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8 mars, journée internationale des femmes

Haïti-Genre : Des propositions pour lutter contre le patriarcat, inspirées d’expériences de femmes

Par Emmanuel Marino Bruno

P-au-P, 12 mars 2013 [AlterPresse] --- Plusieurs femmes ont formulé, à Port-au-Prince, des recommandations, issues de leurs expériences au sein des espaces de pouvoir dans le pays, dans la perspective de contribuer à la lutte contre le patriarcat, à l’occasion de la journée internationale des femmes, célébrée le 8 mars 2013.

Ces femmes considèrent le patriarcat comme un blocage au respect des droits des femmes et des filles dans le pays, lors d’une table ronde organisée par la Solidarité des femmes haïtiennes (Solidarite fanm ayisyèn/Sofa) et à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.

Cette table ronde tournait autour du thème « participation politique des femmes : levier pour la transformation sociale ou cautionnement du patriarcat ? ».

La juge de la défense sociale à la cour d’appel de Port-au-Prince, Norah Jean-François, préconise une meilleure régulation de la justice, pour arriver à une parité entre hommes et femmes dans le pays.

Pour sa part, l’ancienne sénatrice, Edmonde Supplice Beauzile, actuelle présidente du parti politique dénommé " Fusion ", souhaite la mise en place d’une académie politique de genre pour la formation de femmes-cadres dans la société.

Supplice Beauzile appelle à la solidarité des organisations féministes en vue d’un plus grand financement de la campagne des femmes, lors des élections, pour faciliter leur accès au pouvoir politique.

Les défis à relever

Les acquis, relatifs à la question de genre, ne sont pas considérables, reconnait la juge Norah Jean-François, croyant qu’il reste beaucoup à faire dans le pays pour atteindre l’égalité des sexes.

Elle souligne une présence insignifiante des femmes, par rapport aux hommes, dans le pouvoir judiciaire haïtien.

Moins de 10 % des femmes sont présentes dans le système judiciaire, déplore t-elle, précisant qu’aucune femme n’a été ministre ni bâtonnière à date.

L’ancienne sénatrice Beauzile pense nécessaire une démarche collective, à travers des réseaux de luttes pour briser l’environnement machiste en Haïti.

Une éducation s’impose dans la famille pour contrecarrer cette domination masculine, qui est d’ordre culturel, souligne-t-elle.

Cette éducation donnera aux femmes la capacité de s’imposer en vue de faire valoir leurs points de vue dans le pays.

Les 52 % de femmes dans la société ne doivent pas être exclues dans la lutte parce que leur intégration devrait favoriser l’émergence d’une plus grande masse critique.

Se basant sur son expérience au sénat de la république, Edmonde Supplice Beauzile rapporte avoir eu des difficultés à faire passer ses idées au parlement, face à une masse critique d’hommes parlementaires.

Le domaine politique demeure le lieu, où les conquêtes des luttes féministes sont les moins significatives, constate l’ancienne ministre à la condition féminine et aux droits des femmes, Ginette Chérubin.

« C’est un champ définitivement réfractaire au changement », dénonce-t-elle.

Chérubin critique la mentalité courante, qui fait percevoir l’espace politique comme l’apanage des hommes.

« Même lorsqu’on pense avoir un acquis, il faut être vigilant sans pour autant verser dans la paranoïa anti-machiste », met-elle en garde à l’intention, notamment, des organisations féministes.

S’inspirant de son expérience, l’architecte Ginette Chérubin conseille aux femmes de ne pas se laisser prendre aux séductions machistes et aux agressions des hommes, qui participent souvent d’une stratégie d’affaiblissement et de diversion.

Il faut une prise de conscience, à la fois individuelle et collective, pour la transformation sociale des femmes en vue de leur participation politique, avance la sociologue haïtienne Danièle Magloire.

L’absence de cette conscience alimente les inégalités entre les hommes et les femmes, ajoute Magloire, plaidant pour la mise en place des stratégies devant garantir l’accès des femmes et leur maintien aux postes de décisions.

Intervenant à la célébration de la journée internationale des femmes, le vendredi 8 mars 2013, la coordonnatrice générale de la Sofa, Marie Frantz Joachim, souligne combien ce moment symbolique marque la lutte des femmes pour le changement de leurs conditions de vie.

La journée du 8 mars 2013 a été l’occasion pour la Sofa de rappeler les luttes menées par les mouvements féministes haïtiens pour la participation des femmes dans les espaces de décisions.

Les luttes acharnées de ces organisations ont conduit à plusieurs réalisations, dont la création d’un ministère à la condition féminine et aux droits des femmes, fait valoir Joachim. [emb kft rc apr 12/03/2013 4:55]