Belladère, 23 mai 2013 [Alter Presse] --- « J’étais en 5e année fondamentale, quand ma mère est morte. Je ne pouvais pas continuer. Maintenant, je ne peux même pas trouver de quoi manger. Un ami, un jour, m’a offert de la colle de cordonnier. J’en ai pris. Depuis lors, je peux passer deux jours sans rien manger, mais pas un jour sans fumer ».
Dennis (un nom d’emprunt) a 13 ans.
Comme de nombreux mineurs à Belladère, il consomme de la drogue.
Sans famille, il doit se prendre en charge, parfois au prix d’activités illicites.
La colle de cordonnier, qui contient du toluène, produit psychoactif, est, bien sûr, largement prisée par ces enfants.
Utilisée depuis des années par les enfants de rue en Haïti, cette colle est un substituant terrible aux drogues traditionnelles.
Cependant, on remarque, à Belladère, de plus en plus de mineurs qui arrivent à se payer un joint, sans se priver de le fumer en plein centre-ville de cette commune frontalière avec Comendador (Elias Pina) en République Dominicaine.
La nuit tombée, ces enfants, en revenant des boîtes de nuit, créent parfois la panique.
Ils n’hésitent pas alors à s’en prendre aux noctambules, particulièrement les femmes, qu’ils frappent sans merci.
Mendicité, prostitution, vols à main armée... : la liste de leurs méfaits effraie bon nombre d’habitantes et d’habitants de la commune.
Découlant d’un taux élevé de chômeurs dans la ville, cette situation augure un cercle vicieux, dans lequel les mineures - forcées de se prostituer aujourd’hui - donneront naissance aux potentiels bandits de demain, anticipe un habitant de Belladère, interrogé par AlterPresse.
Ces mineurs, qui trainent dans les rues de la ville de Belladère, ne sont pas, tous, des enfants sans famille.
Des directeurs d’école, des professeurs, se plaignent souvent des mauvais comportements, en salle de classe, de ces jeunes, qui sont de différents groupes d’âge et tendent à se transformer en de potentiels délinquants.
« Le jeudi 18 Avril (2013), un élève de la 8e année fondamentale - qui, auparavant, avait eu une dispute avec une camarade - a amené, ce jour-là, une arme de calibre 45. La fille, de son côté, s’est munie d’un couteau. Si ce n’était pas la vigilance d’autres élèves, je ne sais pas ce qui pourrait arriver. Ce sont des situations qui évoluent. Donc, il faut que les autorités prennent leurs responsabilités. Ce n’est pas possible ! », témoigne un directeur d’une école privée de Belladère.
Plusieurs habitantes et habitants de Belladère craignent, surtout, que ces enfants viennent progressivement grossir les rangs des criminels.
A Belladère, il n’existe aucun centre d’accueil pour les mineurs en difficulté.
La police nationale d’Haïti, pour sa part, compte seulement un effectif de dix (10) policiers pour 80 mille habitantes et habitants dans cette municipalité frontalière. [apr 23/05/2013 0:10]