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Haïti-Éducation/Genre : Les filles vont à l’école, mais n’y restent pas

Par Emmanuel Marino Bruno

P-au-P, 07 févr. 2013 [AlterPresse] --- Une mentalité machiste persistante, des contraintes économiques et un faible souci de l’État continuent d’empêcher les filles de boucler leur études scolaires, constate AlterPresse.

En dépit de petites avancées, les filles ont encore un accès inférieur à l’éducation au niveau secondaire et supérieur par rapport aux garçons. Entrant plus tardivement dans le système éducatif, elles ne représentent que 43% des élèves au moment du baccalauréat, relève l’organisation Kay Fanm,

« Il y a une préférence envers les garçons, quand il s’agit d’envoyer les enfants à l’école », signale le secrétaire général de la ligue nationale des enseignantes et enseignants haïtiens (Lineh), Yvel Admettre, pour qui « les tâches domestiques constituent l’un des éléments à la base de la déperdition scolaire des filles ».

« Des parents croient que, quand la jeune fille sait nettoyer, est capable de faire à manger et d’écrire son nom, cela suffit pour qu’elle épouse un garçon et ce dernier fera le reste [c’est-à dire s’occuper d’elle », critique t-il.

La déperdition scolaire chez les filles est plus fréquente en province que dans la capitale, parce que, généralement, les parents s’intéressent seulement à ce que leurs filles apprennent à lire et écrire.

Pour eux, une fille n’aurait pas besoin de faire des études avancées, puisque celle-ci doit dépendre d’un garçon pour subvenir à ses besoins socio-économiques, ajoute Admettre.

A côté des tâches domestiques, les grossesses prématurées se révèlent un autre obstacle important.

La grossesse prématurée est très souvent liée à des problèmes économiques, comme le chômage, souligne Admettre, faisant remarquer que la déperdition scolaire a rapport à un ensemble de problèmes sociaux existants dans la société.

Quand les parents n’ont pas les moyens financiers pour payer les frais de l’école de leur fille, celle-ci est obligée, la plupart du temps, de faire des compromis avec un homme, qui peuvent déboucher sur une grossesse, explique t-il.

Mais, pour le secrétaire général de l’union nationale des normaliennes et normaliens d’Haïti (Unnoh), Josué Mérilien, ce phénomène tend à s’atténuer.

« Autrefois, quand une jeune fille tombait enceinte, elle était condamnée à ne jamais pouvoir aller à l’école. Maintenant, elle peut être enceinte et retourner à l’école [après l’accouchement] dépendamment du niveau économique de ses parents », se réjouit le syndicaliste de cette petite avancée.

Même constat pour la directrice exécutive de Famn yo la (les femmes sont là), Lisa François, qui signale que la tendance des parents - à ne pas continuer d’envoyer leur fille à l’école après une grossesse - est, de nos jours, à la baisse.

Au niveau secondaire et supérieur, plus de garçons restent à l’école que de filles, maintient Lisa François, qui déplore l’absence de données fiables.

Pour elle, il faut placer la balle dans le camp de l’État.

« Il faut la mise en place de mécanismes capables de garder les filles, comme les garçons, à l’école », préconise-t-elle, appelant l’État à lutter contre l’école buissonnière.

L’éducation est l’une des priorités du gouvernement actuel, qui a mis en place un programme de scolarisation dite universelle et gratuite.

La problématique de la déperdition scolaire des filles n’est, cependant, pas touchée par ce programme. [emb kft rc apr 07/02/2013 1:45]