Par Roody Édmé *
Spécial pour AlterPresse
Hugo le rebelle est mort. Le moins que l’on puisse dire, il s’agit d’une page bien pleine, bien que controversée de l’histoire du Venezuela qui se tourne. Le président Vénézuélien aujourd’hui décédé était parvenu grâce à une politique sociale ambitieuse axée surtout sur l’éducation, la santé et le logement a gagné les esprits et les cœurs d’une grande partie du peuple vénézuelien. On aura beau adressé certains reproches mérités au régime, les résultats sont tout de même incontestables : une réduction de près de moitié de la pauvreté, une diminution de plus de 60% des importations de l’étranger et une baisse impressionnante du taux de mortalité infantile.
Nous sommes dans les dernières années du 20e siècle qui a vu la chute du socialisme et l’avènement de la pensée unique ! À Caracas, un homme par son discours révolutionnaire vient ameuter toute la région et proclamer une nouvelle ère de « justice sociale ».
Il manie la dialectique avec conviction et sa chemise rouge est aussi flamboyante que son discours. L’Homme tint la dragée haute aux conservateurs et aux faucons de Washington et se déclare le « fils idéologique » de Fidel Castro, à une époque où il était devenu ringard de parler de socialisme.
Il dirige son pays non sans autoritarisme et se permet de revenir au pouvoir quelques heures après un coup d’Etat que l’on croyait ficelé. Toute chose qui va renforcer la légende de l’homme, et faire briller encore plus son aura révolutionnaire. Le socialisme classique miné par la guerre froide repoussait sur les terres chaudes du plateau andin.
Très vite, il creusa un sillon pour son pays en utilisant la manne pétrolière comme un puissant adjuvant à sa diplomatie. Le Venezuela devenait une puissance plus que moyenne entraînant dans son orbite une constellation de nations sud-américaines et caribéennes.
Haïti a fait partie des nombreux pays qui ont bénéficié des largesses du Commandante dans un contexte tout neuf de coopération Sud Sud, en rappelant chaque fois qu’il s’agit de renvoyer l’ascenseur à un pays qui avait aidé le Venezuela dans la lutte pour son émancipation.
Si le socialisme bolivarien apparaît comme une nébuleuse dans sa démarche idéologique et politique, Hugo Chavez a réussi à faire du Venezuela, une nation qui compte. Un pays qui ose hausser le ton dans l’arrière cour des Etats-Unis et qui prétend défier la loi séculaire de la toute puissance américaine.
Apres le passage d’un ouragan sur la ville de New York, il offrit son aide généreuse aux new yorkais, renversant ainsi les paradigmes de la grammaire de l’aide internationale.
Mais le Commandante avait dans son carnet d’adresses beaucoup d’amis sulfureux et controversés qu’il collectionnait comme par bravade vis-à-vis de son puissant voisin. Des amitiés parfois encombrantes qui vont de l’Iran d’Amadjinedad à la Libye de feu le colonel Kadhafi.
Il reste aussi à faire un bilan d’une économie par trop dépendante du pétrole et des effets durables de la politique sociale de la république bolivarienne. Le vice-président actuel, Maduro, héritier du Chavisme, n’a pas le charisme et la popularité du défunt président. Le projet chaviste survivra-t-il à son décès ?
Il reste à savoir si l’histoire acquittera un « caudillo de gauche » qui, sans nul doute avait une haute idée de son peuple en dépit de ses erreurs et des grincements d’une machine gouvernementale centrée autour de la personnalité du Jefe.
Hugo le terrible restera un personnage historique de premier plan, un empêcheur de tourner en rond, un « don quichotte » post-moderne ? Ou tout simplement un « arrière petit-fils » fantasque, mais conséquent, de Simon Bolivar.
* Éducateur, éditorialiste