P-au-P, 7 déc. 2012 [AlterPresse] --- La première audition de Marie Danielle Bernadin, présumée victime de viol par le président du conseil électoral contesté Josué Pierre-Louis, soulève des inquiétudes, tant chez les avocats que chez les femmes et organismes de droits humains l’ayant accompagné au cabinet d’instruction du juge Joseph Jeudilien Fanfan, le jeudi 6 décembre 2012, selon les informations recueillies par l’agence en ligne AlterPresse.
Une « solidarité gouvernementale », envers le présumé violeur Pierre-Louis, a été manifestée par la visite « inopportune et d’intimidation » du ministre de la justice, Jean Renel Sanon, au palais de justice alors que l’audition s’y déroulait calmement.
Malgré « les pressions politiques », les avocats Newton Saint-Juste, André Michel et Mario Joseph se disent prêts à aller jusqu’au bout.
« La bataille va continuer. Nous allons rester vigilants. Nous sommes confiants, car nous avons un dossier d’accusation en béton », déclare Me. Michel au micro des journalistes, au terme de 5 heures d’audition de la demoiselle Bernadin (27 ans) au cabinet d’instruction.
« Très bientôt, Josué Pierre-Louis sera inculpé pour viol sur la personne de Marie Danielle Bernadin », prédisait, en tout optimisme, Me Joseph, dans la matinée du 6 décembre, Me Joseph.
Me Pierre-Louis aurait déjà commis plusieurs forfaits de ce genre dans sa carrière, rapportent l’avocat du bureau des avocats internationaux et les données diffusées sur les réseaux sociaux, dont le très populaire Facebook.
« Selon certains témoignages, c’est une pratique de Me Pierre-Louis, que ce soit au parquet [comme commissaire du gouvernement près de la cour d’appel de Port-au-Prince] ou dans des établissements où il enseignait. D’ailleurs, tout le monde est au courant et en parle » prétend Me Joseph.
Les organisations de femmes ne vont pas céder. Elles iront jusqu’au bout dans cette affaire, pour que la justice puisse la traiter en toute impartialité, soutient Olga Benoit, de Solidarite fanm ayisyèn (Sofa).
« Il est important de soutenir la victime dans sa quête de justice. Certes, elle fait l’objet de beaucoup de pressions. Mais, optimistes, nous pensons que la justice doit être célère. Un signal clair doit être envoyé aux agresseurs de tout acabit pour leur dire que leurs forfaits ne sauraient rester impunis. Aussi, la population comprendra-t-elle qu’elle peut faire confiance à la justice du pays », analyse Benoît.
Campée devant la porte du cabinet d’instruction, au moment où le ministre Sanon « aurait perdu sa route vers le bureau du doyen du tribunal de première instance », Marie Yolène Gilles du réseau national de défense des droits humains (Rnddh) atteste avoir « empêché le ministre de tenter d’influencer l’audition ».
Le Rnddh appelle à « la vigilance sur tous les fronts ».
Le machisme semblerait ancré profondément dans la mentalité de beaucoup, à entendre, au parquet du tribunal civil de la capitale Port-au-Prince, les discours, les commentaires, les agitations de curieux, d’avocats, de huissiers, d’autres fonctionnaires du palais de justice, voire de journalistes.
Une certaine tendance, agressive, de banalisation du viol s’en dégage également.
Proche du pouvoir en place, ancien commissaire du gouvernement près la cour d’appel de Port-au-Prince, ancien directeur général et ancien ministre de la justice et de la sécurité publique, ancien secrétaire du palais national, Josué Pierre-Louis a été nommé comme l’un des représentants du pouvoir exécutif au sein du conseil électoral "présidentiel" contesté.
Tel est le profil de ce haut fonctionnaire public, aujourd’hui accusé de viol sur la personne d’une subordonnée.
Connaissant le système judiciaire haïtien - dont plusieurs jugements et autres décisions à l’apparence d’affaires souverainement jugées sont soupçonnés d’avoir été l’objet de trafic d’influence -, certaines personnes affirment déjà leur scepticisme sur l’issue de l’affaire, voire sur les possibilités concrètes de faire de la lumière sur ce dossier de viol impliquant un haut fonctionnaire de l’État.
Cependant, n’est-il pas tout aussi à craindre la propension de certaines annonces publicitaires, audiovisuelles, à encourager, tout au moins implicitement, la chosification de la femme ?
Ne doit-on pas aussi s’alarmer de la carence de conscientisation des responsables d’opinions sur la problématique du genre ?
En tout état de cause, le ministère à la condition féminine et aux droits des femmes (Mcfdf) espère que la justice nationale « saura faire entendre le mot du droit sur ce dossier ».
Le viol est une infraction qualifiée de crime par les lois haïtiennes, en conformité avec les engagements internationaux pris par l’État haïtien, rappelle le Mcfdf qui déclare « continuer d’œuvrer contre toutes formes de violences faites aux filles et aux femmes ». [efd rc apr 7/12/2012 12:59]