Enquête
P-au-P/Caracol, 11 mars 2013 [Ayiti Kale Je / AlterPresse] --- En octobre 2012, le gouvernement haïtien, ainsi que plusieurs autorités des « pays amis » d’Haïti, ont vu chacun leur rêve se matérialiser : l’inauguration d’un géant parc industriel qui, selon eux, allait créer 20,000 et peut-être 65,000 emplois. C’est l’un parmi les plus importants travaux de « reconstruction » depuis la catastrophe du 12 janvier 2010.
Le président haïtien Joseph Michel Martelly était là, en personne, pour la cérémonie inaugurale du Parc industriel de Caracol (Pic).
Des officiels haïtiens et étrangers, multimillionnaires, acteurs, ont fait le déplacement pour le lancement officiel du projet phare du gouvernement. Une fois de plus, les autorités ont scandé : « Haïti est ouverte aux affaires ».
« Nous avons appuyé le parc de Caracol en particulier, parce que nous savions qu’il allait être un événement extraordinaire pour la région Nord. Le parc peut amener la décentralisation au niveau de la métropole du Nord, et donnera du travail aux gens de manière extraordinaire », explique à Ayiti Kale Je (Akj) la ministre haïtienne des Affaires sociales de l’époque, Josépha Raymond Gauthier.
Pourtant, l’enquête menée par Ayiti Kale Je montre combien le nombre d’emplois promis par les autorités n’a pas encore atteint le niveau « extraordinaire », ajouté à certaines promesses non encore tenues.
Une année après son ouverture, seulement 1.388 personnes travaillent au parc dont 26 étrangers et 24 agents de sécurité. Les recherches ont révélé aussi qu’à la fin d’une journée de travail, un échantillonnage des ouvrières et ouvriers ne sort pas avec plus de 57.00 gourdes (US $ 1.36 $ US), des 200 gourdes (US $ 4.75) du salaire journalier.
Akj a appris également que la majorité des agriculteurs déplacés qui cultivaient 250 hectares de terres fertiles à Chabert, sont toujours sans terre.
« Avant, Caracol était le grenier du département du Nord-Est », explique l’agriculteur expulsé Breus Wilcien. « A ce présent moment, il y a une rareté de produits agricoles sur les marchés de la zone. Nous végétons dans la misère. »
Waldins Paul, agriculteur expulsé et membre de l’Association des travailleurs de Caracol (Adtc), explique :
« Pour moi, [le parc] a ses bons et mauvais côtés... Le bon côté, c’est qu’il y avait plein de gens qui ne faisaient rien, qui baillaient aux corneilles, mais [le travail au parc] ce n’est pas tout à fait ça, sachant que 200 gourdes ne peuvent rien faire pour quelqu’un. Le pire, c’est que le parc va appauvrir la zone qui était le grenier du Nord et du Nord-Est. »
Le Pic est un projet des gouvernements américain, haïtien et de la Banque interaméricaine de développement (Bid) pour lequel les dépenses de la 1ere phase d’implémentation s’élèvent, au moins, à 250 millions $ US.
Près de la moitié de ce montant, soit 120 millions $ US, provient des citoyennes et citoyens américain-e-s. Par la suite, beaucoup d’argent a été dépensé dans les études, les nfrastructures routières et l’indemnisation des paysannes et paysans dépossédé-e-s de leurs terres. [Voir ci-dessous Caracol en chiffres]
« Les mauvais côtés »
Le cataclysme de janvier 2010 a provoqué le déplacement de 1.3 million de personnes de Léogâne et de la capitale. Mais il n’y a pas que de ces endroits a avoir été affectés.
Le parc industriel a lui aussi fait des personnes déplacées, en l’occurrence, les 366 familles qui exploitaient les 250 hectares de terres fertiles où s’est implanté le parc. [Voir Akj 11 #6 et #7 sur le choix du site.].
L’habitation de Chabert a assuré la survie d’à peu près 2,500 personnes constituant les familles expropriées, et 750 agricultrices et agriculteurs qui y ont travaillé, au minimum 100 jours chaque année.
Depuis novembre 2011, le gouvernement a réquisitionné l’espace, qu’occupaient les cultivatrices et cultivateur,s pour le revêtir de béton, d’asphalte et y ériger de gros hangars prévus pour abriter les usines.
Un organisme du Ministère de l’économie et des finances (Mef), l’Unité technique d’exécution (Ute), a pour mission de planifier la relocalisation des paysannes et paysans, et de veiller à leur indemnisation pour compenser la perte de récoltes en cours, et ceci, jusqu’à ce qu’ils aient, de nouveau, une parcelle où travailler.
Chaque agricultrice/agriculteur reçoit US $ 1,450.00 (60,900.00 gourdes) par hectare, et US $ 1,000.00 (42,000.00 gourdes) en plus pour la sécurité alimentaire. Car, si les paysannes et paysans vendaient les denrées cultivées, elles et ils s’en serviraient également pour l’autoconsommation (Akj ignore si ces travailleuses et travailleurs agricoles ont reçu des dédommagements).
En janvier 2013, l’Etat a versé, à deux reprises, la compensation aux paysannes et paysans exproprié-e-s pour perte de récoltes, a indiqué l’Ute à Akj.
Car, deux récoltes ont été perdues. Les cultivatrices et cultivateurs tardent à trouver leurs « terres promises ».
Ce qui signifie aussi une double perte de 1,400 tonnes métriques (Tm), ou 2,800 Tm, de produits agricoles, équivalant à environ 100,000 boisseaux de fèves séchés, et aussi les débours de US $ 1,2 million (plus de 50 millions de gourdes) pour les paiements aux personnes déplacées, en plus d’un million de dollars américains, dépensés par l’Ute pour ce programme d’accompagnement et relocalisation [Voir aussi Caracol en chiffres],
Verly Davilmar va recevoir 35,000.00 gourdes (US $ 833.00) pour sa récolte perdue.
Autrefois, il travaillait un demi-hectare de terre où il cultivait de l’igname, du manioc et de l’épinard.
Aujourd’hui non. Point de terre. Il reste chez lui. Sa famille compte 10 personnes.
« Ce qu’ils ont donné passe comme un éclair », confie-t-il à Akj.
« L’argent n’entre pas. Tu n’as pas de terre, tu es obligé de rester sans rien ».
Le bureau de l’Ute avance vers une solution. Un espace a été trouvé dans les environs de Glaudine, a fait savoir le directeur de l’Ute.
« Notre première priorité est de donner des terres aux paysannes et paysans, pour qu ;elles et qu’ils puissent travailler. Mais, une fois qu’elles et qu’ils seront en possession de la terre, le travail ne sera pas fini. Nous nous chargerons de leur donner des titres réguliers de fermage. La Direction générale des impôts (Dgi) doit nous accompagner dans le processus », explique Michael Delandsheer.
Ensuite, « nous aurons à les encadrer, pour qu’elles et qu’ils aient des productions meilleures, que celles qu’elles et qu’ils avaient auparavant ».
Après près de deux ans de promesses, les agricultrices et agriculteurs de Caracol restent sceptiques.
Et peut-être avec raison, car dans la zone de Ouanaminthe, c’était la même histoire avec le parc industriel de la Compagnie de développement industriel (Codevi).
Jusqu’à présent, certaines personnes n’ont jamais reçu de terres.
Des promesses d’emplois ont été faites aussi aux familles de personnes déplacées.
« On a promis à notre famille qu’elle allait pouvoir travailler [dans le PIC], mais toujours est-il que nous n’avons reçu aucune offre d’emploi », note Davilmar.
Le maire adjoint de Caracol est également déçu.
Au départ, Vilsaint Joseph n’était pas tout à fait en faveur du parc, mais il a gardé un esprit ouvert en ce qui a trait à l’idée, dit-il.
Il se dit content que la commune ait pu bénéficier de l’énergie électrique grâce à la centrale construite par les Etats-Unis. Néanmoins, ce n’est pas la population de Caracol, qui profite des emplois du parc.
« Des personnes âgées de 32 ans sont allées suivre des sessions de formation. Mais, elles n’ont pas été retenues à cause d’un flot de jeunes de 22 ans. Je trouve cela vexant pour quelqu’un qui a suivi une formation de 3 mois et à qui, à l’arrivée, on déclare qu’il ne peut pas travailler », déplore le maire.
Parmi ses préoccupations, figure la baisse considérable de la production agricole dans la zone, parce qu’avant, « lors des récoltes, les camions transportaient du maïs et des haricots vers Port-au-Prince ».
Sur une douzaine de familles paysannes interviewées par Akj, toutes ont fait remarquer combien l’indemnité se révèle insuffisante.
Certaines n’arrivent même pas à assurer l’écolage de leurs enfants.
« Nous pensons organiser un ‘sit-in’ pour exiger des autorités qu’elles nous donnent des terres, afin que nous puissions travailler », révéle Wilcien Breüs à Akj dans un entretien téléphonique.
Breus a reçu 42,000.00 gourdes (US $ 1,000).
Mais. il avoue être dans l’impossibilité de payer la scolarité de ses enfants.
« Toute la maison en souffre. On a toujours dans notre jardin du manioc. Quand ça va mal, on va au jardin en récolter un morceau, avec lequel l’on prépare, soit du pain doux, soit on le mange ainsi. Nous souffrons en ce moment ».
Les « bénéficiaires »
Si les agricultrices et agriculteurs et leurs familles pouvaient être considérés comme des « perdant-e-s », au moins pour l’instant, il y en a que le gouvernement et ses partenaires considèrent comme des « bénéficiaires », parce qu ;elles et qu’ils ont trouvé un emploi.
En fait tous les documents sur la reconstruction parlent de la nécessité de « créer du travail ».
Le Pic est présenté comme le plus grand « succès » à ce jour.
Akj s’est entretenu avec 15 ouvrières et ouvriers, qui travaillent à l’usine coréenne qui accueille la majorité des travailleuses et travailleurs au parc.
Cette usine d’assemblage – S & H Global – est une filiale de SAE-A Trading. Elle assemble des vêtements pour de grandes compagnies étasuniennes, notamment : JC Penny, WalMart et autres.
Toutes les ouvrières et tous les ouvriers – la majorité est constituée d’ouvrières, comme dans toutes les usines d’assemblage à travers le monde – confirment qu’elles et qu’ils reçoivent le salaire minimum de 200/00 gourdes (US $ 4.75) par jour.
Parmi les ouvrières et ouvriers interrogé-e-s, 11 précisent qu’elles et qu’ils dépensent en moyenne 61.00 gourdes pour le transport et 82.00 gourdes pour la nourriture et le rafraichissement.
Il ne leur reste que 57.00 gourdes ou US $ 1.36 pour les dépenses supplémentaires : l’eau, l’électricité, la nourriture de la famille, les vêtements, l’écolage des enfants, etc. [Voir aussi Akj Dossier 11 #1].
« Ce salaire ne me permet pas de vivre. Il ne peut rien faire pour moi », déclare Annette.
Autrefois, cette mère de quatre enfants a travaillé au parc industriel de Codevi, à Ouanaminthe. Elle habite à Ouanaminthe et se lève de très tôt pour se rendre au Pic.
Elle a quitté son emploi pour un nouvel emploi au Pic, avec l’espoir que sa condition s’améliorerait, dit-elle.
Elle s’est trompée.
« Les conditions ne jouent pas en ma faveur », explique-t-elle, mais elle ne sait pas quoi faire d’autre.
C’est la situation de plusieurs milliers d’Haïtiennes et d’Haïtiens, qui acceptent un salaire de 200.00 gourdes.
Le gouvernement haïtien a fait une mauvaise approche de la question du salaire minimum, en mettant l’accent sur les usines d’assemblage, où les ouvrières et ouvriers touchent rarement plus que ça, considère l’économiste haïtien Frédérick Gérald Chéry.
En plus d’être insuffisant pour survivre, un niveau salaire de 200.00 gourdes ne peut pas contribuer à la croissance d’autres secteurs dans l’économie, note le professeur de l’Université d’État d’Haïti.
« Il faut calculer ce que l’ouvrière et l’ouvrier gagnent, et ce qu ;elle et qu’il peut acheter avec ces revenus. Ce qu ;elle et qu’il peuvent acheter est le plus important. On ne doit pas fixer le salaire minimum en termes absolus, mais en termes de paniers de biens », insiste Chéry dans une interview à Akj en novembre 2012.
« On ne peut pas encourager une ouvrière et un ouvrier à acheter du riz, qui provient des États-Unis ou de la République Dominicaine. Un salaire minimum, c’est pour acheter des produits locaux ».
Flora*, qui attendait le bus pour rentrer chez elle au Cap-Haitien, après une dure journée de travail, n’a pas caché son enthousiasme à l’idée de parler à un journaliste, en dépit de son air exténué.
« C’est Dieu qui t’a envoyé. J’avais besoin d’un journaliste pour raconter ce que nous subissons au parc », dit-elle.
« On nous hurle dessus comme des bêtes. La nourriture, qui nous est destinée, est mal préparée. On ne réserve que de l’eau chaude pour notre consommation. J’ai passé une journée à travailler sans un cache-nez. La poussière envahit mes narines ».
Les commentaires des ouvrères etb iouvriers ne contredisent pas un récent rapport de « Better Work », une agence du Bureau international du travail des Nations unies, qui a découvert que la moitié des 22 usines de sous-traitance dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, est « en non-conformité », par rapport aux conditions de travail. Seize des 22 usines n’ont pas de température « acceptable ».
Interrogé sur le salaire et les conditions de travail dans son usine à Caracol, un représentant de la SAE-A, contacté par courrier électronique, avoue respecter le code du travail haïtien.
Nonobstant, lorsque Akj a demandé de visiter l’usine, afin d’en savoir plus sur les conditions de travail, SAE-A ne l’a pas permis.
Plus récemment, un syndicaliste a dit vouloir tenter de visiter l’usine, pour explorer les conditions de travail des ouvrières et ouvriers, mais SAE-A lui a aussi interdit l’accès.
L’investigation, qu’a réalisée Akj auprès des ouvrières et ouvriers de S & H Global à Caracol, a dévoilé combien, sur l’échantillonnage de 15 ouvrières et ouvriers, 80 pourcent disent qu’ils ont réalisé combien le niveau de salaire reçu ne vaudrait pas la peine.
« Ce n’est pas la peine d’y travailler. Les superviseuses et superviseurs ne nous respectent pas. Elles et ils ne nous considèrent pas comme des êtres humains. Elles et ils nous frappent avec les vêtements », témoigne Adeline.*
Commerçante dans le passé, Adeline dit qu’elle préfère reprendre son ancienne activité, au lieu de continuer à bosser dans ces conditions.
L’ex-titulaire du Ministère des affaires sociales (mas) reconnait que le salaire est bas, dans une entrevue accordée à Akj.
Elle ne fait que répéter les mêmes justifications des propriétaires d’usines.
« Quelqu’un, qui travaille dans [une usine] de sous-traitance, n’est pas quelqu’un qui deviendra riche du jour au lendemain », d’après l’ex-ministre Josépha Raymond Gauthier, interviewée en novembre 2012.
« Mais, celle ou celui, qui ne travaille pas, n’a aucun espoir ».
Sur le même sujet, le maire adjoint de Caracol, optimiste au départ, estime que le salaire et les conditions sont « inacceptables ».
D’après Vilsaint Joseph, « c’est une humiliation ».
Un pourcentage d’ouvrières et d’ouvriers trouveront un logement subventionné, qulles et qu’ils paieront à long terme, jure le gouvernement haïtien, qui promet éventuellement des bus gratuits aux ouvrères et ouvriers,
Dans le cadre des US $ 120 millions alloués, le gouvernement américain va dépenser plus de 31 millions pour le projet de logements « EKAM ».
Les 1,500 maisonnettes seront construites non loin du Pic pour accueillir les ouvrières et ouvriers et les familles déplacées jugées « vulnérables » de Caracol, où les cheffes et chefs de famille sont le plus souvent une personne âgée ou une femme.
D’après le gouvernement US, chaque maison coûte US $ 23,510.00.
Cependant, puisque seulement 750 sont prévues pour le moment, les ouvrières et ouvriers sont peu à pouvoir en bénéficier [Voir Caracol en chiffres pour plus sur l’EKAM].
Un bon pari ?
Au total, pour l’installation du Pic, la centrale électrique, l‘EKAM, les paiements aux agricultrices et agriculteurs et les autres dépenses, le gouvernement américain, la Bid, le gouvernement haïtien et d’autres bailleurs ont déjà dépensé au moins US $ 250 millions.
Toutefois, il n’y a aucune certitude que le pays et l’État haïtien auront beaucoup à gagner dans les années à venir.
Toutes les compagnies, qui auront à s’installer au parc, bénéficieront d’avantages fiscaux. Ce qui voudrait dire peu de rentrée d’argent dans le trésor public.
Les compagnies d’assemblages de vêtements auront des privilèges supplémentaires, en vertu de la loi étasunienne « Haiti Economic Lift Program » (Help), ceci, jusqu’à l’an 2020 [Voir AKJ Dosye 11, #3].
Il est vrai que le S&H Global emploie quelques 1,388 personnes.
En plus, la firme promet d’embaucher 1,300 autres au cours de l’année 2013. SAE-A construira une école, dont elle assurera la subvention.
Mais, pour établir ces emplois, la compagnie a dû fermer une usine au Guatemala, livrant ainsi 1,200 ouvrères et iouvriers au chômage.
Elle a quitté le Guatemala pour Haïti, parce que les « offres » salariales et d’autres bénéfices attendus en Haiti se révèlent plus alléchantes.
Une fois que les avantages accordés par la loi Help seront expirés en sept ans, SAE-A quittera-t-elle Haïti de la même façon ?
Même avec les maigres résultats, pour le gouvernement et les autres acteurs, le Pic est un bon « pari ».
Dans ses documents, la Bid assure que le parc amènera Haïti sur un « chemin, qui va vers la croissance économique ».
Lors d’une interview avec le « New York Times » en 2012, José Agustín Aguerre, directeur du programme Bid en Haïti, a reconnu combien « créer une industrie de sous-traitance d’assemblage de vêtements est une option, que tout le monde essaie d’éviter ».
Il considère cette option, « comme un dernier recours ».
Cependant, il a attiré l’attention sur le fait que c’est une « bonne opportunité », bien que le « salaire soit bas ».
« Oui, demain, les compagnies pourraient partir, ayant trouvé mieux ailleurs. Mais, tout le monde pensait que le pari valait la peine », ajoute Aguerre.
L’économiste Frédérick Gérald Chéry a fait une toute autre analyse.
Il juge que se hâter de mettre en place des usines d’assemblage, sans un plan global, sans un débat au niveau national, est une erreur.
« Au lieu de voir l’industrie textile comme un emprunt à l’économie, on le voit comme un apport. Ce qui ne peut pas être, car le salaire est relativement faible. De plus, nous ne disposons pas de toute une série d’intrants de production », explique-t-il.
« Ce n’est pas nous, qui découpons les vêtements, qui faisons le design. En plus, nous n’avons pas une économie d’échelle. Si cela continue ainsi, il se pourrait que cela débouche sur une catastrophe ».
Cette façon de privilégier le Pic, au détriment de l’agriculture, préoccupe l’économiste : « Si on ne développe pas en parallèle l’agriculture, la paysanne / le paysan sera perdant-e. »
Le Pic n’est pas le premier grand projet, implémenté avec beaucoup de promesses dans la zone du Nord.
La plantation Dauphin a été établie en 1927 sur 10,000 hectares de terres plantées en sisal, qui a été utilisé dans la production de cordes, à l’époque de la deuxième guerre mondiale.
Durant toute une époque, la plantation Dauphin, qui était aux mains des capitalistes américains, était la plus grande pourvoyeuse d’emplois.
Toutefois, pour cultiver le sisal, des milliers de paysannes et paysans ont été exproprié-e-s de leurs terres. Ce qui a créé une dépendance par rapport à la zone de l’industrie du sisal.
La baisse des prix au niveau international a occasionné le départ des investisseurs, qui ont laissé la zone, jadis plantée en sisal, dans une pauvreté extrême.
Jusqu’à nos jours, les séquelles y sont encore, puisque les terres cultivées en sisal deviennent de moins en moins fertiles.
Parlant des villages, qui dépendaient de la plantation Dauphin, l’agriculteur Castin Milostène se souvient : « aujourd’hui, si l’on prend le cas de Derac, Collette et Phaeton, n’était-ce la Minustah et le Programme alimentaire mondial (Pam), ces gens-là seraient déjà morts de faim ». [akj apr 11/03/2013 06:00]
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NB :
1- Les journalistes d’Akj et de nombreux autres médias se sont vu refuser l’accès a I’inauguration, parce qu’ils ne figuraient pas sur une liste établie par Wellcom-Haïti, une compagnie de consultation privée établie à la capitale.
2- Akj a décidé de dissimuler l’identité des noms des ouvrières et ouvriers pour les protéger contre toutes éventuelles représailles.
Le Parc Industriel de Caracol (Pic) en chiffres
Coût approximatif pour lancer le PIC – plus de US $ 250 millions
Origine du financement – le gouvernement des Etats-unis : US $ 124 millions, la Banque interaméricaine du développent : US $ 55 millions, la SAE-A (compagnie textile coréenne) : US $ 78 millions
Nombre d’emplois éventuels dans le Pic, d’après divers acteurs – 37,000, ou 40,000, ou 65,000…
Nombre d’emplois actuels dans le Pic [janvier 2013], incluant 24 agents de sécurité – 1,388
Nombre d’agricultrices et d’agriculteurs déplacé-e-s de l’habitation Chabert et autres terres [250 hectares au total] pour laisser la place au Pic – 366 familles
Nombre de produits agricoles (maïs, manioc, banane, haricot noir) autrefois produits sur ces 250 hectares : 1,400 tonnes métriques à chaque récolte
Valeur de ces produits : US $ 807,638.00 (chaque récolte)
Coût approximatif pour l’indemnisation et la relocalisation éventuelle des agriculteurs – plus de US $ 4,6 millions
Quantité d’argent qui doit être payé, par hectare, pour chaque récolte perdue – US $ 2,450
Quantité de terres autrefois cultivées par chacune / chacun des agricultrices et agriculteurs, en moyenne – 0.68 hectare
Somme reçue par chaque agricultrice / agriculteur pour chaque récolte perdu, en moyenne – US $ 1,666.00
Quantités de nouvelles maisons promises pour la région par divers acteurs – « jusqu’à 5,000 »
Quantité en construction (janvier 2013) dans le site EKAM, financé par le gouvernement des Etats-unis – 750
Somme dépensée par le gouvernement des Etats-unis pour préparer le site EKAM, qui recevra 1,500 maisonnettes et qui aura des écoles et autres infrastructures – US $ 13,724,975.00, ou 9,150.00 pour chaque maisonnette (pour chacune des 1,500 familles)
Somme dépensée par le gouvernement des Etats-unis pour 750 maisonnettes, qui seront construites par une firme américaine, Thor Construction – US $ 17,632,839.00 ou US $ 23.510.00 pour chaque maisonnette
Sources de chiffres : Ute, Bid, gouvernement des Etats-unis, http://www.usaspending.gov
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