P-au-P, 22 mai 2013 [AlterPresse] --- La station privée Radio Kiskeya et Reporters sans frontières (Rsf) plaident pour que la lumière soit faite sur le décès par balle du journaliste Pierre-Richard Alexandre, survenu dans la nuit du 19 au 20 mai 2013, à Saint Marc (Artibonite, nord du pays).
Âgé de 40 ans, le correspondant à Saint-Marc de Radio Kiskeya a été atteint, à son domicile, d’un projectile à l’abdomen. Le principal suspect, Baudelaire Augustin, a été arrêté.
Une intervention chirurgicale réalisée 48 heures après l’incident n’a pas permis de sauver le journaliste.
Alexandre conduisait un programme quotidien de débat politique à l’antenne de la station locale Radio Delta.
« La justice doit faire son travail convenablement pour déterminer comment l’individu a pu avoir cette arme sans permis », revendique la directrice de programmation de la Radio Kiskeya, Liliane Pierre Paul.
« Le dossier est déjà transféré au cabinet d’instruction », indique la journaliste, qui préside également l’Association Nationale des Médias Haitiens (ANMH). Elle espère que la justice fera son travail jusqu’au bout.
Evoquant une recrudescence de l’insécurité en Haïti, Pierre-Paul condamne la mort de Pierre-Richard Alexandre qui est pour elle catastrophique.
L’arrestation de l’assassin présumé devrait permettre de savoir rapidement s’il s’agit d’un crime lié aux activités du journaliste, souhaite pour sa part Rsf .
L’organisation espère que l’enquête déterminera s’il s’agit d’une balle perdue ou d’un tir délibéré.
De son côté, le secrétaire général de l’association des journalistes haïtiens (Ajh), Jacques Desrosiers, voit le décès du journaliste comme un accident et non une agression sur la presse.
En attendant que la justice se prononce sur la question, Desrosiers croit que le décès du journaliste fait partie du climat d’insécurité qui sévit dans le pays à cause de l’absence de contrôle sur les armes à feu. Il appelle les autorités à contrôler la circulation de ces armes.
Un contexte inquiétant
Revenant sur la situation de la presse durant les dix dernières années en Haiti, la directrice de programmation de Radio Kiskeya dit constater que, de temps en temps, des journalistes et des médias sont victimes à travers le pays.
Elle évoque diverses formes de persécutions avérées ou sournoises et de pressions contre des journalistes et des médias comme celles exercées par le Conseil national des télécommunications (Conatel) contre des radios communautaires.
Le jeudi 21 mars 2013, le Conatel avait procédé à la fermeture de sept stations de radio et de 3 chaînes de télévision à Hinche (chef-lieu du département du Plateau central).
Les pressions « peuvent aussi prendre la forme de représailles du secteur économique qui décide un bon matin de retirer ses publicités chez vous sans donner d’explications », critique Pierre-Paul.
Les conquêtes démocratiques sont extrêmement fragiles surtout dans un pays où les citoyennes et citoyens ne pas sont engagés de manière permanente dans leur défense, souligne t-elle.
Elle appelle la génération actuelle à mettre la main à la patte pour sauvegarder les acquis démocratiques accomplis par les ainés parce que, di-elle, il n’y a aucune garantie que les générations futures de journalistes pourront jouir des bienfaits de la liberté de la presse.
« La liberté de la presse doit aussi accompagner les autres libertés publiques. On doit aussi en compte les questions économiques, sociales et celles liées la vision qu’ont les secteurs puissants de la société », estime-t-elle.
Une stabilité institutionnelle et la responsabilité collective sont parmi les conditions sine qua non de la protection des médias contre l’insécurité.
Le 23 mars dernier, le rédacteur en chef du journal « Haïti progrès », Georges Honorat, a été abattu devant sa résidence par des individus armés.
Le 8 mai écoulé, une équipe de Radio Télé Ginen a été agressée lors d’une manifestation de partisans de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide au moment de son audition au parquet de Port-au-Prince. [emb kft gp apr 22/05/2013 14 :30]