P-au-P, 05 juin 2013 [AlterPresse] --- L’assemblée des sénateurs est sortie insatisfaite, le mardi 5 juin, de la confrontation, pendant plus de dix heures d’horloge, avec le premier ministre Laurent Salvador Lamothe et quelques membres de son gouvernement, a observé l’agence en ligne AlterPresse.
Les sénateurs souhaitaient obtenir des précisions sur les fonds décaissés durant la période dite de « l’État d’urgence », ayant suivi le passage du cyclone Sandy fin 2012, et sur des projets qui ont stoppé sans motif.
Sur tous les aspects, le gouvernement de Laurent Lamothe a eu des difficultés à apporter des arguments convaincants pour apaiser l’ardeur et la colère des sénateurs, assoiffés de réponse concernant des points qui leur paraissaient obscurs dans leurs communes ou dans leurs départements.
Alors que le sénateur Jean-Charles Moïse s’apprêtait à lire une résolution, sollicitant une interpellation du premier ministre et de plusieurs membres de son gouvernement, le président du sénat Dieuseul Simon Desras a, à la surprise générale, mis fin à la séance, provoquant le mécontentement des sénateurs convocateurs.
Des sénateurs étaient en train de demander à Desras de consulter l’assemblée sur la confrontation avec le gouvernement, quand le président du grand corps a, brusquement, tranché « la séance est levée ».
Desras venait de donner la parole à Lamothe pour des mots de conclusion qui n’ont eu rien à voir, ni avec la teneur des échanges avec les sénateurs, ni avec les observations et conclusions devant être tirées de la confrontation.
Globalement, rien n’est encore clair sur les actions véritablement posées au titre de « l’État d’urgence ». Aucune transparence sur les dépenses faites n’est décelée.
Le gouvernement a plutôt fait étalage d’une série de projets en cours ou envisagés, sans donner un rapport véritable des actions engagées dans le cadre de l’état d’urgence (en guise de suivi aux dégâts enregistrés pendant le passage du cyclone Sandy, de réfection d’infrastructures endommagées, entre autres), a relevé le sénateur Jocelerme Privert.
Aujourd’hui, en cas de nouvelles intempéries, le pays risque de connaître des réalités difficiles et des situations de vulnérabilité encore plus dramatiques, vu qu’aucune action de prévention n’a véritablement été entamée depuis la fin de 2012, craignent plusieurs sénateurs.
A travers ses commissions spécifiques, le sénat va poursuivre des investigations, notamment au ministère de l’intérieur sur différentes questions restées pendantes et non éclaircies pendant la séance de convocation du gouvernement.
Le gouvernement Lamothe s’est également arrogé le droit de désaffecter des fonds votés par le parlement pour les orienter ailleurs, sans l’aval des députés et sénateurs, au mépris des normes budgétaires.
Ce qui fait dire aux sénateurs que le pays est en face d’ « un gouvernement hors normes ».
Beaucoup des membres de l’actuel gouvernement ne devraient pas s’attendre à obtenir décharge de leur gestion, tant les suspicions de « détournement de fonds » et de « non respect des normes administratives » sont patentes, prévient le sénateur Franky Exius (Sud).
Plusieurs contrats ont été signés de gré à gré par le gouvernement Lamothe, entre autres irrégularités administratives relevées durant la séance de convocation.
Déclarant « être totalement insatisfait », le sénateur de l’Artibonite, François Annick Joseph, accuse le gouvernement de Laurent Lamothe de « blanchiment d’argent ».
Apportant des précisions concernant les fonds débloqués, le premier ministre a déclaré que « les dégâts ont été estimés à un montant astronomique de 70 milliards de gourdes [Us $ 1.00 = 44.00 gourdes ; 1 euro = 60.00 gourdes], soit 15% du Produit intérieur brut (Pib). L’économie haïtienne a été ravagée, l’industrie, l’agriculture, le commerce, ont été sévèrement affectés ».
Sur les cinq milliards de gourdes au titre de crédits supplémentaires, pris part décret en date du 15 novembre 2012, seulement 2,1 milliards de gourdes ont pu être décaissées à date.
« La répartition de ces 2,1 milliards de gourdes a été effectuée ainsi : 1 milliard de gourdes pour le ministère des travaux publics, transports et communication (Tptc), 875 millions de gourdes pour l’agriculture et 200 millions de gourdes pour le ministère de la planification, dont le premier ministre est le titulaire », ajoute Lamothe.
Des explications que des sénateurs ont trouvées « farfelues ».
Franky Exius (Sud) a présenté une vidéo, qui, non seulement, prouve que des travaux prévus n’ont, en fait, jamais été mis en œuvre, mais surtout a démenti, de façon flagrante, les assertions du ministre de l’agriculture Jacques Thomas.
Par ailleurs, plusieurs anomalies ont été relevées durant cette séance, notamment l’interruption de la diffusion de la séance par la télévision nationale d’Haïti (Tnh), juste au moment où le sénateur Jean-Charles Moïse intervenait pour questionner le gouvernement de Laurent Lamothe.
Un journaliste d’une télévision privée a été frappé à la tête par des agents de sécurité du parlement, sa caméra vidéo a été également brisée.
Malgré leurs cartes d’accréditation, plusieurs autres journalistes se sont vus refuser l’accès à la salle de séance du sénat.
L’exercice, de confrontation, au sénat de la république, le 4 juin 2013, est intervenu dans une période de grande incertitude au sujet des finances publiques.
Des dépenses jugées grossières et inutiles, par parlementaires et hommes politiques qui dénoncent les 40 millions de gourdes allouées à la célébration des deux ans de Joseph Michel Martelly à la présidence de la république.
Devant les sénateurs, le ministre des finances, Wilson Laleau, a déclaré ne pas être au courant du déblocage d’un montant de 40 millions de gourdes pour la célébration des 2 ans de Martelly au pouvoir.
D’où viennent alors les fonds dépensés pour les fastes et les multiples affiches de propagande gouvernementale et de culte de la personnalité (interdit par la Constitution) déployés à l’occasion du 14 mai 2013, marquant le deuxième anniversaire de prestation de serment de Martelly ?
En 2013, les risques de catastrophes sont tout aussi préoccupants, d’autant que l’on annonce une saison cyclonique particulièrement active et que le pays connait une situation assez aiguë d’insécurité alimentaire.
Tout cela néanmoins ne semble pas suffire à faire ciller l’administration Martelly-Lamothe, ni à la dérouter de ses orientations premières.
Le ministre des finances, a formellement démenti récemment les perspectives d’un déficit budgétaire pour l’exercice fiscal 2012-2013 (1er octobre 2012 au 30 septembre 2013).
Le nouveau mot-clé de l’actuelle administration politique est désormais « manque à percevoir ». [jep kft apr 5/06/2013 11:55]