Critique de film
Par Vario Sérant
P-au-P., 24 mai. 04 [AlterPresse] --- C’est une assistance sélecte avec la plupart de ses sens en éveil qui a
répondu à l’avant première du film VIP (Vanité, Intrigues, Passion) à
"Karibe Convention Center", un hôtel luxueux de la capitale haïtienne, le 22
mai 2004.
Sourire, rire, hochements de tête, « abattement » éclair pendant son
déroulement et ovation après sa projection.
Autant de signes extérieurs reflétant une « entrée réussie ».
VIP-film : c’est tout d’abord un effort de synthèse. Quelque neuf cents
minutes d’un feuilleton radiophonique rendues en quatre-vingt-dix minutes
d’images en mouvement.
Un exercice difficile et paraissant par moments tiré par les cheveux.
Mais l’essentiel semble avoir été atteint. Le spectateur s’est délecté. Il a
vécu par procuration le bonheur, les fantaisies, les pincements au cœur, les
incartades, les errements et les facéties des personnages comme les «
Martine De La Rue », Laura, Grégory Blaise et Didier.
Un père attentionné pour sa fille et son foyer face à une épouse ambitieuse
totalement absorbée par son travail et obsédée par la réussite
professionnelle ; un cadre supérieur, bon viveur et coureur de filles ; une
spécialiste en combine amoureuse.
Le film met en scène les mêmes personnages du feuilleton radiophonique, tout
en soignant l’image de certains d’entre eux et en imprimant à la trame une
dimension morale.
En témoigne cette séquence où le docteur Stéphane annonce à Martine De la
Rue qu’elle est atteinte d’un cancer et que celle-ci en vienne à penser
qu’elle est en train de payer pour son comportement vis-à -vis de sa famille
nucléaire.
Cette séquence est d’ailleurs le point culminant du film, le climax. A notre
avis, c’est la séquence qui a sauvé l’adaptation.
La mimique expressive de Sofia Désir, incarnant Martine De la Rue, quand le
médecin lui annonce sa maladie, a très certainement contribué au relèvement
de cette séquence.
Les sentiments qui traversent les différents personnages du film, savoir
l’amour, la jalousie, le désir, la haine, le regret, sont certes empreints
d’universalité.
Néanmoins, le film accuse un évident déficit d’encrage local, haïtien.
Martine De la Rue ou Laura pourrait être bien Alexis dans le feuilleton
américain Dynastie ou on ne sait quelle autre actrice de « Top Model », «
All My Children » et j’en passe. Autrement dit, le film paraît ne pas avoir
d’identité propre.
Ce déficit de sens pourrait être compensé par des images appropriées de
notre Haïti débordante d’énergie et de contradictions.
Mais l’économie d’actions et de scènes tournées en extérieur, comme c’est
souvent le cas pour des films haïtiens réalisés dans les conditions que l’on
sait, a privé le spectateur de cet additif.
Le décor général du film, en dehors de tout élément de contraste, a placé
les personnages en total décalage par rapport à la réalité et a imprimé au
feuilleton l’allure de romans photos.
Ces remarques n’enlèvent en rien, bien entendu, à l’imagination dont font
preuve les animateurs de VIP (Sofia Désir ayant écrit le scénario, Réginald
Lubin l’ayant réalisé et tous les autres professionnels). Elles n’enlèvent
en rien non plus à l’effort consenti qui mérite d’être salué.
Nous espérons que ces quelques commentaires susciteront débats. Car, un
cinéma haïtien intelligent et « non désincarné » a besoin de critiques
constructives. [vs apr 5/24/2004 08:00]