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Haïti : La classe moyenne et le phénomène Kita Nago

Débat

Par Marc-Antoine J. Noel*

Soumis à AlterPresse le 22 février 2013

Habituée au théâtre de marionnettes, qui a défini sa vie en occupant tous ses sens avec une insistante et insidieuse agressivité à travers les médias et le papotage quotidien, la classe moyenne haïtienne détruite, déboussolée, sans repères, n’a pas, dans sa grande majorité, réagi au passage de la formidable énergie qui aurait dû, pardon, qui doit être la base de sa reconstruction intégrée dans la reconstruction générale : Kita Nago. 4 millions d’Haïtiens mobilisés sur une base bénévole pendant plus d’un mois.

Il suffit de compter les rares blogs (43) qui ont paru depuis 2 mois sur le site kitnago.ht (et de les comparer au nombre de réactions, en un seul jour, à une prestation sportive) pour se rendre compte que cet outil très classe moyenne traduit l’indifférence ou la méconnaissance de la formidable capacité d’une telle mobilisation pour des changements étonnamment moins lents que prévu.

J’invite ceux qui ont besoin beaucoup plus d’une base théorique ou, en tous cas, moins empirique que de cette impressionnante réalité, pour se convaincre qu’une chance est en train de passer, à consulter les ouvrages suivants :

« Wikinomics : How mass collaboration changes everything » D. Tapscott et A. Williams. Le contexte de ce livre est peut être loin du nôtre mais la réalité du sous-titre reste valable pour nous.

« Le point de bascule : Comment faire une grande différence avec de très petites choses » M. Gladwell (mon expérience personnelle me pousse à modifier le sous-titre en ajoutant « grande et rapide différence » comme j’en ai fait la démonstration, courbes à l’appui, en mai 2010 dans une « lecture » à l’Université Yale aux États-Unis d’Amérique.

Ces deux ouvrages ainsi que ma causerie se basent évidemment sur des expériences vécues. Ils résument, je pense, les principes d’action de la « révolution tranquille » que lance Kita Nago.

La classe moyenne, certes la plus frappée par l’instabilité politique permanente depuis 30 ans et la plus détruite par les désastres naturels de la dernière décennie, se trouve à un tournant difficile et capital.

« Cette douce certitude du pire » ( M. Benasayag et E. Charlton) : vision défaitiste qui fait de la survie la valeur suprême et prône la fin des idéologies risque de la conforter dans son engourdissement et son repli sur soi.

Puisse-t-elle être lucide, déceler les opportunités et faire des choix déterminants pour le bien et l’avenir de notre pays !

Pour finir cette réflexion, j’en appelle à la lutte soutenue - qu’a menée le professeur Marcel Gilbert - pour faire prévaloir, surtout au sein de cette classe moyenne, la vision salutaire de notre « unité Historique de Peuple ».

Les manifestations de 1986 et, sur un registre bien supérieur, Kita Nago, sont la preuve que ce n’est point là une vue de l’esprit.

Que les membres de cette classe moyenne haïtienne, stratégique, en dépit de sa faiblesse aujourd’hui, rejoignent et encadrent les cohortes de la révolution tranquille qui s’annonce. C’est leur seule chance de ne pas finir dans l’arrière-cour des autres, survivants vides, jouant tristement les satisfaits, conscients trop tard d’avoir raté une grande mission.

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* Ingénieur Agronome

Contact : majnoel@yahoo.fr