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Haïti-Séisme-3 ans : Transcender le deuil

Actualisé le 12 janvier 2013

Par Emmanuel Marino Bruno

P-au-P, 11 janv. 2013 [AlterPresse] --- Trois ans après le séisme du 12 janvier 2010 ayant occasionné 300 mille morts, autant de blessés et plus de 1,5 million de sans-abris, la population haïtienne est, généralement, en bonne santé mentale, souligne, dans des déclarations à AlterPresse, le psychologue Kevins Villefranche qui a, entre autres, une formation en psycho traumatologie.

85 à 90 pour cent des Haïtiennes et Haïtiens ne souffrent plus de traumatisme, avance le psychologue croyant que ceux-ci voient le tremblement de terre comme une histoire passée.

Seulement 10 à 15 pour cent de la population d’un pays est susceptible d’être affecté psychologiquement au point de tomber malade après un événement traumatique, par exemple un séisme, rassure Villefranche se basant sur des approches thérapeutiques sur la question.

La majeure partie de ces Haïtiennes et Haïtiens ont surmonté psychologiquement le choc provoqué par le séisme, considère Villefranche qui a participé à plusieurs prises en charge psychosociale des victimes du séisme.

« Chez chaque être humain, il y a un processus naturel d’auto guérison », explique t-il en s’appuyant sur l’approche relative au « syndrome général d’adaptation (Sga) du médecin canadien d’origine autrichienne, Hans Selye (26 janvier 1907 - 16 octobre 1982). inventeur de la théorie du stress.

Le Sga est une réaction générale d’alarme correspondant à un effort de l’organisme pour s’adapter à de nouvelles conditions.

Hans Selye distingue trois phases dans son modèle, notamment la réaction d’alarme où le corps de l’individu mobilise ses ressources pour faire face au stress.

Le psychologue Villefranche conseille à certains individus - qui courent, sortent fréquemment de leur maison pour se protéger d’un éventuel séisme, au simple fait d’entendre un son ou bruit - d’aller voir un psychologue s’ils n’ont encore suivi aucun accompagnement psychologique.

Il exhorte toutes et tous de ne pas oublier complètement l’événement tragique pour ne pas reproduire les mêmes erreurs passées, comme multiplier les constructions anarchiques responsables des nombreuses pertes en vie humaine.

Au-delà de la guérison psychologique

Les problèmes des Haïtiennes et Haïtiens sont plus d’ordre social que psychologique, analyse Villefranche.

Il critique, par exemple, l’absence d’accompagnement structurel pour les personnes handicapées après le séisme destructeur, comme des structures de transports en commun appropriés et des hôpitaux publics et privés adaptés.

Plus de quatre (4) mille personnes, amputées après le séisme, ont grossi la population des personnes handicapées, estimées à 800 mille en Haïti avant le 12 janvier 2010.

Une enquête, réalisée par le psychologue Villefranche sur la santé mentale de 30 victimes amputées, âgées entre 20 à 60 ans, en réadaptation dans un centre de Handicap International (organisation non gouvernementale internationale basée à Port-au-Prince), indique que la plupart de ces personnes ont bien traversé le choc subi après le séisme du 12 janvier 2010.

Âgée de 33 ans, Carline Alexandre est l’une de ces victimes ayant repris goût à la vie.

Après l’amputation de sa jambe droite, suite au séisme, elle raconte avoir poursuivi ses études classiques jusqu’à leur achèvement.

Après des séances de rééducation et de thérapie à ce centre, elle a appris aussi à danser et à jouer au football avec une prothèse, en compagnie d’autres personnes handicapées.

Le 15 janvier 2010, Alexandre a été retirée sous les décombres du collège Michel Moise à l’Avenue Christophe (Port-au-Prince) après y avoir passé trois jours sans manger et sans boire auprès d’autres cadavres de camarades en décomposition.

A cause de la gravité de ses blessures, sa jambe droite a du être amputée quelques jours après, se rappelle-t-elle.

« Même si quelqu’un a perdu une jambe ou deux, la vie continue. On peut toujours vaquer à ses occupations avec une prothèse », encourage-t-elle aujourd’hui, appelant les victimes du tremblement de terre du 12 janvier 2010 à ne jamais baisser les bras.

L’auto-guérison suffira t-elle toujours ?

La majorité des psychologues haïtiens travaillent dans les organisations non gouvernementales et les institutions internationales, dans un pays où il existe beaucoup d’incertitudes et de problèmes psychologiques, déplore Villefranche qui souhaite la création, par l’État, de plus de centres publics en santé mentale.

82 travailleuses et travailleurs sociaux, soit 0.86 pour 100,000 habitants, travaillent dans les structures publiques et privées, indique l’organisation mondiale de la Santé (Oms) dans un rapport (publié en 2011) sur le système de santé mentale en Haïti.

Il n’existe « que 27 psychiatres pour tout le pays. 70%, soit 19 d’entre eux, exercent exclusivement dans le secteur privé ou pour une organisation non gouvernementale (Ong) et 30%, soit 8, travaillent dans les structures publiques et privées », souligne ce rapport 2011 de l’Oms.

Le psychologue Kevins Villefranche recommande à l’État haïtien, de renforcer d’élargir (les services) des institutions de santé mentale dans le pays, comme le centre de neurologie et de psychiatrie Mars et Kline (Chupmk) qui n’accueille, selon lui, que des gens agressifs, ce qui n’est pas normal.

Ce centre s’occupe, à Port-au-Prince, du diagnostic et du traitement des troubles nerveux et mentaux.

Haïti ne compte que deux centres de soins psychiatriques, à savoir le Chupmk, et l’Hôpital Défilée de Beudet à la Croix-des-Bouquets (municipalité au nord-est de la capitale).

Le ministère de la santé publique et de la population (Mspp) doit disposer de plus de moyens pour multiplier les services fournis en santé mentale en Haïti, préconise le psychologue. [emb kft rc apr 11/01/2013 0:00]