De notre envoyé spécial Ronald Colbert
Papaye (Hinche), 24 mars 2013 [AlterPresse] --- Le mouvement paysan de Papaye (Mpp) décide de mettre en œuvre une initiative de rassemblement de différents secteurs (progressistes, nationalistes, anti-impérialistes, anti-capitalistes, précise le mouvement) autour d’un projet de civilisation paysanne pour la libération nationale et contre le processus de recolonisation d’Haïti, apprend l’agence en ligne AlterPresse.
C’est l’une des résolutions adoptées par le Mpp, à l’issue du congrès de son quarantième anniversaire qui a réuni environ 2,000 délégués paysans et invités nationaux et internationaux, du dimanche 17 au vendredi 22 mars 2013 au Sant Lakay (centre organisationnel de formation) à Papaye (localité située à 7 km du bourg de Hinche).
Solidarité entre toutes les organisations paysannes, renforcement organisationnel par un processus de mobilisation permanente pour une véritable inclusion sociale des couches majoritaires nationales – que sont les paysannes et paysans -, effort continu pour ne pas faire le jeu de politiciens, sont quelques-unes des actions envisagées après le congrès du 40 e anniversaire du Mpp.
Le mouvement paysan de Papaye s’alliera à toute mobilisation constante contre les transnationales agroindustrielles, qui tentent de convertir en marchandises toutes les ressources de la planète, y compris les semences agricoles.
Au lieu d’une agriculture industrielle, les congressistes paysans plaident pour l’agro écologie, une véritable agriculture paysanne, dépouillée d’engrais chimiques, de semences hybrides et d’organismes génétiquement modifiés (Ogm).
Les dirigeants politiques doivent prendre les dispositions institutionnelles pour la reconquête de la souveraineté nationale, en planifiant un délai (court) de sortie des troupes de la mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah), selon la déclaration finale du congrès du 40e anniversaire du mouvement paysan.
La Minustah est appelée à indemniser les milliers de victimes du choléra, introduit dans le pays par un bataillon népalais à la mi-octobre 2010, ainsi que les jeunes victimes de viols par ses membres.
La lutte sera également engagée contre toutes les formes de violences envers les femmes.
Les jeunes seront encouragés à se doter d’outils politiques et idéologiques leur permettant d’occuper des espaces à l’intérieur des organisations et dans différentes sphères de la société afin d’asseoir véritablement le projet de civilisation paysanne nationale, escompté par le Mpp.
Des idées pour l’agriculture et l’environnement
Face au désastre écologique national, les 1,800 délégués paysans, femmes et hommes au congrès du 40e anniversaire du mouvement, conviennent d’entreprendre des travaux de conservation de sols et de reboisement dans leurs zones d’implantation.
Le Mpp et d’autres organisations paysannes comptent s’investir en plantant au moins 100 mille arbres dans chaque section communale, afin d’aboutir à 50 millions de nouveaux arbres chaque année suivant l’axe « 5 arbres plantés par chaque Haïtien ».
En plus de la promotion et de la valorisation des ressources agricoles autochtones, produites suivant des méthodes agro écologiques, des pressions seront exercées en faveur de la dotation de 15% du budget national dans la production de denrées agricoles autochtones dans la perspective de recouvrer la souveraineté alimentaire nationale et de mettre fin à la dépendance alimentaire de l’étranger.
Seule une réforme agraire intégrale, couverte par le vote d’une loi appropriée, est susceptible de garantir la souveraineté alimentaire nationale.
Les congressistes paysans de mars 2013 exhortent l’Etat à consacrer désormais 10% du budget national dans la protection de l’environnement.
« Environ 50 mille arbres sont détruits chaque année, sans être remplacés. Plus de 35 millions de m3 de terre vont à la mer annuellement à cause de l’érosion. Avec seulement 1.25 % de couverture végétale, Haïti devient de plus en plus vulnérable. Quand le territoire n’est pas frappé par la sécheresse (comme c’est le cas, depuis plusieurs mois, en plusieurs points du territoire), ce sont des inondations qui causent des dégâts. Au lieu de prendre des dispositions institutionnelles, les dirigeants politiques préfèrent acheter une quantité importante véhicules ostentatoires, font de nombreux voyages dispendieux à l’étranger au détriment des maigres ressources du budget national, organisent des festivités carnavalesques inutiles, favorisent les actes de corruption », constatent les congressistes paysans.
Ils en profitent pour mettre en garde contre un projet d’incinérateur – qui serait envisagé par la banque mondiale (Bm) – pour brûler les fatras à Port-au-Prince, ce qui contribuera « à détruire l’environnement dans la capitale, en charriant des bactéries nuisibles à la population ».
Ils affirment leur volonté de mener une campagne d’information, dans le milieu paysan et la société en général, contre les projets de cession des terres du pays [1] en particulier les projets d’exploitation des ressources minières [2] et contre l’utilisation du cyanure (qu’ils assimilent à du poison violent) sur le territoire national.
Beaucoup d’enseignements ont été tirés des conséquences désastreuses de l’exploitation des ressources aurifères en République Dominicaine, disent-ils.
En ce qui concerne la République Dominicaine, les congressistes paysans, au congrès du 40e anniversaire du Mpp, désapprouvent tout éventuel projet d’achat de courant électrique produit sur le territoire voisin d’Haïti.
Ils se prononcent contre la proposition de loi, visant à insérer d’autres divisions territoriales, en plus des dix (10) départements géographiques existants, et de nature à créer d’autres postes politiques de sénateurs [3], députés, conseils municipaux et conseils d’administration de sections communales, qui ne feront que puiser des traitements (salaires), pour fonctionnaires absentéistes, dans les maigres ressources budgétaires nationales. [rc apr 24/03/2013 12:00]
[1] Des rumeurs persistantes évoquent des projets d’implantation touristique sur l’île de la Gonâve (à l’ouest de Port-au-Prince), sur l’île de La Tortue (Nord-Ouest) et sur l’île-à-Vache (Sud).
[2] Des fouilles sont actuellement entreprises à Lamiel (Plateau central), Saint-Michel de l’Attalaye (Artibonite), Baie de Henne et Môle Saint-Nicolas (Nord-Ouest), Limbé (Nord), Mombin Crochu (Nord-Est) et Ile-à-Vache (Sud), etc., rapporte le Mpp.
[3] Chaque sénateur coûterait annuellement au pays un montant de 135 mille dollars américains, en plus d’autres frais et débours inconnus, selon ce qui a été révélé durant le congrès du 40e anniversaire du Mpp.