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Quelle politique nationale pour l’éradication de la domesticité des enfants ?

P-au-P., 22 juil. 02 [AlterPresse] --- Une étude réalisée par Haïti Solidarité Internationale (HSI), dans le cadre d’un projet du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), réfute les idées généralement rependues à propos de la domesticité en Haïti et recommande des interventions de fond ainsi que des mesures immédiates de l’Etat afin d’éradiquer ce phénomène.

La pauvreté rurale et l’incapacité de satisfaire certains besoins et droits de l’enfant dans son milieu naturel et l’étendue de la famille paysanne constituent en partie les fondements de la pratique de la domesticité des enfants en Haïti, selon cette étude obtenue par AlterPresse. Le rapport mentionne aussi le désir de promotion sociale et d’intégration de l’enfant dans le monde urbain pour “un meilleur avenir†, la difficulté d’accès à l’éducation et certains aspects de la conception et du statut de l’enfance dans la culture haïtienne.

L’étude établit une distinction claire entre les fondements de la pratique de la domesticité et les abus enregistrés contre les enfants dans le cadre de cette pratique. Selon le rapport, les abus viennent, entre autres, du fait de la représentation générale “déshumanisante†des enfants en domesticité, la qualité de “seconde classe†de l’éducation qui leur est accordée et l’inadaptation ou la non-application de la législation nationale. Dans ce contexte, le rapport se réfère aussi à l’absence de politique nationale de protection de l’enfant en général, et de l’enfant en domesticité en particulier.

En outre, "l’insuffisance et l’imprécision de la législation nationale sur l’enfant en service et l’enfance en général", "l’ignorance du contenu de cette législation nationale par la quasi-totalité de la population" et le "choix malheureux" du terme “restavèk†dans "le discours officiel récent" contribuent à isoler et dévaloriser les enfants en domesticité, affirme cette étude.

Contrairement à une idée répandue, le rapport établit que "la pratique de la domesticité des enfants ne serait pas un héritage du passé colonial, mais s’inscrirait plutôt dans le cadre des relations villes/campagnes au cours du XXe siècle (et non du XIXe) en correspondance directe avec les conditions d’existence de la paysannerie". Le document note également que durant ces trente dernières années, ce ne seraient plus les couches favorisées qui auraient recours aux services d’enfants domestiques, mais les couches urbaines, elles-mêmes défavorisées et ayant le plus souvent des relations de parenté élargie avec les enfants qui les servent.
Les conditions de vie des familles paysannes sont aussi à prendre en compte dans le développement du phénomène. Ainsi, ce ne serait pas par "ignorance des conditions réelles de l’enfance en service" que les parents choisiraient de placer leurs enfants. Mais plutôt à cause de leur incapacité à "satisfaire les droits et besoins de l’enfant" et également en vue d’une "socialisation urbaine" et une étape vers une promotion sociale ainsi qu’un travail salarié ou l’artisanat.

Sur le plan macro, l’analyse fait apparaître que la pratique de la domesticité des enfants est liée au “mal développement†du pays. Sur cette base, l’étude préconise la mise en oeuvre d’une politique économique, démographique, éducative appropriée. Une planification et politique nationale de développement, axée sur une lutte contre la pauvreté, un soutien à la décentralisation et une politique de planification familiale active, doit être conçue et portée par l’Etat haïtien, en collaboration avec ses partenaires, indique le document. Il s’agit "de restaurer ou de donner la possibilité aux parents des familles d’origine de répondre par eux-mêmes aux besoins de leurs enfants", ajoute l’étude.

Il faut parallèlement, selon le rapport, que les institutions publiques en charge de la protection de “l’enfance en situation difficile†clarifient leur position sur la pratique de la domesticité. A partir de ces paramètres, les conditions pourront être créées pour l’élaboration et la mise en place, avec l’ensemble des acteurs concernés d’une "véritable politique nationale de protection de l’enfance en général, et de l’enfance en service en particulier", lit-on dans l’étude.

Ce travail, commandité par plusieurs Organismes Non Gouvernementaux internationaux et institutions multilatérales, principalement le Bureau International du Travail (BIT), a été conduit sur 2 fronts : recherche de terrain et recherche théorique. Une équipe multidisciplinaire y a travaillé.

319 personnes, à travers 4 départements du pays, ont été rencontrées et interrogées. 105 d’entre elles se sont qualifiées d’ "anciens enfants en domesticité†, a précisé l’étude, et 66 ont actuellement (ou ont eu) un ou plusieurs enfants en domesticité sous leur toit.

En son article 261, la Constitution de 1987 en vigueur stipule que "tout enfant a droit à l’amour, à la compréhension et aux soins moraux et matériels de son père et de sa mère†. [gp apr 22/07/02 00:30]