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Lettre Ouverte à M. Bernard Craan

Haïti-Investissement : Pour une vraie banque de développement

Par Marcel Duret*

Document soumis à AlterPresse le 29 avril 2013

Monsieur Craan,

C’est avec grand plaisir que j’ai lu dans le Nouvelliste le reportage de l’interview que vous avez accordée à Magik 9 et je vous félicite ainsi que les membres du Forum d’avoir pensé à organiser une journée de réflexion le 29 avril prochain autour du thème « Vers la dynamisation de l’investissement privé en Haïti ». J’aurais souhaité y participer mais je suis pour le moment à l’extérieur du pays.

Pour avoir été l’Ambassadeur d’Haïti à Tokyo pendant près de 12 ans, Je souhaite humblement vous soumettre quelques suggestions qui sont les résultats de beaucoup d’années d’expérience et de réflexion sur le sujet comme suit :

I. Promotion de l’Investissement par les Entrepreneurs locaux

Vouloir attirer les investissements étrangers en Haïti demeure une gageure sinon une illusion. En effet après tant d’année de trouble et d’instabilité politique exacerbées par le séisme du 12 janvier 2010, c’est peut-être se fourvoyer de penser qu’un étranger voudra venir investir en Haïti. Un japonais a qui j’ai demandé d’essayer d’intéresser des investisseurs japonais eut à me dire ce qui suit " Jusqu’à ce que la force multinationale laisse votre pays, aucun homme d’affaires japonais ne s’intéressera a Haïti".

Pour votre information au Japon Haïti est perçue au même niveau d’insécurité que l’Irak.

Ceci dit, le secteur privé et l’État haïtien devraient surtout concentrer les ressources financières disponibles pour appuyer les entreprises haïtiennes ou étrangères qui ont déjà investi en Haïti et qui ont pu survivre durant toutes ces années d’instabilité. Ce sont ces entreprises qui peuvent dans un court délai ou bien augmenter leur capacité de production ou bien accepter de faire de nouveaux investissements dans de nouvelles filières. "Kabrit di sa k nan vant ou, se li ki pa ou".

Comment encourager les entreprises commerciales qui sont déjà sur place ?

Je suggère la création le plus tôt possible d’une vraie "Banque de Développement" qui pourrait offrir des motivations et des taux concessionnels tels que : un taux d’intérêt bas, des temps de paiement raisonnables avec des périodes de grâce etc. L’État haïtien pourrait envisager de renforcer les banques qui opèrent déjà en Haïti avec une vocation bien précise, plus particulièrement dans le milieu rural. La filière agricole devrait certainement être priorisée puisque près de 60% de la population y sont impliqués.

A titre d’exemple, la filière de production de "clairin" existe depuis des années et est destinée à la consommation locale. Des financements en vue d’augmenter la productivité et la production, de réduire ou d’éliminer l’utilisation du bois comme source d’énergie, d’améliorer la chaine de valeur etc. peuvent constituer les objectifs spécifiques. Voilà un investissement dans le secteur privé qui pourrait servir de modèle.

Un autre exemple est la filière du café qui nécessite un investissement à moyen terme (5 ans) de 50 millions de dollars américains et qui pourraient à la fois améliorer les conditions de vie de plus de 300,000 planteurs et générer des devises importantes.

Le secteur privé du milieu rural haïtien doit être prioritaire dans le cadre du financement d’entreprises privées locales.

II.- Tourisme : Développement Touristique des iles La Gonâve et La Tortue

A) Le Concept : Développement Touristique des Iles de La Gonâve et îles de La Tortue

Les deux iles sont : « La Gonâve » (743 km²) et "La Tortue" (180 km²). Le développement touristique de ces deux iles constituera le moteur du développement économique et social en Haïti rivalisant avec les revenus dont jouissent les pays producteurs de pétrole. En effet si bien fait, il pourrait générer de nombreux emplois dans le continent que le pays pourrait passer de 70 % le sous-emploi à presque 0. Les industries telles que la construction, tourisme, artisanat, agriculture, musique, etc. seraient épanouies. Plusieurs propositions ont été faites par différents groupes à travers les années en ce qui a trait à l’utilisation de ces iles.

En outre les deux îles ont l’avantage d’être séparées de la partie principale de l’ile, ainsi l’appareil de sécurité nécessaire sera plus facile à mettre en œuvre.

Mais il faudra que pour chaque dollar dépensé par le touriste un pourcentage acceptable reste dans le pays. Pour ce, certaines mesures devront être prises telles que :

- 90 % des emplois doivent être occupés par des haïtiens ;

- 80 % de tous les biens et services proviendront d’Haïti ;

- L’État devra déclarer les deux îles « territoire protégé » ou « Domaine Public » et de développer, avec le « Promoteur » ou « Développeur », un plan d’affaires qui met l’accent sur le développement humain ;

- L’Etat apportera à la table des territoires dans les capitaux propres ou signera un bail emphytéotique location (99 ans) et gardera environ 40 % (à déterminer) de ces actions ;

- Les mesures pour la protection de l’environnement seront primordiales ;

- Ces îles offriront aux touristes de partout dans le monde certaines activités qu’ils ne trouveront nulle part ailleurs ;

- Parcs industriels seront réparties uniformément dans toutes les 10 départements du pays (continent) en vue d’assurer une répartition équitable de la richesse, tant sur le plan géographique qu’individuel ;

L’investissement initial est estimé à environ 3 milliards de dollars sur cinq ans, avec 1 milliard pour chaque île et 1 milliard pour le continent. L’investissement dans la partie principale de l’ile pourra non seulement stimuler les industries qui sont nécessaires pour répondre à la demande de biens et services provoqués par le développement touristique de ces îles mais aussi à faciliter la formation des Haïtiens dans les différentes filières et domaines de l’industrie touristique.

Le troisième milliard proviendra des prêts par le gouvernement d’Haïti de la Banque Mondiale, la BID, la CDB ou l’IMF etc.

Un concours international sera lancé afin que des architectes de renom de partout dans le monde puissent soumettre des propositions concernant le développement des îles en parcs de thème et un Comité choisira les meilleurs d’entre eux, un architecte pour chaque île ou pour chaque bâtiment un architecte de renom international.

B) Justification

« La Gonâve » et « La Tortue » sont les deux îles haïtiennes qui sont a seulement une heure et demie de Miami et à quatre heures de New York et du Canada. Les touristes ciblés seront principalement d’Amérique du Nord, mais comme la République Dominicaine, des touristes d’Europe, à savoir de l’Allemagne et l’Italie seraient ciblés.

En termes d’investissement, le promoteur n’aura pas besoin d’acheter l’une des îles et après la construction d’infrastructures de base telles que routes, aéroports, ports, alimentation etc. la société fera une IPO (introduction en bourse) non seulement pour poursuivre le développement des deux îles, mais aussi de vendre des actions, et déjà obtenir un retour sur leurs investissements.

En outre en raison du récent tremblement de terre qui a dévasté Haïti le 12 janvier 2010, le projet aurait accès à des prêts de la Banque mondiale, la BID et le FMI etc. avec des taux concessionnels.

Je suggère que le secteur privé et le gouvernement créent une commission Ad Hoc composée de 3 personnes au maximum et qui aurait pour objectifs :

-  Réécrire le concept « paper » ;

-  Cibler des investisseurs potentiels du monde de l’industrie touristique mondiale ;

-  Trouver du financement pour l’étude de faisabilité du projet.

-  Aller à la recherche de financement des bailleurs de fonds internationaux ;

III.- Projeter une nouvelle image d’Haïti a l’étranger

Les publicités négatives dont le pays a été l’objet durant ces dernières années représentent plutôt une opportunité et non un handicap pour projeter une nouvelle image d’Haïti a l’étranger. En effet il n’y a pas un individu sur terre qui n’aurait pas été sensibilisé par la tragédie de la catastrophe du 12 janvier 2010. Renverser cette perception négative en termes de marketing est l’opportunité rêvée pour les spécialistes dans le domaine.

Le secteur privé et l’Etat Haïtien devrait engager les services de compagnies de publicité telles que SAATCHI and SAATCHI qui a près de 92 bureaux dans 120 pays à travers le monde. Voici les informations de Saatchi and Saatchi :

Saatchi & Saatchi Worldwide• Headquarters : 375 Hudson Street, New York, NY 10014, USA• Tel +1 212 463 2000•Fax +1 212 463 9855

La culture haïtienne (peinture, musique, littérature, danse etc.) doit servir de support pour projeter une nouvelle image d’Haïti. Le numéro 271 du Tokyo Journal Printemps 2013 peut servir d’exemple d’outil de promotion du pays à l’extérieur. La promotion systématique de produits agricoles haïtiens tels que la mangue Francique, le café gourmet haïtien est aussi un outil efficace pour faire connaitre Haïti sous un autre angle.

Voilà, M. Craan, mon humble contribution à la journée de réflexion que le Forum compte organiser demain. Je vous souhaite du succès pour un développement économique, social et équitable en Haïti.

Avec mes salutations,

……………

* Ex Ambassadeur d’Haïti à Tokyo

Contact : duret12@yahoo.com