Par Wooldy Edson Louidor
Bogotá, 6 mars 2013 [AlterPresse] --- L’Amérique Latine et le monde entier ont été secoués le 5 mars par l’annonce de la mort du président vénézuélien Hugo Chávez Frías.
Les réactions n’ont pas tardé à fuser de partout en Amérique Latine : manifestations de solidarité avec le peuple vénézuélien, silences profonds, expressions de condoléances frisant parfois l’hypocrisie (« Chávez est enfin mort, nous en sommes tristes, mais tournons la page ! »), débâcle dans une certaine presse qui diabolise le « dictateur ».
Dans les pays latino-américains, la figure de Chávez n’admet pas de demi-mesure, de juste milieu et de position mitoyenne : on est pour ou contre l’architecte du socialisme bolivarien du XXIème siècle.
Les deux positions (pour ou contre) vont jusqu’à l’extrême : divinisation ou diabolisation de celui qui aura marqué l’histoire de tout un continent ! Et peut-être son futur aussi, puisqu’à l’heure actuelle non seulement le Venezuela est divisé en deux (pro et contre le chavisme), mais également toute l’hémisphère : d’un côté les pays plus ou moins socialistes (la Bolivie, l’Équateur, l’Argentine, le Nicaragua, Cuba) et de l’autre les pays capitalistes (les États-Unis d’Amérique, le Canada, le Chili, etc.).
Chávez a été aussi l’architecte d’un nouveau modèle d’intégration régional, axé non pas sur les présupposés néolibéraux ou capitalistes de maximisation du profit, de libéralisation des marchés, de restriction outrancière de l’intervention de l’État et d’autres dogmes des institutions de financement internationales (Ifi). Mais plutôt centré sur la solidarité, le partage, l’échange, l’entraide et surtout l’autonomie face aux ingérences étasuniennes.
L’alliance bolivarienne pour les peuples de l’Amérique (Alba) est l’exemple le plus éloquent de ce modèle d’intégration chaviste.
Révolution bolivarienne, Socialisme bolivarien, Intégration bolivarienne… ce n’est pas qu’un simple jeu de mots, mais un projet politique et économique réel conçu par Chávez pour le Venezuela et toute la région. Avec Bolivar au centre. Ce héros de l’indépendance sud-américaine, qui rêvait d’une intégration latino-américaine autochtone (avec ses indiens, ses noirs, ses criollos ou descendants américains d’Espagnols), libérée de l’emprise étasunienne et européenne.
Le nom de Bolivar, récupéré par Chávez, est plus qu’une réminiscence. Il s’agit du renouvellement d’une pensée vieille de plus de deux siècles et de l’évocation d’un projet mis sous le boisseau par des chefs d’état intéressés à maintenir leur pouvoir dans leur canton (panaméricanisme versus « caudillismo ») et à défendre les intérêts d’autres nations, accusées de néocolonialistes, au détriment de ceux de leur peuple.
Suite à leur indépendance, la plupart des jeunes états latino-américains ont préféré s’autonomiser (se fragmenter et désarticuler la Grande Colombie) et regarder vers le Nord au lieu de s’intégrer en un seul peuple. Bolivar est mort un 17 décembre 1830, frustré.
Chávez qui prétendait réincarner l’idéal bolivarien est mort un 5 mars 2013 avec l’espoir de voir surgir une nouvelle Amérique Latine, après avoir transformé le Venezuela pendant près de 14 ans et un mois de pouvoir (2 février 1999-5 mars 2013).
Chávez ne ménageait pas ses critiques contre les prétendus ennemis de cette nouvelle Amérique Latine, par exemple les ex présidents colombien (Álvaro Uribe Vélez) et péruvien (Alan García).
Les ennemis de Chávez, dont ses « diabolisateurs », sont également nombreux. [wel gp apr 06/03/2013 10:00]