De notre envoyé spécial, Ronald Colbert
Ouagadougou, 6 juin 04 [AlterPresse].- Des centaines de représentants de pays ayant en commun la langue française, dont Haïti, cherchent cette semaine à Ouagadougou (Burkina Faso) à dégager une vision commune sur le développement durable, à soumettre à 56 chefs d’Etat et de gouvernement qui tiendront leur X e Sommet de la Francophonie les 26 et 27 novembre 2004 dans ce pays africain.
« Le vrai développement durable doit partir de la participation des populations. Il n’est pas normal que l’aide publique au développement tarisse de cette manière, mais il faut qu’elle redonne au développement sa place. Les nouvelles responsabilités de la communauté francophone : que Le Nord et le Sud se donnent la main pour attaquer les problèmes », a déclaré le 1er juin à la cérémonie officielle d’ouverture Youssouf Ouédraogo, ministre d’Etat des Affaires Etrangères et de la Coopération Régionale du Burkina Faso.
Diversité linguistique et culturelle ; Education, Formation professionnelle et enseignement supérieur ; stratégies de développement durable ; Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ; Démocratie, Etat de Droit et bonne gouvernance sont les thématiques en débat du 1er au 4 juin 2004 au colloque intitulé « Développement durable, Leçons et Perspectives », qui se déroule à l’Université de Ouagadougou.
Parmi plus de 800 communications élaborées par les représentants des divers pays francophones (membres d’organisations sociales et non gouvernementales, d’institutions mixtes, d’universités, d’agences gouvernementales, d’administrations décentralisées), 47 retenues par le comité scientifique du colloque vont être présentées pendant les travaux qui prendront fin le 4 juin.
- Vue partielle de l’assistance
Stratégie de développement des ressources humaines, stratégies de développement (face à la mondialisation, face aux organismes génétiquement modifiés - OGM -), maîtrise des Technologies d’Information et de Communication, démarches pertinentes sur la démocratie, l’état de droit et la gouvernance, ont été des éléments essentiels ayant servi de guides dans la préparation du colloque.
Aboutir à des résultats concrets face aux bouleversements actuels en cours, dont la mondialisation. Un tel colloque ne devra pas être une autre réunion de plus, a souhaité pour sa part Joseph Paré, président de l’Université de Ouagadougou où sont implantées 7 Unités de Recherche et de Formation (UFR), appellation utilisée au Burkina Faso à la place des Facultés.
Ouvrir l’Université sur l’environnement immédiat, préparer les jeunes aux grands enjeux de la francophonie, professionnaliser les filières de formation en vue d’assurer la cohérence entre besoins de formation et ceux du marché, multiplier les choix proposés à la jeunesse burkinabée, dans un cadre de recherche pluridisciplinaire évitant toute rupture entre le monde universitaire et le processus des décisions : tels sont, entre autres, des arguments fondamentaux pouvant expliquer la tenue du colloque à l’Université de Ouagadougou, ont tenu à rappeler les intervenants, dont Joseph Paré, à l’attention des participantes et participants invités.
La structure de formation existant dans la capitale burkinabée enregistre 20,000 étudiantes et étudiants pour des études du 1er au 3 e cycle, jusqu’au doctorat, dispensées par 358 enseignantes et enseignants.
Dans l’histoire de la francophonie, c’est la 1ere fois qu’une assemblée se pose en préfiguration des thèmes sur lesquels les 56 chefs d’Etat et de Gouvernement vont se pencher en novembre 2004, a renchéri Michèle Gendreau-Massalou, rectrice de l’Association Universitaire de la Francophonie (AUF) à qui l’Université de Ouagadougou a décerné, le 2 juin, le titre de Docteure Honoris Causa.
Beaucoup de participantes et participants estiment que la francophonie plurielle (avec les diverses autres langues autochtones parlées), en tant qu’ensemble structuré dans le développement mondial, représente une force géopolitique indéniable.
Aussi, à la suite de la réalisation d’un état des lieux, de l’identification des contraintes, le colloque « Développement durable, leçons et perspectives » de Ouagadougou de juin 2004 devrait-il être conclu sur des réponses francophones aux questionnements prioritaires du temps par une vision stratégique des indicateurs du développement humain et un véritable pacte contre les injustices.
Depuis la dynamique insufflée après le VII e sommet de Hanoi (Vietnam), il s’agit d’un projet politique suscitant un engagement politique fort dans la perspective d’une solidarité entre les pays francophones, oeuvrant pour la réduction des écarts et un épanouissement des peuples, par la diversité linguistique et culturelle, une coopération entre les aires linguistiques.
Cette rencontre offre l’opportunité de partager diverses expériences avec les autres partenaires du développement, de manière à mettre en exergue les potentialités intérieures devant permettre d’affronter les difficultés comme l’autosuffisance alimentaire, la maîtrise de l’Eau, la Santé et l’Education pour tous, a indiqué à AlterPresse Fousseini Sy, ambassadeur du Mali au Burkina Faso.
Position partagée par Roger Dehaybe, administrateur de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF), selon qui le colloque devrait : définir des perspectives nouvelles, encourager le dialogue et les échanges avec les actrices et acteurs de terrain, dans le cadre d’une mondialisation sans exclusion mais au bénéfice de tous, agir sur le discours international dominant, promouvoir les langues partenaires, question de diversité culturelle.
La libéralisation non maîtrisée des échanges a pour effet l’appauvrissement du territoire africain. Misère, pauvreté, désespoir constituent l’environnement quotidien de l’Afrique représentant 13% de la population mondiale mais ne consommant que 3% de l’énergie mondiale.
« Dans le monde, deux milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. La désertification affecte plus de 45 % des terres du continent africain, et chaque année plus de 5 millions d’hectares de forêts disparaissent. Alors que 7 enfants sur 1,000 meurent avant l’âge de 5 ans dans les pays riches, cette proportion est de 121 dans les pays les plus pauvres.
Si au plan mondial le nombre de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour a diminué, pour l’Afrique, au contraire, il est passé de 241 millions à 315 millions, avec une projection de 204 millions pour 2015. Alors que 1 milliard d’hommes et de femmes vivent avec moins de 1 dollar par jour, l’Union européenne (récemment élargie à 25 pays membres) accorde à ses agriculteurs des subventions représentant 2 dollars par jour par tête de bétail.
La communauté internationale s’est fixée comme objectif de consacrer 0.7 % des budgets nationaux à l’aide au développement. Mais, par contre, les dépenses militaires s’élèvent à 2.3% du revenu mondial ».
Ces chiffres, dans leur dureté, « doivent nous ramener à la réalité », une réalité profondément politique nécessitant une plus forte volonté politique et une modification des rapports de force. De l’issue des débats, dépendra une vision du monde permettant de mettre les technologies de l’Information et de la Communication au service de la démocratisation, a dit Dehaybe.
Il faudrait désormais intégrer les TIC à l’intérieur de tous les projets de développement, soulignera plus tard Adama Samassekou, président du Comité d’Orientation de Médiaterre.
En vue de diminuer la fracture numérique francophone sur la toile (par rapport à la prédominance de l’Anglais), Médiaterre est un site d’informations sur le développement durable mis en place après le Sommet de Johannesburg en 2002 et devenu opérationnel à partir de juin 2003 (à l’occasion du Jour International de l’Environnement) grâce au support de la francophonie à travers l’Institut de l’Energie et de l’Environnement de la Francophonie (IEPF, anciennement Institut de l’Energie et de l’Environnement des Pays ayant le Français en partage).
- Spectacle artistique
S’il est vrai que Développement durable et solidaire, c’est d’abord l’affaire des Etats, faut-il bien que le colloque de juin 2004 puisse aider le sommet de novembre 2004 à des prises de décision susceptibles de changer le cours des actions mises en œuvre. [1]
« Aujourd’hui, les pays africains (NDLR : y compris de nombreux autres pays du Sud, dont Haïti) ont adopté des cadres macroéconomiques plus connus sous le nom de programmes d’ajustement structurel qui ont porté les ministères de ces pays à devenir des structures au service des institutions de Bretton Woods, des agences internationales dites de développement », a stigmatisé Youssouf Ouédraogo.
Considérant que la coordination francophone doit être un élément essentiel des changements nécessaires, Ouédraogo a évoqué les délais relativement longs (pas avant 365 jours) mis pour la mobilisation des ressources nécessaires au développement.
« Le développement ne vient pas à cause des blocages administratifs, des lourdeurs administratives, mais à cause de la confiance, prérequis pour financer ex-ante les projets de développement », a ajouté Ouédraogo qui a signalé que son pays, le Burkina Faso se révèle « incapable d’exporter le coton, malgré les coûts très faibles de production ».
France, Suisse, Canada, Québec, Mali, Mauritanie, Maroc, Gabon, Cameroun, Bénin, Sénégal, Kenya, Tunisie, Algérie, Comores, Vietnam, Belgique, Niger, Côte d’Ivoire, Madagascar, Bulgarie, Roumanie, Congo Brazzaville, Afrique du Sud, Haïti, Italie, Burkina Faso sont les pays représentés au colloque de Ouagadougou par plus de 400 personnes.
Outre un délégué du Groupe Médialternatif, la délégation d’Haïti au colloque de juin 2004 à Ouagadougou est représentée par le professeur Jean-Marie Raymond Noel de l’Université d’Etat d’Haïti (également responsable d’un projet du PNUD sur la société de l’information) et Myrlande Hyppolite Manigat (membre du parti Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes RDNP) pour l’Université privée Quisqueya.
A l’ouverture officielle faite dans l’après-midi du 1er juin 2004, les interventions ont été entrecoupées d’intermède artistique exécuté avec maestria par la troupe locale Naba-Yadega sur des rites typiques burkinabés. [rc apr 06/06/2004 23:00]
[1] Roger Dehaybe, Administrateur général de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie, a déclaré à le 1er juin à Burkina Faso ce qui suit :
La qualité des travaux de notre colloque, les discours forts qui seront sans nul doute prononcés en novembre 2004 ici à Ouagadougou, ne peuvent suffire.
La mondialisation n’est pas, comme certains le prétendent, sauvage, et le désordre n’est qu’apparent. Elle permet, au contraire, à certains groupes et à certains Etats d’être plus riches et plus forts.
La communauté politique internationale a besoin d’analyses ; elle a besoin de propositions, mais surtout elle doit être capable d’écouter les interpellations de celles et ceux qui, comme tous les acteurs de la francophonie réunis ici,
N’entendent pas accepter plus longtemps un monde profondément injuste, un monde dont le fonctionnement est meurtrier ;
Des acteurs de la francophonie qui n’entendent plus considérer la pauvreté comme inéluctable et « dans l’ordre des choses » ;
Des acteurs de la francophonie qui n’entendent pas attendre l’année 2147 pour voir, comme nous le prédit le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la fin de la pauvreté pour l’Afrique subsaharienne ;
Des acteurs de la francophonie qui, dans le domaine du développement durable, entendent au contraire : dépasser la tristesse ; aller au-delà de la générosité ; sublimer l’idée de justice et transformer l’esprit de révolte qui nous anime en action volontariste et efficace, bref tout simplement passer du concept à la réalité.