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Musique haïtienne / Diaspora

La 6ème édition du compas festival a laissé le public sur sa soif...

Djakout Mizik s’est révélé encore une fois le groupe favori du public

Par Joel Lorquet

Soumis à AlterPresse le 26 mai 2004

La 6ème édition du festival de musique haïtienne intitulée "Compas Festival"
a eu lieu le samedi 15 mai dernier au Bicentennial Park sur le Biscayne
boulevard à Miami, Floride en présence d’environ 30.000 spectateurs, selon
les journalistes présents. D’après un animateur de Radio Carnivale à Miami,
"ce festival de musique haïtienne qui est le plus grand en diaspora serait
également classé 8ème du genre sur tout le territoire américain".

Très tôt vers deux heures de l’après-midi la foule commençait déjà à arriver
sur les lieux où des DJs se préoccupaient à créer l’ambiance.

Le spectacle devait réellement débuter vers les 5 heures avec la prestation
de la troupe de danse "Desire" qui n’a pas manqué d’égayer l’assistance.

"Top Vice" a été le premier groupe à monter sur scène suivi de "Nu Look"
dont le tube intitulé "Loving you" a plu énormément au public avant de
passer le micro à l’énergique chanteur Dieudonné Larose qui a fait
spécialement le déplacement de Montréal.

Le public qui a manifesté beaucoup de chaleur en écoutant une blague sur
l’ancien Président déchu, a eu cependant une réaction surprenante qui ne
s’est pas trop fait attendre, en chahutant l’auteur qui a voulu passer en
dérision les pasteurs protestants, preuve que, malgré tout, la communauté
haïtienne de la diaspora conserve encore un peu de moralité.

Le très populaire chanteur Alan Cavé, avant de débuter sa prestation avec le
groupe ZIN, a tenu à rappeler que "la polémique ne mène à rien et que sa
formation musicale ne fait que prôner l’amour". Parmi les chansons qui ont
fait vibrer le public on peut mentionner "Nan nanan", "Fèn vole", "Chokola",
etc.

Ce fut également l’occasion pour le public de découvrir "Triple B", un
groupe de style Rap qui évolue aux Etats-Unis. Les chanteurs de cet ensemble
musical ont payé de leur présence pour interpréter un chant invitant les
Haïtiens à penser pays.

Envoyer de la nourriture au lieu des armes au peuple haïtien...

"Konpa Kreyòl" (qualifié par plus d’un, de groupe de la jeunesse) a débuté
sa performance avec la populaire chanson intitulée "Li pa vini", et au beau
milieu de leur interprétation, les musiciens, tous vêtus de noir (symbole de
leur lutte contre le racisme dans le monde), ont surpris le public par une
scène montée de toute pièce au cours de laquelle l’un d’eux a simulé un
individu qui se serait introduit sur l’estrade pour déconnecter le câble
d’alimentation de l’orchestre et en le pourchassant, des feux d’artifices
ont été lancés dans l’air.

Ce show fut suivi d’une musique interprétée en
tenue militaire et fusil à la main. Joe Zenny a déclaré que "cette musique
traduit la réalité haïtienne du moment", et en a profité pour lancer un
appel aux militaires américains en leur disant : "Au lieu d’envoyer des
armes, il faut envoyer de préférence de la nourriture au peuple haïtien".

Konpa Kreyòl a eu le mérite d’interpréter différents styles de musique en un
laps de temps entrecoupés d’animations. Joe Zenny s’est d’ailleurs révélé un
talentueux animateur en ce sens.

Konpa Kreyòl a terminé dans une ambiance de carnaval en simulant des coups
de feu tirés en l’air et en demandant aux Haïtiens de déposer leurs armes.
Jacques Sauveur Jean annonce un prochain album...

Présent au festival, Jacques Sauveur Jean ("Jackito" de son nouveau nom
d’artiste), est monté sur le podium juste pour annoncer la sortie de son
dernier album avant de demander au public de chanter en à capella des
extraits de plusieurs anciens des tubes de son répertoire "Lanmou doudou",
"je l’aime à mourir", etc. Les mélomanes auront la possibilité de découvrir
le nouvel album de "Jackito" à partir de la semaine prochaine. Des
ventes-signatures seront tenues à Port-au-Prince.

Carimi, Money Back, T-Vice, Tabou Combo, tous fiers d’être Haïtiens...
Les musiciens de Carimi une fois montés sur scène ont interprété "Baby
cool", Kidnapping", suivi de "Sensible à la gachette", "Fòk sa chanje" et
une série d’interprétations de style compas, Rap, raga, etc.

A signaler que
le groupe joue désormais sur scène en compagnie de deux danseuses. Le
chanteur principal de Carimi a déclaré : "ce festival contribue à changer la
mauvaise image qu’avait jadis Haïti à l’étranger et démontre qu’à l’instar
des autres pays, les Haïtiens peuvent entreprendre de belles initiatives
comme ce festival. Il est donc fier d’être Haïtien".

Les joueurs de la sélection nationale de football ont été présentés au
public. Cette équipe doit affronter celle de la Jamaïque le 12 juin prochain
à Orange Bowl de Miami.

Les gars de "Money back" ne semblent avoir pas plu au public avec leur
"Kanaval peyi’m", ce qui les obligea à ne présenter qu’un seul numéro de
leur répertoire. Le public fut tout de suite réconforté avec l’apparition de
T-Vice. En effet le groupe T-Vice a fait son entrée en grande pompe sur la
scène d’abord avec un grand panneau illuminé qui indiquait le nom du groupe
alors que des feux d’artifices étaient lancés dans le ciel. Les quatre
musiciens habillés en tenue d’époque représentant les héros de
l’indépendance ont alors interprété une série de morceaux tirés de leur
répertoire. Les artistes ont été rejoints sur scène par une pléiade de 10
élégantes danseuses qui n’ont pas manqué de charmer l’assistance. On voit
bien que les musiciens de T-Vice ont bénéficié de la précieuse supervision
et de l’encadrement de leur Manager Gessie Al Khal, présente d’ailleurs sur
le podium à côté de l’ingénieur de son durant toute la prestation de son
groupe.

Après une bonne pause comblée grâce à la dextérité des DJs Miky Mix et
Vladimix, vint le tour de Tabou Combo qui fit son apparition en interprétant
son traditionnel "Sa kap vole". Le public a revu un Tabou Combo un peu
fatigué, mais renouvelé avec seulement quatre musiciens connus de la version
originale dont Shoubou qui tient encore bon. Le groupe a interprété, entre
autres, "Limen limyè", "Ayiti a la m’kontan wè-w" (en version troubadour) et
"Nou pa tande".

A signaler que de temps à autres, on pouvait observer des prises de gueule
et des bagarres entre des fanatiques dus probablement à l’effet de l’alcool.
Un musée en diaspora pour raconter l’histoire d’Haïti au monde entier...
Les promoteurs d’un projet de musée pour la communauté haïtienne de Floride
ont profité de la présence de ce public imposant pour inviter les
participants à contribuer financièrement à la réalisation de ce projet. Il
s’agit, disent-ils, "du premier musée haïtien du monde, une façon de
raconter notre histoire au monde entier". Les intéressés peuvent contacter
le (716) 399-1451 pour de plus amples informations.

L’humeur de la foule a changé à cause de Djakout Mizik...

A minuit exactement le groupe Djakout Mizik fit son apparition sur scène et
pendant approximativement une dizaine de minutes seulement l’ensemble devait
électriser une foule en délire qui est restée accrochée à leur groupe de
prédilection et ceci, malgré la pluie battante intermittente. Djakout Mizik
n’a eu le temps de présenter que deux numéros notamment "Gadon biznis" et
"Yo sezi". Pouchon, le chanteur principal, s’est plaint du temps trop limité
accordé à son groupe, du fait que Kasav devait les succéder. Pouchon,
l’ancien chanteur évangélique, pensait que ce festival se voulait la fête du
compas. En effet, en dépit des protestations du public Djakout Mizik a dû
laisser le podium. Les festivaliers, n’ayant pas accepté ce fait, n’ont
alors cessé de réclamer le retour du groupe en criant à tue tête : Djakout !
Djakout !". La pluie aidant, une bonne partie des spectateurs a quitté le
parc pour montrer qu’ils n’étaient pas intéressés à écouter Kasav tandis que
certains fans furieux ne cessaient d’envoyer des bouteilles sur le podium en
signe de protestation.Les organisateurs ont dû prendre le microphone pour
demander aux manifestants de permettre la poursuite de la soirée dans la
paix et ont promis de revenir avec le groupe Djakout Mizik sur la scène.

Après 45 minutes d’attente qui paraissaient interminables, soit à 12:45,
visiblement, la tension montait dans la foule à un tel point que de violents
rix ne cessaient d’être enregistrés de part et d’autres parmi les fans. La
police de Miami a dû intervenir pour demander à tout le monde d’évacuer
immédiatement le Bicentenarial Park sous peine d’être arrêté. Consigne qui
fut respectée au grand désappointement du public qui, malheureusement, est
resté sur sa soif car ni Kasav ni Djakout Mizik n’ont pu performer comme
promis. Djakout Mizik se sera encore révélé incontestablement le groupe
favori du public.

Une initiative louable

Ce festival consacré à la célébration du bicentenaire de l’indépendance
d’Haïti et qui pourtant n’avait rien comme tel dans le contenu, s’est
toutefois révélé un grand moment de défoulement pour la communauté haïtienne
dont certains compatriotes étaient en provenance de plusieurs villes des
Etats-Unis, du Canada et même d’Haïti profitant de faire le pont pendant ce
week-end qui coïncidait avec la célébration de l’anniversaire de notre
bicolore.

C’était également une très belle occasion de retrouvailles pendant que
certains en profitaient pour exercer leur petit commerce de vente de
T-shirts, de casquettes bleues et rouges, de drapeaux, de CDs, etc. à 
l’effigie de notre bicolore. Cet événement a eu certainement des retombées
économiques sur la ville de Miami et aussi bien sur notre pays et a
contribué à stimuler l’effort et la créativité au niveau des musiciens
populaires haïtiens. Somme toute, quand on sait les difficultés auxquelles
ont dû faire face les organisateurs pour réaliser ce festival, on ne peut
que reconnaître qu’il s’agit là d’une initiative louable, une expérience à 
poursuivre.

Signalons la collaboration de la Police de Miami tant au niveau de la
circulation que de la sécurité.

Des correctifs à apporter pour la prochaine édition du festival...

Il n’y avait aucune raison pour les organisateurs d’accorder moins d’une
quinzaine de minutes à Djakout Mizik sous prétexte que le groupe Kasav
devait jouer, alors que le public à cor et à cri, ne réclamait que leur
groupe favori qu’était " Djakout Mizik ". Les 45 minutes de temps morts qui
ont précédé la soi-disant prestation du groupe Kasav, étaient trop longs et
pas nécessaires, et n’ont fait que contribuer à augmenter l’impatience du
public, alors que ce serait tellement simple d’organiser le festival et de
satisfaire les participants avec les groupes haïtiens, sans forcément
inviter un groupe antillais.

Au prochain festival, les organisateurs devraient éviter les temps morts qui
sont parfois trop longs entre les prestations des différents groupes, même
si les DJs et les animateurs ont bien joué leur rôle de divertir le public.
Il serait, par ailleurs, préférable que les animateurs s’expriment de temps
en temps en créole et en français et non seulement en anglais.

Il serait souhaitable que les promoteurs fassent preuve de meilleure
organisation durant les prochaines tenues de ce grand festival annuel qui
devrait continuer par attirer de plus en plus de spectateurs et s’inscrire
même dans les annales des grands festivals de musique du monde.

A noter que la 6ème édition du festival de musique haïtienne intitulée
"Compas Festival" n’aurait pas pu être possible sans la participation des
sponsors suivants : Budweiser, 99 Jam, Island TV, C.A.M. Transfert, Choucoune
Cola, Comcel, Radio Carnivale, etc.

J.L.