de tortures, de disparitions physiques ni d’assassinats en masse qui puissent l’empêcher. Et dans la lutte pour la survie, pour celle de ses enfants et des enfants de ses enfants, seront non seulement les affamés du tiers monde ; mais aussi toutes les personnes conscientes du monde riche, des travailleurs manuels ou des intellectuels.

De cette crise inévitable, plus tôt que tard, surgiront des penseurs, des guides, des organisations sociales et politiques les plus diverses qui déploieront de gros efforts pour préserver l’espèce. Tous les cours d’eau s’uniront vers une seule direction pour effacer les obstacles.

Semons des idées et toutes les armes créées par cette civilisation barbare seront de trop. Semons des idées et nous pourrons éviter la destruction irrémédiable de notre environnement naturel de vie.

L’on pourrait se demander, s’il n’est pas trop tard. Je suis optimiste et je répondrai que non, et je partage l’espoir qu’un monde meilleur est possible. »

[gp apr 20/06/2004 18:00]